Cette toute petite chauve-souris (c'est le plus petit de nos Myotis, de taille similaire à notre très courante pipistrelle) a été repérée grâce à des captures réalisées par Plecotus, le groupe de travail chauves-souris de Natagora. L'opération avait lieu dans le cadre d'une convention commanditée par la Direction générale de l'Agriculture, des Ressources naturelles et de l'Environnement du Service public de Wallonie, pour inventorier chaque année les populations de chauves-souris dans quelques sites Natura 2000. Cette soirée d'inventaire était menée par Plecotus avec la collaboration de jeunes naturalistes de l'asbl Jeunes & Nature et de membres du DEMNA.
La découverte d'une nouvelle espèce de mammifère indigène dans notre pays est un fait extrêmement rare. Quand il survient, c'est généralement lié à l'extension de l'aire de répartition d'une espèce (suite notamment au réchauffement climatique) ou à la découverte d'un individu d'une espèce difficile à détecter ou à identifier, ou encore suite aux progrès de la systématique (science qui décrit les espèces).
Comment la reconnaître ?
Le vespertilion d'Alcathoe ressemble très fort à deux autres chauves-souris de notre faune : le vespertilion à moustaches (Myotis mystacinus) et le vespertilion de Brandt (Myotis brandtii). Les critères morphologiques qui permettent de le distinguer des deux autres sont sa petite taille, son museau court et assez clair, de même que la base de ses oreilles claire également, la forme du pénis et son pelage dressé qui descend jusque sur le museau, lui donnant, selon certains, un petit air « punk ». Cette petite chauve-souris pèse environ 5 g, a un avant bras qui dépasse à peine 3 cm et une envergure de 20 cm. Contrairement aux pipistrelles, mais comme tous ses cousins Myotis, elle a le ventre plus clair que le dos.
Où la trouver ?
Cela fait seulement 10 ans que cette espèce a été décrite en Europe sur base d'analyses génétiques. Assez rapidement, elle a été trouvée en France, en Allemagne et dans plusieurs pays de l'est et du sud de l'Europe. En France, le vespertilion d'Alcathoe est présent en Champagne-Ardenne non loin de la frontière (à 15 km du sud de l'Entre-Sambre-et-Meuse), mais aussi en Lorraine et en Nord-Pas de Calais. Cette espèce semble par contre absente (ou plutôt pas encore découverte) de Flandre, du Luxembourg et des Pays-Bas. Bien que sa présence était suspectée en Wallonie, aucune donnée ne permettait de l'avérer. Début de cette année, un collègue flamand du Vleermuizen werkgroep (Natuurpunt) l'a enregistrée avec un détecteur d'ultrasons en province de Namur. C'était le premier indice de sa présence. Depuis, deux captures successives dans la région de Rochefort ont permis d'avoir les individus en main, ce qui a mené à la confirmation de l'identification, mesures et photos à l'appui.
Une espèce forestière assez méconnue
Cette chauve-souris, comme plusieurs autres espèces de chiroptères de chez nous, a des mœurs éminemment forestières. Selon la littérature, elle semble apprécier les forêts feuillues en milieux humides, bordant des cours d'eau ou des plans d'eau, mais pourrait vivre dans des forêts plus sèches également, si celles-ci sont relativement intactes et préservées. Bien que très peu de colonies soient connues, les femelles de cette espèce semblent se rassembler en été dans des trous d'arbres et chassent les insectes (diptères principalement) aux alentours immédiats.
Heureuse coïncidence, le thème de la Nuit Européenne des Chauves-Souris 2011 est justement les chauves-souris forestières... une belle occasion d'en apprendre un peu plus sur les petits lutins qui hantent nos forêts (voir ci-dessous).
Les chauve-souris : un groupe d'espèces en péril
C'est pas tous les jours qu'on rencontre une nouvelle espèce de chauves-souris chez nous... que du contraire ! Par rapport aux années 1950, quasi toutes nos espèces de chauves-souris sont en déclin prononcé. Ainsi, le petit Rhinolophe qui était l'espèce la plus fréquemment rencontrée dans les sites souterrains dans les années 50 (avec une population estimée à 300.000 individus) ne se rencontre plus aujourd'hui qu'en quelques endroits en Wallonie (200 individus estimés). Cette espèce fait l'objet d'un plan d'action initié par le SPW et visant à protéger les 3 principales colonies connues. Même les pipistrelles, que l'on rencontre encore dans quasi tous les villages, seraient aujourd'hui 20 fois moins nombreuses qu'au milieu du siècle passé. Les causes de déclin sont multiples : pesticides, trafic, urbanisation, arrachage de haies, grillageage des clochers, plantation de résineux, dérangement dans les sites souterrains, destruction des zones naturelles, intensification de l'agriculture, traitements des charpentes, pollution de l'eau, abattage des arbres à cavités, etc.
Leur protection n'est donc pas du tout superflue ! Cette protection passe entre autres par une législation appropriée, par la création de réserves naturelles, la sensibilisation du public, la fermeture de certains souterrains qui leur servent d'abri en hiver, la plantation de haies, de verges, d'arbres isolés, de ripisylves, le maintien de zones plus naturelles et extensives dans notre paysage. Un des nombreux outils pour cela est le réseau de sites Natura 2000, au sein duquel certains terrains sont spécifiquement désignés pour la protection de certaines espèces de chauves-souris. Ces zones font (ou devraient faire !) l'objet de mesures de protection particulières en vue de conserver, voire d'améliorer, la qualité des zones de chasses, la présence d'insectes et le maintien des gîtes (par exemple les arbres vivants à cavités qui servent de gîtes de reproduction aux chauves-souris forestières). L'ensemble de ces mesures bénéficie non seulement aux chauves-souris mais également à tout un cortège d'autres espèces qui utilisent les mêmes milieux. C'est pourquoi on qualifie souvent les chauves-souris de bio- indicateur ou encore d'espèce parapluie.
Des espèces à étudier
La découverte de cette nouvelle espèce met en évidence l'utilité et l'importance des inventaires de chauves-souris. L'état de nos populations et leur répartition en Wallonie est, pour certaines espèces, très méconnue. C'est particulièrement le cas de nos espèces forestières, telles le vespertilion de Bechstein, les noctules, la pipistrelle de Nathusius et ... le vespertilion d'Alcathoe ! Ces espèces ne sont présentes ni dans les sites souterrains en hiver ni dans les bâtiments, ce qui rend leur étude plus consommatrice en temps et en compétences. Les données disponibles sur ces espèces sont rares. Or, notre expérience montre que quand on les cherche (correctement), on les trouve ! Reste maintenant à trouver les budgets et les compétences pour permettre de continuer à chercher !
Plus d'info : Pierrette Nyssen, Plecotus/Natagora : 081/390 725 - 0476/66 19 19
Plecotus Groupe de Travail "Chauves-Souris" de l'asbl Natagora | Rue Nanon 98, B-5000 Namur - tél. : +32 (0)81 – 390 725 - fax : +32 (0)81 – 390 721
La Région Wallonne soutient Plecotus dans ses actions
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Si vous avez envie de vivre les chauves-souris, la Nuit Européenne des Chauves- Souris se déroulera le samedi 27 août prochain. Dans plus de 50 sites en Wallonie et à Bruxelles, des activités gratuites de découvertes des chauves-souris seront proposées aux petits et grands. Cette année, nous nous pencherons sur les chauves-souris forestières sous le slogan « Vol de Nuit en Forêt ».
Plus d'info : www.chauves-souris.be ou Benjamin Legrain, Plecotus/Natagora, 02/893 09 25