Selon MELIN et LAMPROYE (1989), le site de Corphalie est actuellement une zone à caractère naturel qui constitue un important refuge pour un grand nombre d'espèces de la flore et de la faune régionales. Ce caractère lui est conféré pour trois raisons essentielles:
- la situation topographique qui détermine la présence de milieux très variés, où se succèdent, du sud au nord, la Meuse, les roches calcaires et dolomitiques du versant, le haut du versant et le plateau en partie boisé, les anciennes carrières avec la présence de milieux aquatiques (étangs et dépressions humides);
- l'intervention humaine passée qui, assez paradoxalement, a généré une multitude de niches écologiques nouvelles et a favorisé une grande diversité biologique : pelouses calcaires anciennement pâturées par les moutons, zones contaminées par les métaux lourds rejetés par les usines d'autrefois, exploitation des carrières, remaniements de terrain, création de bassins artificiels et plantations d'espèces non indigènes;
- la superficie importante du site (environ 65 hectares) qui offre aux espèces une tranquillité non négligeable dans cette région urbanisée.
Afin de déterminer les caractéristiques écologiques et l'intérêt du site du point de vue scientifique, il est important d'aborder séparément les quatre grands types de milieux qui y sont représentés:
1. Les coteaux et rochers calcaires du versant de la Meuse
Les coteaux calcaires et dolomitiques présentent une végétation tout à fait remarquable, du fait notamment de l'existence de fourrés de buis et de pelouses sèches à lichens métallicoles là où le sol contient des métaux lourds (zinc, plomb, cadmium...). L'ensemble de cette zone montre un caractère thermophile et xérophile marqué qui permet l'installation de plantes et d'animaux à répartition subméditerranéenne, tels que le buis (Buxus sempervirens) qui atteint ici la limite nord de son aire de répartition, le lézard des murailles (Podarcis muralis), l'argiope fasciée (Argiope bruennichi), etc.
Cette partie du site mérite incontestablement des mesures de protection appropriées; un classement par la Commission Royale des Monuments et Sites et, éventuellement, la mise en réserve naturelle sont hautement souhaitables.
2. Les carrières abandonnées
Elles sont actuellement recolonisées par une végétation pionnière typique de ce genre de milieu : bouleaux (Betula pendula), saule marsault (Salix caprea), arbre aux papillons (Buddleja davidii), ... Cette zone présente un intérêt botanique beaucoup moins important que les coteaux calcaires du versant mosan. Néanmoins, la présence de milieux très contrastés tels que les rochers, sols remaniés, ravins et dépressions humides, est propice à l'installation d'une végétation complexe. Les remblais calcarifères sont par exemple colonisés par un important peuplement de l'ophrys abeille (Ophrys apifera), une orchidée peu commune mais régulièrement observée dans ce type de situation. De plus, la présence d'eau dans le fond de certaines carrières favorise l'existence d'une colonie de crapauds accoucheurs (Alytes obstetricans) ainsi que de nombreux oiseaux.
3. Les zones boisées
Elles sont situées sur la périphérie du site, pour la plupart dans la partie orientale, à la fois sur le haut du versant (forêt subnaturelle à buis) et sur le plateau (plantation de résineux). Ces formations servent de refuge pour les mammifères (notamment chevreuils) et une avifaune variée (plus de 100 espèces recensées). La forêt à buis mérite assurément de faire l'objet des mêmes mesures de protection que les coteaux calcaires.
4. Les étangs
Ils sont distribués en chapelet au nord du site. Ils méritent une attention toute particulière de par la présence quasi journalière du héron cendré (Ardea cinerea). Il faut aussi signaler l'existence d'une fougère aquatique (Azolla filiculoides), espèce originaire d'Amérique tropicale et considérée comme invasive dans nos régions.
D'après LAMBINON et al. (1997), les pelouses xériques situées dans la partie occidentale du site de Corphalie se distinguent par la présence d'Alyssum murale, une crucifère originaire du sud-est de l'Europe qui semble s'être parfaitement naturalisée ici à en juger par l'extension extraordinaire de la colonie. Ces pelouses abritent quelques autres plantes peu communes d'intérêt patrimonial. Les relevés effectués dans ces pelouses fournissent les espèces suivantes : Alyssum murale; Origanum vulgare; Brachypodium pinnatum; Vincetoxicum hirundinaria; Sanguisorba minor; Polygonatum odoratum; Allium sphaerocephalon; Silene nutans; Silene vulgaris; Sedum album; Arenaria serpyllifolia; Teucrium scorodonia; Rubus caesius; Carex spicata; Picris hieracioides; Campanula rotundifolia; Hypericum perforatum; Plantago lanceolata; Achillea millefolium; Knautia arvensis; Senecio jacobaea; Echium vulgare; Inula conyzae; Galium mollugo subsp. erectum; Verbascum densiflorum; Hieracium sabaudum; Hieracium pilosella; Allium vineale; Campanula rapunculus; Arrhenatherum elatius; Lotus corniculatus; Rumex acetosa; Asparagus officinalis.
Sur base des inventaires faunistiques disponibles, il apparaît que Corphalie est une zone d'une grande richesse entomologique et même d'une importance capitale pour la survie de certaines espèces dans la vallée de la Meuse.
C'est ce qu'a démontré notamment l'étude des Coléoptères Carabidae, qui sont des prédateurs importants et souvent étudiés en tant que bio-indicateurs. Ainsi, DESENDER (1990) y a identifié 84 espèces différentes (soit un quart de la faune belge), incluant de nombreux éléments rares ou très intéressants sur le plan faunistique.
Les recherches sur la faune des araignées (BAERT et al., 1992) ont mené à l'identification de 257 espèces dont près de 10% doivent être considérées comme très rares en Belgique, tandis que trois d'entre-elles étaient même inconnues du pays à l'époque de l'étude!
Les autres groupes taxonomiques inventoriés renferment également tous, à Corphalie, des espèces rares ou menacées (Orthoptères, papillons de jour, etc.).
Le site de Corphalie a été le lieu d'une intense exploitation industrielle de schistes alumineux. Ces derniers permettaient la production d'alun (sulfate double d'aluminium et de potassium), substance ayant la propriété de fixer les teintures et de clarifier les eaux. En effet, dès 1800, on trouvait le long de la vallée de la Meuse, entre Huy et Flémalle, une quinzaine d'industries produisant de l'alun. Corphalie était le premier site exploité. Les premiers propriétaires du site étaient les citoyens Soiron, qui commencèrent à l'exploiter en 1763. Par après, l'atelier de Corphalie devint la Société de Corphalie, puis l'usine de Laminne et l'Austro-Belge. Ces dernières occupaient une position dominante dans l'exploitation des schistes alumineux à Corphalie et dans les environs, dans la seconde moitié du XIXe siècle. Au début du XIXe siècle, les schistes alumineux étaient exploités par puits et par galeries. C'est vers 1845 que toute l'extraction se fit à partir d'un seul puits, profond de 75 mètres. Les schistes extraits étaient calcinés; on composaient des tas constitués de lits de schistes et bois alternés, puis on mettait le feu au bois. La pyrite (sulfure de fer) contenue dans les schistes sulfutaient l'alumine pour donner l'alun. Après le traitement, les schistes calcinés, de couleur rouge, étaient abandonnés. Ce sont ces derniers qui constituent les terrils rouges si caractéristiques du paysage de Corphalie. C'est vers 1920 que s'éteignit cette activité industrielle (voir notamment DELATTE, 1951; ANONYME, 1992; MELIN et LAMPROYE, 1989).