Enquêtes

Zones prioritaires et espèces communes

Malgré les efforts de prospection réalisés par les botanistes bénévoles et professionnels depuis la publication du dernier atlas en 1979, la couverture du territoire wallon est encore largement inégale et insuffisante. Le nombre d'espèces renseignées dans certaines mailles paraît trop faible par rapport au nombre attendu, signifiant par là que les prospections sont incomplètes:

  • soit les milieux prospectés par maille ne sont pas assez diversifiés,

  • soit les inventaires sont incomplets.

Comme pour d'autres groupes d'espèces, nous remarquons en effet la tendance de certains observateurs à ne renseigner que les espèces rares et à ignorer les espèces communes ou encore à se focaliser sur des milieux particuliers ou des endroits déjà bien prospectés. D'ailleurs, la situation des espèces rares semble à ce jour mieux connue, notamment grâce à l'important travail réalisé pour la première liste rouge de la flore de Wallonie (Saintenoy-Simon et al., 2006) et son actualisation qui est en cours. Mais, en revanche, nous savons moins comment ont évolué les espèces communes au cours du temps, de même que la distribution exacte de certaines néophytes dont nombre d'espèces ont pourtant connu une extension importante depuis la fin des années 1970.

Il s'agit donc à présent de concentrer les efforts dans les zones où nous disposons de trop peu de données. Afin de visualiser quelles sont les mailles sous-prospectées, de nouvelles cartes dynamiques ont été spécialement développées (voir «atlas en ligne» et un guide d'utilisation complet dans la rubrique «ressources») et notamment une carte récapitulative qui permet de les identifier au premier coup d'œil. Vous pouvez également réserver une case pour y prospecter en envoyant un e-mail à Pascal.Dupriez@spw.wallonie.be.

Enquêtes spécifiques

Nos enquêtes spécifiques attirent l'attention sur des milieux et/ou des espèces qui pourraient passer inaperçus et méritent donc des inventaires plus approfondis notamment à certaines saisons. Ces fiches peuvent permettre aux naturalistes amateurs de se perfectionner tout en apportant une contribution significative au projet.

En effet, malgré les prospections réalisées par les nombreux collaborateurs à l'atlas, nous manquons d'informations (ou les informations sont incomplètes) pour un certain nombre d'espèces. Il s'agit d'espèces qui sont présentes dans des milieux traditionnellement peu prospectés : les cultures et les moissons, les milieux urbains ou les habitats aquatiques au sens large.

Le texte d'introduction comporte une rubrique « pourquoi chercher ? » donnant l'état des connaissances, « quand chercher ? » donnant quelques informations sur les périodes les plus favorables pour herboriser dans ces milieux et « où chercher » avec les meilleurs filons ... quand ils sont connus.

1. Les espèces des cultures et des moissons

2. Les friches urbaines, les réseaux de transport et les cimetières

3. Les milieux aquatiques et amphibies

4. Bibliographie


corydale jaune et fausse capillaire

1. Les espèces des cultures et des moissons

Pourquoi chercher ?

La flore des cultures et des moissons est probablement celle qui s'est le plus modifiée au cours des dernières décennies (Delescaille & Saintenoy-Simon 2006 ; Legast et al. 2008 ; Saintenoy-Simon & Duvigneaud 1998).

La plupart du temps, les espèces qui se développent dans les cultures et les moissons sont banales et ubiquistes, surtout dans les régions de grandes cultures et il faut parfois chercher longtemps pour découvrir une espèce plus rare. C'est une des raisons pour lesquelles ces milieux sont peu prospectés. Néanmoins, certaines espèces ont connu une extension (ou une régression) spectaculaire au cours des dernières décennies et il est nécessaire de faire un état des lieux pour avoir une cartographie qui reflète cet état de choses.

Une meilleure connaissance des stations d'espèces patrimoniales permettrait aussi d'activer des mesures spécifiques de protection (par l'intermédiaire de Mesures Agri-Environnementales [Lemoine et al. 2017] ou par la création de champs dédiés à la conservation des espèces messicoles, à l'instar de ce qui existe dans d'autres pays).

Où chercher ?

Même si la flore de la plupart des cultures et des moissons peut paraître d'une banalité affligeante, il est toujours possible de faire de belles observations dans des circonstances particulières : parcelles en jachère temporaire, éteules, bords de champs (tournières) moins soumis aux intrants, parcelles bénéficiant d'un régime de culture plus extensif, bandes de parcelles aménagées pour la flore ou pour la faune, cultures sur sols secs, sableux ou rocailleux ou, au contraire, sur sols humides.

De manière plus anecdotique, des espèces de cultures et moissons peuvent reparaître lors d'un défrichement ou d'une remise en culture de prairie. Elles peuvent aussi se développer dans des cultures moins courantes : pépinières, plantations de « sapins » de Noël, vignobles, cultures pour le gibier. Les (vieux) dépôts de fumier peuvent aussi amener leur lot d'espèces nitratophiles peu banales (Amaranthus, Atriplex, Chenopodium).

Quand chercher ?

Les espèces liées aux cultures ont des cycles de vie qui leur permettent de subsister dans des conditions particulières. La majorité est constituée d'espèces annuelles à cycle de vie court, traditionnellement déclinées en espèces à germination automnale, généralement associées aux cultures semées en automne (froment, épeautre, seigle mais aussi colza),  et en espèces à germination printanière, généralement associées aux cultures installées au printemps (betteraves, pommes de terre, orge, avoine, maïs).

Les espèces à germination automnale fleurissent en général en juin-juillet, bien que certaines puissent fleurir dès le début de la bonne saison, alors que les espèces à germination printanière fleurissent généralement plus tard (juillet-septembre). Quelques espèces de petite taille fleurissent généralement mieux dans les éteules, après la récolte (Anagallis arvensis, Euphorbia platyphyllos, Kickxia elatine, K.spuria, Stachys annua).

corydale jaune et fausse capillaire

2. Les friches urbaines, les réseaux de transport et les cimetières

Les milieux fortement urbanisés sont souvent délaissés par les naturalistes parce que la flore y est souvent banale et, par nature, susceptible d'évoluer ou disparaître rapidement. Néanmoins, les friches urbaines et les milieux fortement anthropisés peuvent abriter une grande variété d'espèces où se mêlent espèces indigènes, espèces introduites et espèces en voie de naturalisation. Certaines milieux peuvent également subsister à long terme et méritent donc d'être considérés à ce titre. C'est notamment le cas des cimetières ou des espaces associés aux grandes infrastructures de communication (échangeurs routiers, gares de formation, chemins de halage, etc.) qui participent aussi à la trame verte des agglomérations.

Les trottoirs, les vieux murs

Pourquoi chercher ?

Les trottoirs et les murs sont des milieux particulièrement hostiles et peu d'espèces y sont adaptées : substrat minéral, pollution organique et minérale (sels de déneigement), piétinement, gestion récurrente (herbicides, ...), etc. Cependant, à y regarder de plus près, de nombreuses espèces peuvent subsister dans ces milieux, pour peu que la gestion y soit un peu moins intensive. Diverses espèces à caractère envahissant ont réussi à s'installer durablement dans cet environnement hostile avec, parfois, des phénomènes d'extension puis de régression (Galinsoga parviflora vs G. quadriradiata).

Où chercher ?

Tous les milieux urbanisés sont utiles à inventorier et permettent souvent de découvrir des espèces que l'on ne s'attend pas à trouver en ville, échappées de jardins, amenées par les oiseaux ou le transport de marchandises. Des habitats particuliers méritent aussi une attention de la part des naturalistes, notamment les parcs, les jardins paysagers, les vieux murs où se côtoient espèces indigènes et espèces introduites, souvent de longue date comme la corydale jaune (Pseudofumaria lutea), la linaire cymbalaire (Cymbalaria muralis), la giroflée des murailles (Cheiranthus cheiri), la pariétaire de Judée (Parietaria judaica) ou, plus récemment, l'érigeron des murs (Erigeron karvinskianus).

Quand chercher ?

Lors de chaque balade en ville ...

Les voies de communication

Pourquoi chercher ?

Les infrastructures de communication (voies ferrées, routes et autoroutes) constituent des « portes d'entrée » pour de nombreuses espèces étrangères (le cas de Senecio inaequidens est particulièrement exemplatif à ce titre) ou indigènes (espèces des « prés salés » indigènes à la côte mais en extension depuis les années 1970 le long du réseau routier et autoroutier à l'intérieur des terres). D'une certaine façon, elles remplacent les voies de communication ancestrales (berges des cours d'eau, zones alluviales remodelées par les crues). Il s'agit par ailleurs de secteurs difficiles à inventorier pour lesquels nous manquons de données. Alors que le réseau routier « normal » est suivi depuis de nombreuses années (convention « bords de route »), le réseau ferroviaire et autoroutier est beaucoup moins bien connu.

Où chercher ?

La principale difficulté réside dans l'accès aux infrastructures de communication. En dehors des secteurs régulièrement embouteillés, des parkings et des quais de gares, il est pratiquement impossible de réaliser des inventaires exhaustifs de la flore. Cependant, certaines espèces suffisamment caractéristiques peuvent être cartographiées « en roulant » (voir p. ex. Delescaille 2016).

L'idéal est de se focaliser sur une espèce à la fois, lorsque vous êtes accompagné d'un convoyeur disposant d'un GPS ... où lorsque l'état d'encombrement de la voirie permet d'herboriser à l'aise (ce qui est plutôt exceptionnel malgré les bouchons).

Quand chercher ?

Les floraisons s'échelonnent tout au long de l'année avec la cochléaire danoise (Cochlearia danica), la spergulaire maritime (Spergularia marina), le jonc à tiges comprimées (Juncus compressus), l'atropis distant (Puccinellia distans), le panais commun (Pastinaca sativa), la passerage rudérale (Lepidium ruderale), la grande ciguë (Conium maculatum), la berce du Caucase (Heracleum mantegazzianum), le séneçon sud-africain (Senecio inaequidens), ... et bien d'autres espèces.

Les cimetières

Pourquoi chercher ?

Les cimetières sont, souvent à juste titre, considérés comme des endroits peu propices au développement de la vie en général et de la flore en particulier. Néanmoins, certaines espèces peu courantes y trouvent actuellement leurs principales stations ! Citons, à titre d'exemple, la gagée des champs (Gagea villosa), une espèce qui se rencontrait autrefois dans les cultures et qui se maintient dans certains cimetières de Lorraine (Remacle 2011), l'holostée en ombelle (Holosteum umbellatum) et la véronique à feuilles luisantes (Veronica polita), espèces des cultures et des pelouses ouvertes. La première espèce est présente dans quelques cimetières de la région bruxelloise et la seconde l'accompagne dans les cimetières de Lorraine (Remacle 2011, Saintenoy-Simon 2005).

La prise en compte de ces espèces patrimoniales devrait être rapidement documentée surtout lorsqu'on sait que la gestion des cimetières devrait à l'avenir être plus extensive et plus « verte » (Servais et Colomb 2016).

Où chercher ?

Tous les cimetières sont a priori intéressants à prospecter, particulièrement ceux qui sont situés sur des substrats très filtrants et qui, paradoxalement, sont entretenus de manière intensive mais des découvertes intéressantes peuvent également être réalisées dans les endroits un peu plus négligés, voire même dans les pelouses fréquemment entretenues.

Quand chercher ?

La plupart des espèces intéressantes sont à floraison printanière (dès février lorsque l'hiver est doux) mais parfois délicates à découvrir ou à identifier. Il vaut donc mieux y passer avant la Toussaint !


corydale jaune et fausse capillaire

3. Les milieux aquatiques et amphibies

Pourquoi chercher ?

La plupart des espèces végétales aquatiques sont menacées en Wallonie. Les causes en sont multiples mais généralement liées à la mauvaise qualité de l'eau (eutrophisation) ou à une gestion des niveaux d'eau inadéquate. D'autre part, des espèces introduites s'étendent rapidement et peuvent proliférer au point de remplacer la flore indigène.

Les espèces concernées peuvent être réparties en deux catégories : les espèces annuelles pionnières et les espèces vivaces amphibies ou aquatiques. Les premières se développent dans les nouveaux plans d'eau (diverses espèces de potamots à feuilles fines) ou sur les berges occasionnellement exondées (diverses espèces d'élatines, de joncs, de scirpes ; la limoselle). Les secondes se développent dans une lame d'eau permanente (espèces aquatiques) ou dans la zone de battement (espèces amphibies).

Les espèces pionnières ne s'observent souvent que lorsque la lame d'eau est abaissée au cours de la saison de végétation, soit naturellement, soit artificiellement (mise en assec). Elles disparaissent rapidement lorsque le niveau de l'eau est stabilisé ou lorsque l'assec se prolonge.

Les espèces amphibies et aquatiques sont parfois difficiles à collecter (berges abruptes, eau profonde) et souvent difficiles à déterminer ; elles sont donc souvent sous détectées ou insuffisamment identifiées (lentilles d'eau, callitriches, potamots, renoncules aquatiques, ...).

Où chercher ?

Les espèces aquatiques et amphibies peuvent se développer dans des collections d'eau très variées, depuis les ornières forestières jusqu'aux grands lacs de barrage, en passant par les étangs d'agrément, les étangs de pisciculture, les bras morts des cours d'eau, les mares prairiales, les canaux et les fossés ...

Quand chercher ?

Les espèces pionnières fleurissent souvent assez tard dans la saison (septembre-octobre), en relation avec la vitesse du découvert des berges, alors que les espèces aquatiques arrivent plus rapidement à maturité (juin à août, en général).


4. Bibliographie sommaire

  • Delescaille L.-M. 2016. Atlas de la flore de Wallonie - où en est-on début 2016 ? Adoxa 90/91 : 1-6.

  • Delescaille L.-M. et Saintenoy-Simon J. 2006. L'érosion de la biodiversité : les plantes vasculaires (PDF-1446 ko). Dossier scientifique réalisé dans le cadre de l'élaboration du Rapport analytique 2006-2007 sur l'état de l'environnement wallon. Centre de Recherche de la Nature, des Forêts et du Bois (MRW - DGRNE) - Association pour l'Étude de la Floristique (Bruxelles) : 25 p.

  • Legast M., Mahy G. et Bodson B. 2008. Les messicoles - Fleurs des moissons.  Collection Agrinature n° 1. Ministère de la Région Wallonne. Direction générale de l'Agriculture : 122 p.
  • Lemoine C., Sérusiaux E., Mahy G. & Piqueray J. 2017. Évaluation de la mesure agroenvironnementale pour la conservation des plantes messicoles spontanées en Wallonie. Parcs & Réserves 72 (4) : 4-11.

  • Saintenoy-Simon J. et Duvigneaud J. 1998. Flore des moissons, des champs et des jachères postculturales en Wallonie. Actes du Colloque sur la faune et la flore des moissons, cultures et friches. Amicale Européenne de Floristique - Ardenne  et Gaume - Les Naturalistes belges (Bruxelles, le 17 octobre 1998) : 21-46.

  • Saintenoy-Simon 2007. Groupe Flore bruxelloise. Rapport des excursions de l'année 2005. Adoxa 55/56 : 29-59.

Source : http://biodiversite.wallonie.be/