Les sites Jean Massart (1912)

Introduction

En 1912, Jean Massart qui était Professeur à l'Université de Bruxelles et Directeur de l'Institut Botanique Léo Errera, publiait l'un des premiers inventaires de sites de grand intérêt scientifique. Le document intitulé "Pour la conservation de la Nature en Belgique" reste d'une étonnante actualité (voir la version pdf (PDF-25612 ko) digitalisée par la Bibliothèque de l'Université de Ghent).

L'objectif de ce travail était d'identifier les sites qui nécessitent une protection urgente afin de conserver une trace du patrimoine biologique et géologique de la Belgique pour les générations futures. Le premier chapitre ("Pourquoi il faut protéger la nature") présente une synthèse des arguments qui justifient la conservation d'espaces naturels ou semi-naturels, qui est toujours d'actualité ! Mais si les motivations sont identiques, la situation a depuis bien changé ...

Massart propose de créer des réserves de grandes étendues appelées "parcs naturels" où se trouveront réunies la flore et la faune d'un district naturel et dont la taille doit être suffisante pour que les conditions d'existence ne soient pas modifiées par les activités humaines. Ces zones étendues doivent être complétées par la protection de sites de dimensions plus modestes dans les régions soumises à une intense activité humaine de manière à conserver localement des stations représentatives d'une partie de la faune et de la flore naturelle ou de conserver des populations d'espèces rares.

Quelques extraits d'une extraordinaire modernité ...

"Chaque progrès de la science agricole permet d'incorporer au domaine des cultures un territoire jusque là sauvage. Ici l'irrigation artificielle transforme en belles prairies à foin des marécages qui paraissent rebelles à tout essai d'exploitation. Ailleurs des fagnes, fournissant à peine un peu de mauvaise litière, sont drainées et plantées d'Épicéas."
"Une terre doit être extraordinairement maigre, rocheuse ou marécageuse, pour que le Belge ne réussisse pas à lui faire produire quelque chose. Et même s'il doit vraiment renoncer à la mettre en culture, par quelque procédé que ce soit, il y fera pâturer ses bestiaux, il y grattera de la litière, il enlèvera la croute superficielle du sol pour en faire du combustible."
"Sans aucun doute, personne de songerait un seul instant à regretter que le Belge réussisse à faire produire à son sol le maximum d'effet utile, ni que la Science, pour désintéressée qu'elle soit dans son essence même, fournisse à l'industrie et à l'agriculture les moyens de perfectionner les procédés d'exploitation. Seulement, l'utilisation du territoire doit-elle aller jusqu'aux plus extrêmes limites; faut-il que l'industrie et la culture prennent possession des moindres parcelles du sol ?"
"Certes non, nous ne devons pas - nous ne pouvons pas - permettre que les derniers coins de nature qui nous restent encore s'effacent devant l'artificiel. L'augmentation croissante de notre population aura beau rendre la concurrence vitale de plus en plus âpre, nous porterions vis-à-vis des génération futures une responsabilité par trop lourde, si nous ne leur laissions pas la faculté de constater de visu , ne fût-ce qu'en un petit nombre de points, quel était l'état physique de notre pays avant son entière dénaturation."
"Il faudra surtout attacher de l'importance à préserver ceux de ces points qui sont voisins des grandes villes, car ils seront d'un secours appréciable pour la démonstration pédagogique. Dans toutes les écoles d'enseignement supérieur on se plaint de ce que les excursions scientifiques pour les étudiants doivent être conduites de plus en plus loin de la ville : les bruyères, les bois, les marais, les chemins creux, qui sont les buts habituels d'herborisation, disparaissent les uns après les autres.
"Toutes (les Sciences) renferment des domaines encore insoupçonnés, et qui resteront à jamais fermés si on détruit les sites d'où leurs horizons seront découverts."
"Qui donc oserait prétendre qu'on peut, sans léser le patrimoine commun de tous les Belges, faire disparaître les derniers vestiges du Zwijn, source de l'antique prospérité de Bruges, la Venise du Nord, ou les quelques reliques des temps glaciaires qui survivent sur nos Hautes-Fagnes, ou les espèces nouvelles, dont nul connait encore la destinée, qui se créent cà et là dans nos forêts ou nos landes ?"
"Pour sauver les dernières parcelles qui ont gardé quelque peu de leur aspect primitif, il faut agir tout de suite. Car si l'on y prend garde, les cultures, les usines, les chemins de fer, les carrières, les villas ... auront bientôt tout envahi, et la génération qui nous suit ne verra plus les dunes littorales, ni les bruyères et les marécages en Campine, ni les Hautes-Fagnes sauvages, ni les énormes murailles rocheuses qui bordent la Meuse. Et l'on se demande où nos successeurs iraient étudier la géographie physique, la Botanique et la Zoologie de leur pays."

et d'une grande lucidité ...

"Ce qui montre que pour le paysage, comme pour toutes autres choses, l'homme ne s'attache vraiment qu'à ce qu'il est menacé de perdre, ou mème à ce qu'il a déjà perdu."

Une lecture indispensable à tous ceux qui s'intéressent, près de 100 ans plus tard, à la conservation de la nature !

Liste des sites wallons qui ont un intérêt biologique identifiés par Jean Massart :

Références

Source : http://biodiversite.wallonie.be/