Intro
Brève description
Entre Eprave et Rochefort, la plaine de la Behotte se trouve au centre de la dépression de la Famenne schisteuse. Elle est constituée de prairies humides dont la végétation a été plus ou moins altérée par différentes opérations comme le remembrement ou le drainage. La réserve naturelle RNOB comporte essentiellement des prairies anciennement fauchées et/ou pâturées. La fauche tardive sans apports d'engrais devrait à terme favoriser le développement de plantes de prairies pauvres comme la primevère officinale, le petit boucage, le rhinanthe ou encore le colchique et le silaüs des prés... Les haies encore bien conservées sont essentielles pour plusieurs oiseaux comme la locustelle tachetée, les fauvettes, le tarier pâtre, la pie-grièche écorcheur entre autres. L'ancienne voie ferrée Houyet-Jemelle, aujourd'hui transformée en piste cyclable, traverse le site de part en part et les haies denses qui la borde abritent une densité élevée de rossignol philomèle. Des fossés, mares et autres petits points d'eau accueillent divers amphibiens comme l'alyte accoucheur. Le râle des genêts, oiseau emblématique des prairies de fauches extensives, ne fréquente plus que très occasionnellement la plaine.
Conservation
Objectifs de conservation
Protection d'un ensemble paysager de grand intérêt botanique, entomologique et ornithologique, représentatifs de la Famenne: prés de fauche et prairies maigres, haies et zones humides. Le site est important pour la conservation du râle des genêts en Wallonie.
Menaces
La construction d'un contournement de l'entité de Rochefort à travers la plaine de Behotte est prévue. Si ce projet aboutit, la route constituera une balafre dans le paysage et la réserve sera scindée en deux.
Le ruisseau de Behotte qui traverse la réserve sur toute sa longueur a été pollué par des eaux usées en provenance des habitations situés le long de la route de Dinant et dans le quartier de Suzin. Cette situation s'est nettement améliorée depuis lors grâce à l'aménagement d'un réseau d'égouttage dans les quartiers susmentionnés.
Recommandations
- agrandissement et consolidation de la réserve naturelle par l'acquisition de parcelles supplémentaires ;
- collaboration avec la commune de Rochefort en vue d'une concertation en matière de gestion de la vallée (de nombreuses parcelles intéressantes sont en propriété communale) ;
Plan de gestion
Le plan de gestion de la réserve naturelle RNOB de Behotte vise la conservation et/ou la restauration des communautés animales et végétales caractéristiques des paysages de prés de fauche en Famenne Belge.
Les différentes parcelles de la réserve naturelle sont en majeure partie soumises à une fauche annuelle tardive, réalisée par des agriculteurs de la région. Des zones refuges sont systématiquement aménagées. Le regain des prairies est pâturé en fin de saison par des bovins.
En automne 1999, une série de mares ont été creusées sur les terrains de la réserve naturelle afin de favoriser l'installation du triton crêté (Triturus cristatus) sur le site.
Accès du public
L'accès au public de la réserve naturelle sera limité dans le cadre de visites guidées, lors des chantiers de gestion ou toute autre activité organisée dans le site et avalisée par la commission de gestion.
Les véhicules motorisés et vélos tout terrain ne seront pas admis dans la réserve, à l'exception des engins agricoles et autres destinés à la gestion du site (fauche, débroussaillage, ...).
Les études scientifiques seront suscitées et menées après accord de la commission de gestion.
Pour des motifs de sécurité publique, de protection d'espèces ou de travaux de gestion, la commission de gestion peut interdire temporairement certains accès.
La réserve naturelle de Behotte est située dans une plaine agricole accessible par des chemins publics et par une piste RAVEL. Le public y est informé à l'aide de panneaux didactiques placés par Réserves Naturelles RNOB.
Détails
Description physique
Le site est localisé à l'ouest de Rochefort, dans la plaine alluviale du ruisseau de Behotte (qui rejoint la Lomme à Eprave), au centre de la dépression de la basse Famenne ou Famenne schisteuse (district phytogéographique mosan).
La plaine de Behotte est limitée au nord-ouest par un vaste massif forestier (notamment le bois de Fesches) appartenant à la haute Famenne, et au sud-est, par les collines calcaires de la Calestienne, entaillées par la Lomme, et assez boisées à cet endroit.
Elle est longée au nord par la route N911 reliant Rochefort à Ciergnon et au sud par la route dite "du Tige d'Eprave". Elle est par ailleurs traversée d'est en ouest par l'ancien vicinal Jemelle-Houyet, aujourd'hui réservé à la circulation pédestre et cycliste.
Installée sur des argiles lourdes peu perméables, la Famenne est essentiellement à vocation herbagère. Le paysage y est très ouvert, seulement interrompu par quelques lambeaux forestiers émergeant de la plaine. Ici, comme ailleurs en Famenne, la végétation a été plus ou profondément altérée par des opérations de remembrement, de drainage et d'amélioration des herbages.
D'un point de vue géologique, la plaine de Behotte se situe en Famenne centrale. Elle est installée sur l'assise la plus ancienne du Frasnien (Fr1m), caractérisée par la présence de schistes divers, assez souvent noduleux. Les alentours de la Behotte sont couverts d'alluvions modernes des vallées (alm).
L'ensemble de la plaine se trouve à une altitude d'environ 160-165 mètres.
Description biologique
La plaine de Behotte, et plus particulièrement les secteurs faisant partie de la réserve naturelle RNOB de Behotte, est composée d'un ensemble de prairies de fauche de basse altitude et de pâtures entrecoupées par des haies.
En fonction des espèces recensées dans les diverses prairies en réserve, il est possible de reconnaître la présence de certains groupes socio-écologiques.
La classe des Molinio-Arrhenatheretea, regroupant des prairies d'Europe occidentale fauchées et/ou pâturées, fertilisées ou non, sur sols moyennement frais à très humides, comprend des espèces à large répartition, ubiquistes, comme la fétuque rouge (Festuca rubra), la houlque laineuse (Holcus lanatus), le plantain lancéolé (Plantago lanceolata)... Deux ordres sont bien représentés:
- L'Arrhenatherion elatioris se rencontre dans les prairies grasses, en général fauchées, régulièrement entretenues et amendées, sur des sols fertiles riches en éléments minéraux, moyennement secs à moyennement humides. Les espèces qui en font typiquement partie sont par exemple : le fromental (Arrhenatherum elatius), le crépis des prés (Crepis biennis), la berce commune (Heracleum sphondylium), l'avoine dorée (Trisetum flavescens)... Le vulpin des prés (Alopecurus pratensis), omniprésent, fait partie aussi de cet ordre. Son abondance est à mettre en relation avec l'importance d'azote disponible dans le sol.
- Le Cynosurion s.l., quant à lui, concerne des prairies pâturées régulièrement entretenues et fertilisées. La présence d'espèces de cet ordre est la conséquence d'épisodes plus ou moins prolongés de pâturage : pâturage du regain ou pâturage permanent. La crételle (Cynosurus cristatus), le ray-grass commun (Lolium perenne), la fléole des prés (Phleum pratense) ou le trèfle blanc (Trifolium repens) en sont caractéristiques. Le Cynosurion est spécialement développé dans la prairie de la réserve naturelle située au lieu-dit "Devant Behotte".
L'ordre des Brometalia erecti est faiblement représenté (pelouses et steppes sur sols calcimorphes sur sols moyennement humides à secs, non amendés, pauvres en azote minéral). Les zones en haut de pente de la prairie "Devant Famenne" sont aussi les plus sèches. On y trouve le rhinanthe à petites fleurs (Rhinanthus minor), le petit boucage (Pimpinella saxifraga) ou la primevère officinale (Primula veris), témoignant peut-être du caractère moins acide des sols de cette partie de la réserve. La gestion devrait mener à terme au développement de cette végétation à cet endroit.
Les espèces mésophiles des ourlets forestiers (lisières des bois et des taillis) appartenant aux Origanetalia sont tout aussi peu fréquentes.
Les espèces des Molinietalia caeruleae étaient sans doute jadis beaucoup plus abondantes, avant le développement des pratiques de drainage et des fertilisations. Les prairies hygrophiles semi-naturelles de fauche, non amendées ni fertilisées, sur sols à niveau phréatique élevé au moins une partie de l'année (alternance sec-humide), ne sont guère plus présentes qu'à l'état de fragments. Ces groupements sont écologiquement les plus précieux. A défaut d'en posséder des surfaces significatives dans la réserve naturelle de la Plaine de la Behotte, on peut espérer que la gestion mise en oeuvre soit favorable à la restauration de ces milieux. Ce groupement est toutefois sensible aux apports de phosphore, et l'on sait combien est lente l'élimination de cet élément. Mentionnons pour le Molinion caeruleae quelques colchiques (Colchicum autumnale) et silaüs des prés (Silaum silaus).
Les zones de prairies mouilleuses inondées en hiver sur sols assez riches en éléments biogènes, mésotrophes à eutrophes, plus ou moins amendés, où se concentrent les espèces du Calthion palustris, sont rares. Elles ne concernent que quelques drains suffisamment profonds, gorgés d'eau en hiver ("Devant Famenne", "Devant Behotte").
Le Filipendulion (mégaphorbiaies non ou peu exploitées, ni amendées, sur sols constamment humides à très humides, riches en azote) est visible sous la forme d'une frange étroite le long du ruisseau de la Behotte dans la prairie 3 "Au Chemin des Pèlerins".
Les haies le long de la Behotte complètent le système bocager. Elles sont essentielles pour l'avifaune. Leur composition végétale est à mettre en rapport avec ce que l'on observe en lisière des forêts caducifoliées de Famenne. L'aubépine à un style (Crataegus monogyna), le prunellier (Prunus spinosa) et l'églantier commun (Rosa canina) en sont les espèces principales. Le saule marsault (Salix caprea) et le saule blanc (S. alba) composent la haie aux endroits les plus frais.
Monument naturel
La plaine de la Behotte fut jadis exploitée pour son argile à briques. Un des vestiges de cette industrie extractive est la mare d'Eprave, qui a été partiellement remblayée par des immondices.
Monument historique
Le long du chemin du tige reliant Rochefort à Eprave et formant la limite supérieure de la réserve naturelle RNOB du site sont situés plusieurs potales faisant partie du patrimoine rochefortois.
Histoire du site
La Famenne est une région réputée herbagère. Cette situation fait suite aux défrichements de la forêt primitive, qui était vraisemblablement composée de chênaies-charmaies, et, d'aulnaies dans les zones les plus humides.
La nature schisteuse du sous-sol et l'abondance d'argile ont rendu les sols de cette région imperméables. Ils sont fréquemment inondés, mais subissent également de fortes sécheresses. Sur ces terres peu rentables, les cultures ont toujours été rares, et les prairies dominantes.
A la fin du 18ème siècle, et au début du 19ème siècle, il semble que des troupeaux paissaient déjà dans les prairies humides de la vallée. A cette époque aussi, de vastes pâtures-sarts, provenant du défrichement de la forêt servaient de terres de parcours pour les troupeaux de moutons. Ces endroits se sont recolonisés naturellement après l'abandon de l'élevage des moutons au 19ème siècle.
Dans le terroir bocager de la Famenne et de la Fagne, l'exploitation agricole traditionnelle (pacage extensif des troupeaux, fauches tardives...) fut responsable de la formation d'un type particulier de prairie humides, riche en succise des prés (Succisa pratensis), en silaüs des prés (Silaum silaus) et en bien d'autres plantes à fleurs. Dans les fonds de vallée, d'autres végétations se sont développées, en rapport avec l'importance des dépôts alluvions, et des mouvements de la nappe phréatique: les mégaphorbiaies à reine-des-prés (Filipendula ulmaria), et toutes leurs variantes, entretenues le plus souvent par des fauches, plus rarement pâturées.
Mais après la deuxième guerre mondiale, l'avènement de pratiques agricoles plus modernes (utilisation de fertilisants, drainage, pâturage intensif, fauche précoce, labour, ensemencement) a progressivement transformé ces milieux. En beaucoup d'endroits, les fleurs ont même cédé leur place à la crételle (Cynosurus cristatus) et au ray-grass commun (Lolium perenne).
Déjà à l'époque de la carte de Ferraris (1771-1778), la plaine de Behotte était entièrement occupée par des terrains de culture. La carte IGN 59/2 au 1/20.000 levée en 1868 et révisée en 1924 indique qu'à l'époque, l'occupation des sols de cette même plaine était très proche de la situation actuelle.