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Méthodologie de désignation des sites

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1. Objectifs et limites de l'approche

Les objectifs à atteindre

La mission confiée fin mars 2002 au DEMNA (ex-CRNFB) consistait à terminer l'identification et la cartographie de tous les sites susceptibles d'être éligibles pour le Réseau NATURA 2000 afin de compléter les surfaces déjà désignées en juin 2001 (Figure 1) et ce, dans un délai très bref (fin juin 2002).

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Figure 1. Etat des désignations après les décisions de mars 2000 (en rouge) et de juin 2001 (en vert). Contrairement à une idée répandue, moins d'un tiers du réseau proposé à ce moment bénéficiait déjà d'un autre statut de protection.

Les limites de l'approche mise en oeuvre

Sans cartographie détaillée des habitats ou d'inventaire précis des populations d'espèces, ni d'évaluation des potentialités de restauration, il était impossible de réaliser immédiatement un travail de qualité scientifique irréprochable. A priori, la production de périmètres définitifs devait résulter d'une analyse détaillée de l'existant, du potentiel, des contraintes biologiques et de certaines contraintes socio-économiques pour définir des objectifs biologiques réalistes. C'est d'ailleurs de ces objectifs biologiques précis que devaient être dérivées les actions à mettre en œuvre, les périmètres qui étaient censés en bénéficier et les indicateurs de suivis adéquats. Cette procédure nécessitait de nombreux travaux de longue haleine impossibles à mettre en œuvre avec les moyens et le temps disponibles. Le but de la mission confiée au DEMNA était donc de définir le mieux possible des périmètres contenant des sites NATURA 2000 en se basant sur l'information existante. Ces périmètres devraient a priori être appelés à se préciser tout au long de la procédure conduisant à la rédaction des arrêtés de désignation.

Dans la Directive "Habitats", la procédure d'identification des sites ne prévoit pas de consultation des propriétaires/gestionnaires pour obtenir leur accord. Il s'agit d'abord d'un inventaire scientifique des sites susceptibles de faire l'objet d'une désignation. Par ailleurs, vu les délais impartis, il était impossible de consulter toutes les personnes qui disposent de l'information. Toutefois, il a été possible de mobiliser une très large diversité de collaborateurs pour réaliser cet énorme travail.

2. Les critères à prendre en compte

Les critères à prendre en compte sont définis dans les deux Directives concernées ("Oiseaux" CEE 79/409 et "Habitats" CEE 92/43). Ils se basent sur des listes d'habitats et d'espèces d'intérêt communautaire pour lesquelles les Etats membres doivent désigner des sites en nombre suffisant pour garantir leur bon état de conservation et le fonctionnement du réseau. Deux types de critères sont donc utilisés : des critères biologiques comme des listes d'habitats et d'espèces et des critères structurels pour évaluer la cohérence du réseau.

Les critères biologiques

En Wallonie, un grand nombre de biotopes ou d'habitats naturels et semi-naturels à grande valeur patrimoniale présents sur le territoire sont ainsi visés par la Directive "Habitats". Une quarantaine d' habitats d'intérêt communautaire dont 10 prioritaires sont présents, couvrant pratiquement tous les types de milieux et situations écologiques.

  • Dunes maritimes : landes psammophiles, dunes intérieures
  • Habitats d'eau douce : lacs à potamots, rivières à renoncules...
  • Landes et fourrés tempérés : landes sèches et humides
  • Fourrés sclérophylles : pentes à buis, landes à genévriers
  • Formations herbeuses naturelles : pelouses calcaires, pelouses à nard, prairies à molinie, mégaphorbiaies...
  • Tourbières hautes, basses et bas-marais : tourbières, tufs...
  • Habitats rocheux et grottes : éboulis, pentes rocheuses, grottes...
  • Forêts : hêtraies, érablières, boulaies tourbeuses, aulnaies...

Pour les espèces de la Directive "Habitats" , au nombre d'une trentaine, les groupes biologiques sont diversifiés et représentatifs de différents milieux complémentaires aux habitats :

  • Plantes : le dicrane vert, le brome épais, le liparis de Loesel, ...
  • Mollusques : la moule perlière, la mulette épaisse, ...
  • Insectes : le lucane cerf-volant, le damier de la succise, la cordulie à corps fin...
  • Poissons : la bouvière, le chabot, la lamproie, ...
  • Amphibiens : le triton crêté
  • Mammifères : la loutre et six espèces de chauves-souris.

Les mesures à prendre devaient concerner à la fois les zones de reproduction, les zones de nourrissage ainsi que les zones éventuelles de migration. Dans certains cas, les populations sont limitées à des sites précis alors que dans d'autres cas, comme les chauves-souris, les espèces utilisent différents éléments des paysages et des écosystèmes au cours de leur vie, ce qui a singulièrement compliqué l'identification de périmètres de sites NATURA 2000.

Pour les espèces de la Directive "Oiseaux" , une centaine d'espèces sont concernées : Grand butor, Cigogne noire, Bondrée apivore, Milan royal, les Busards, le Balbuzard, Faucon pèlerin, Gelinotte des bois, Tétras lyre, Râle des genêts, Grand-Duc, Chouette de Tengmalm, Martin pêcheur, Pic noir, Pic mar, Pic cendré, Alouette lulu, Gorge-bleue à miroir, Pie-grièche écorcheur, ... soit à la fois des espèces parfois relativement rares et des espèces parfois largement répandues.

Les désignations pour les Oiseaux devaient concerner à la fois les zones de nidification et les zones qui abritent les espèces migratrices et/ou hivernantes.

La Directive "Habitats" définit par ailleurs dans son Annexe III une série de critères pour identifier les sites éligibles au réseau NATURA 2000. Ces critères font intervenir le pourcentage de surface occupée sur le site, le pourcentage de surface par rapport à la surface totale ou % de la population régionale, le degré de conservation des habitats et habitats d'espèce, le degré d'isolement de la population ... soit tout une série de critères visant, par la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (Article 2, CEE 92/43), à s'assurer de la cohérence du réseau NATURA 2000 en vue du maintien de la biodiversité.

Les critères structurels

Pour qu'un réseau écologique soit efficace, il faut qu'il permette la persistance des populations d'espèces ou le fonctionnement des écosystèmes visés. Cela suppose des surfaces importantes pour des zones noyaux (ce qui limite les taux d'extinction) ou une forte connectivité entre ces zones noyaux (ce qui permet les recolonisations). C'est ce subtil équilibre entre surface et connectivité qu'il a fallu essayer de définir en fonction des objectifs biologiques visés et des contraintes socio-économiques (Figure 2).

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Figure 2. Privilégier les surfaces mais garantir aussi la connectivité ...

En Wallonie, mis à part quelques exceptions comme les 3 ou 4 grands massifs forestiers ou les 3 grands camps militaires, la biodiversité de grand intérêt occupe des espaces très limités et largement dispersés. Maintenir une certaine connectivité fonctionnelle est donc essentiel et cette connectivité doit s'articuler autour de structures topographiques les plus naturelles possibles.

Il a été décidé de se baser sur le réseau oro-hydrographique pour définir la structure principale du réseau NATURA 2000 car si les voies de dispersion des gènes et des individus sont multiples, la topographie et le relief (plaines, vallées larges, vallées encaissées, les cirques des sources, les cols et les ondulations des hauts-plateaux) sont des structures paysagères largement utilisées de manière active ou passive (le vent) par les espèces pour se disperser. Par ailleurs, une grande partie de la biodiversité est répartie en suivant le réseau hydrographique et le relief qu'il génère (zones de sources qui assurent la connectivité entre différents bassins oro-hydrographiques, zones rivulaires le long des vallées et pentes fortes générées par le relief (Figure 3)). Enfin, les milieux humides sont parmi les plus menacés en Wallonie et doivent faire l'objet d'une attention particulière car de nombreux habitats et espèces visés par les Directives européennes sont liés à ces milieux humides.

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Figure 3. Cartographie de différents inventaires de zones biologiquement intéressantes ou protégées dans l'est de la Wallonie montrant l'étroite relation avec les structures orohydrographiques

3. Méthode d'identification des sites

Identification de contours provisoires

La démarche idéale impliquerait une cartographie systématique du territoire pour identifier tous les sites et les zones potentielles qui abritent les habitats et les habitats d'espèces. Vu les délais à respecter, une autre approche a été mise en oeuvre. Des contours provisoires ont été identifiés à partir de toutes les bases de données disponibles au DEMNA et de la connaissance du réseau de naturalistes mobilisés à travers les activités de l'Observatoire de la Faune, de la Flore et des Habitats.

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Figure 4. Exemple de contours provisoires établis sur base des informations disponibles dans les systèmes d'informations géographiques et bases de données (en rouge = sites protégées, en orange = sites intéressants, en vert foncé = site potentiel, ...) qui sont ensuite soumis à une rapide vérification sur le terrain.

Tous les supports cartographiques disponibles sur support informatique (zones protégées, base de données des Sites de Grand Intérêt Biologique, réseau écologique, cartographie des habitats sensibles dans les ZPS, base de données détaillées des espèces visées par les Directives (papillons, libellules, amphibiens, poissons, chauves-souris)) et éventuellement sur support papier (cartes d'évaluation biologique, carte des sols, PCDN non digitalisés) ont été utilisés pour définir des contours provisoires (Figure 4). Pour les oiseaux, un travail de synthèse spécifique a été demandé pour identifier tous les sites qui recèlent des espèces de la Directive "Oiseaux" ou importants lors de la migration.

Le découpage en site

Pour NATURA 2000, on privilégie la définition de grandes entités géographiques qui offrent de nombreux avantages liés à la gestion (taille suffisante pour mobiliser des ressources humaines ou matérielles pour développer les activités de gestion concertée, pour avoir beaucoup plus de souplesse de gestion dans le site) et aux possibilités de sensibilisation et d'appropriation locale (mise en oeuvre de projets LIFE, Plan de Développement Rural, ...).

Le découpage d'un réseau plus ou moins continu en "sites" est toujours assez arbitraire. On a choisi de se baser sur les bassins orohydrographiques pour définir des entités homogènes, mais cela n'est pas une contrainte absolue, par exemple lorsque des massifs forestiers bien définis occupent les têtes de sources de plusieurs bassins orohydrographiques. Les limites administratives (communales, cantonnements, ...) posent de réels problèmes de gestion car historiquement, les cours d'eau étaient souvent à l'origine de ces limites administratives (droit de passage sur les ponts) et d'un point de vue biologique, il serait aberrant de gérer de manière non concertée et non intégrée les deux côtés du même cours d'eau. La logique des bassins orohydrographiques assurera aussi une certaine cohérence avec d'autres politiques environnementales comme, évidemment, la gestion de l'eau pour la mise en oeuvre de la Directive-Cadre "Eau".

Vérification de terrain et digitalisation

Une vérification sur le terrain a été rapidement réalisée pour confirmer la présence d'habitats répondant aux critères de la Directive "Habitats" et modifier les contours initialement définis afin qu'ils correspondent le mieux possible aux objectif visés.

Lors du travail de terrain, étaient identifié(e)s :

  • les zones majeures qui correspondent à des habitats ou des habitats d'espèces en bon état de conservation,
  • les zones potentielles à restaurer pour soit atteindre une taille critique suffisante, qui assure le maintien à long terme de l'état de conservation, soit pour assurer une connectivité importante entre des zones majeures.
  • les zones à contraintes qui, par leur localisation, subiront automatiquement des contraintes d'usage ou des mesures de gestion positives parce qu'elles sont insérées au cœur ou trop proches de zones majeures ou potentielles et que certains travaux qui pourraient y être effectués auront automatiquement un effet;
  • un périmètre opérationnel qui se base sur des éléments objectifs de structure des paysages afin que les limites du site soient les plus objectives possibles.

Les périmètres ont ensuite été digitalisés sur support numérique (carte 1/10.000 ème ) et confrontés à différentes autres sources d'informations comme le plan de secteur ou les photos aériennes. Cette confrontation avait pour but de préciser les contours et identifier les problèmes éventuels méritant des travaux de terrain complémentaires, par exemple lorsque l'affectation au plan de secteur était contradictoire avec le statut de sites NATURA 2000.

Analyse de la cohérence spatiale du réseau

Une première analyse de la cohérence du réseau a été réalisée pour évaluer comment se répartissent les habitats et les habitats d'espèces dans les bassins orohydrographiques en croisant les périmètres avec les données biologiques disponibles.

Une autre analyse a été réalisée à l'échelle régionale pour vérifier la cohérence générale du réseau, les connections entre les 3 bassins hydrographiques majeurs (l'Escaut, la Meuse et le Rhin) et les connections entre les sous-bassins (l'Ourthe, la Lesse, l'Amblève, ...).

Définition de niveaux de priorité

En fonction de la présence d'habitats prioritaires ou de la présence de populations d'espèces, différents niveaux de priorité ont été identifiés dans les sites. On distingue :

  • des zones de très haut intérêt biologique (donc de très haute priorité) qui incluent les habitats prioritaires, les surfaces des habitats ou des habitats d'espèces en bon état de conservation, des zones minimales à restaurer et des zones protégées par d'autres législations;
  • les zones de haut intérêt biologique (donc de haute priorité) qui englobent des habitats ou habitats d'espèces nécessaires en état de conservation moyen mais nécessaires pour assurer la cohérence du réseau à court terme ou pour atteindre une taille critique suffisante ou des zones de liaison à fort potentiel biologique;
  • les zones d'intérêt biologique moyen (donc de priorité moyenne) qui abritent des habitats et habitats d'espèces déjà bien représentés, des zones de liaison importantes à long terme, des zones de contraintes potentielles ou des zones tampons.

4. La décision du Gouvernement wallon

La liste étendue des sites NATURA 2000

Fin juin 2002, une liste étendue de sites couvrant d'abord une surface de 223.00 ha puis complétée pour atteindre environ 230.000 ha, est remise au Gouvernement wallon pour évaluation et analyse. Ces 230.000 hectares s'ajoutent aux 58.000 hectares déjà désignés.

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Figure 5. Cartographie de la liste étendue des sites proposés par le DEMNA (en rouge) avec les anciennes désignations (en vert).

Début juillet, une analyse site par site est réalisée avec une évaluation de l'impact économique potentiel des désignations. Il est ensuite demandé au DEMNA d'établir un classement des différents sites. Une analyse rapide conduit a établir un classement en trois catégories (A = 160.000 ha, B = 59.000 ha et C = 55.000 ha). C'est notamment sur base de ce classement que le Gouvernement wallon s'engage le 18 juillet 2002 sur une liste de sites et une surface comprise entre 215.000 et 220.000 ha.

La liste des sites NATURA 2000

Le 26 septembre 2002, le Gouvernement wallon prend la décision de définir une liste de 231 sites couvrant 217.672 hectares (soit 12,7 % du territoire wallon). Des compléments sont apportés le 3 février 2004 et le 23 mars 2005 pour répondre à des insuffisances identifiées par la Commission Européenne.

Actuellement, le réseau Natura2000 compte 240 sites couvrant 220.944 ha (soit presque 13 % du territoire wallon).

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Figure 6. Cartographie du réseau NATURA 2000 en Wallonie

Sur base de cette décision, le DEMNA a préparé un découpage le plus cohérent possible du réseau en unités les plus homogènes géographiquement ainsi qu'un nouveau codage des sites.

Références utiles :

  • Dufrêne M. & Gathoye J.L., 2004. Méthodologie d'identification des sites candidats au réseau Natura2000 en Wallonie, "Natura2000 et le droit. Aspects juridiques de la sélection et de la conservation des sites Natura2000 en Belgique et en France", Editions Bruylant, Brussel, pp. 141-161.

  • Dufrêne M., 2006. Le réseau Natura2000 en Région wallonne : stratégies, réseau écologiques et mise en oeuvre. In "Chaire Tractebel-Environnement 2004 - Biodiversité : Etat, enjeux et perspectives", Lebrun Ph. (Ed.), De Boeck et Larcier, 167-186.

  • Fautsch, M & Dufrêne, M. 2008. Natura 2000, une opportunité pour la nature en Wallonie. Editions Weyrich, 136 pages.

  • Dufrêne M., Delescaille L.M. & Derochette L., 2012. La cartographie des sites Natura 2000 : méthodologie et développement des outils nécessaires. Forêt wallonne, 119 : 24-32.

Note explicative sur le codage des sites :

Un site NATURA 2000 (appelé site d'intérêt communautaire provisoire = SICp) peut comprendre des zones désignées pour la Directive "Oiseaux" (ZPS), des zones désignées pour la Directive "Habitats" (ZSC) et des zones désignées pour les deux Directives (ZPS + ZSC). Chaque site NATURA 2000 peut donc comprendre des parties ZPS et des parties ZSC qui se superposent plus ou moins largement.

Un codage particulier a été utilisé, basé sur une chaîne de 9 caractères. Les 7 premiers caractères identifient le site NATURA 2000 (4 caractères pour le code de la province (BE31 = Brabant wallon, BE32 = Hainaut, BE33 = Liège, BE34 = Luxembourg et BE35 = Namur) puis 3 caractères pour le numéro de chaque site dans chaque province. Le huitième caractère (A ou B) permet d'identifier s'il s'agit d'une partie ZPS (= A) ou d'une partie ZSC (= B). Enfin, le dernier caractère (actuellement 0) est destiné à enregistrer dans le futur un codage de différentes versions.

Les ZPS et les ZSC ont actuellement les mêmes noms (ceux du site NATURA 2000) même si la couverture spatiale est différente. C'est ainsi, par exemple, que le site NATURA 2000 "BE31001 = Affluents brabançons de la Senne (Braine-l'Alleud; Braine-le-Château; Ittre; Tubize)" qui occupe une surface de 708 ha se subdivise en une partie ZPS (codée BE31001A0) de 18 ha et une partie ZSC (codée BE31001B0) de 708 ha. Dans ce cas, la ZPS est totalement incluse dans la ZSC.

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