Le cron de Hastière est situé en rive droite de la Meuse; il s'agit d'un remarquable dépôt de cron haut de 30 m et large d'autant. Considéré par les spécialistes comme le plus spectaculaire de Belgique, ce cron est caractérisé par une structure en éventail et en escalier qui s'explique par la croissance différentielle des mousses et des algues ainsi que par l'incrustation qui s'effectue dans leur position de croissance (voir notamment JANSSEN & SWENNEN, 1999).
Dans les eaux douces sursaturées en carbonate de calcium peut se manifester, sous certaines conditions, un phénomène de précipitation entrainant la formation de tuf calcaire ou de travertin. Les agents de cette précipitation sont essentiellement des algues (cyanobactéries) mais également certaines espèces de bryophytes voire même des végétaux supérieurs (graminées...). En Belgique, on distingue trois types principaux de dépôts : de rivière, de cron, et de source. Le premier type se présente sous la forme de barrages à travers le lit du cours d'eau. Le cron est un dépôt de pente, prenant place en aval d'une source, et caractérisé par une structure en vasque ou en escalier. Le dépôt de source se forme à l'emplacement d'une source ou immédiatement en son aval. On rencontre les principales formations de tuf en Lorraine belge ainsi que dans la vallée de la Meuse et certains de ses affluents
Par rapport aux autres dépots, le tuf de Hastière est particulièrement original car, tout comme le tuf de Blaimont situé plus au sud sur le même versant du Tienne de la Herse, il prend place sur des affleurements de grès et de psammites famenniens, donc des roches à priori plutôt acides (voir DUVIGNEAUD & SAINTENOY-SIMON, 1992).
Une description botanique de ce cron est donnée par DUVIGNEAUD & SAINTENOY-SIMON (1992):
Le site prend place au sein d'un versant boisé, le Tienne à la Herse, qui renferme plusieurs autres formations tuffeuses (dont le tuf de Blaimont) et dont l'intérêt paysager, autant que scientifique, est remarquable. Le cron en lui-même est fort bien éclairé. L'incrustation du calcaire est produite principalement sous l'action de l'algue Phormidium incrustatum et des bryophytes Palustriella commutata, Bryum pseudotriquetrum, Philonotis calcarea, Aneura pinguis, Eucladium verticillatum...
La végétation phanérogamique se limite, dans les zones de tuf calcaire actif, à quelques plantes tels que Festuca arundinacea, Agrostis stolonifera, Eupatorium cannabinum, Arabis hirsuta subsp. sagittata, Carex flacca, Geranium robertianum, Potentilla reptans, Festuca gr. rubra, Lamium galeobdolon subsp. montanum, et quelques plantules de Quercus robur.
Les parties qui ne sont plus sous l'effet des ruisselets sont colonisées par certaines de ces plantes, ainsi que par des espèces plus mésophiles comme Campanula rotundifolia, Leontodon hispidus, Aquilegia vulgaris, mais aussi Succisa pratensis.
La colonisation préforestière est amorcée sur les bords du cron par des buissons de Salix purpurea, par Eupatorium cannabinum ainsi que Clematis vitalba.
Le développement d'un dépôt de tuf paraît exceptionnel sur un affleurement de grès famenniens. Cela peut vraisemblablement s'expliquer par la présence de poches calcaires dans la roche, ainsi que l'indique la présence, aux abords du cron, d'espèces franchement calcicoles telles que Cotoneaster integerrimus, Ligustrum vulgare, Viburnum lantana ou encore Carex digitata.
Au bas du cron s'étend une petite zone humide alluviale renfermant Scirpus sylvaticus, Phalaris arundinacea, Filipendula ulmaria, etc. Sur la berge de la Meuse s'observent encore ca et là quelques espèces devenues fort rares dans la vallée comme Nuphar lutea, Acorus calamus, Schoenoplectus lacustris, Butomus umbellatus, Rumex hydrolapathum, Glyceria maxima, etc.
La bryoflore du cron de Hastière a été étudiée par DE ZUTTERE (1993) et plus récemment par A. et O. SOTIAUX le 28 janvier 2009 (inédit). Le cortège est remarquablement riche, en raison de la taille imposante du dépôt et de sa situation très éclairée. Sur ces dépôts poreux et humides de carbonate de calcium, Palustriella commutata est l'espèce dominante. Elle se présente en tapis continu monospécifique. A quelques centimètres de la surface, ses tiges sont rigides car elles sont incrustées de CaCO3. La plante évite les courants d'eau rapide en se cantonnant sur les côtés et à la base des chutes. Eucladium verticillatum est la seconde espèce caractéristique de ce biotope. Cette petite mousse acrocarpe forme souvent de gros coussins hémisphériques compacts. Contrairement à Palustriella qui colonise des surfaces relativement planes, elle occupe des surfaces pentues, éclaboussées, de préférence ombragées. D'autres bryophytes, non exclusivement turficoles, se rencontrent aussi dans ce milieu, en particulier les hépatiques Aneura pinguis, Pellia endiviifolia, Conocephalum conicum et Preissia quadrata ainsi que les mousses Bryum pseudotriquetrum, Ctenidium molluscum, Cratoneuron filicinum, Fissidens adianthoides, Gymnostomum calcareum, Philonotis calcarea, Plagiomnium ellipticum et Plagiomnium undulatum.