Sur la carte de végétation dressée par REGINSTER (1953), on constate que la Fagne de Wignifa est presqu'entièrement reprise sous l'association de tourbière à Erica tetralix, outre deux petites taches indiquant respectivement une jonchaie à Juncus acutiflorus et un groupement à Sphagnum papillosum et S. umbricatum.
A l'heure actuelle, la végétation apparaît beaucoup plus complexe, ce qui pourrait s'expliquer par les drainages successifs qui y ont eu lieu à partir de la fin des années 1950, ainsi que par l'abandon progressif du site.
La carte de la végétation a été actualisée par ROUXHET (1992), qui y a reconnu une dizaine de zones plus ou moins distinctes :
1. Nardaie pâturée très extensivement, en voie de recolonisation par divers feuillus (Sorbus aucuparia, Quercus robur, Betula pendula, Crataegus monogyna, Salix spp.). Un relevé (n = 27 spp.) en juin 1990 y montre Vaccinium myrtillus 2.3, V. vitis-idaea 1.1, Galium saxatile 2.3, Festuca filiformis 1.2, Polygala serpyllifolia 1.1, Luzula multiflora 1.1, Nardus stricta 1.2, Danthonia decumbens 1.2, Arnica montana 1.3, Calluna vulgaris 1.3, Potentilla erecta 1.2, Carex pilulifera 1.1, Luzula campestris 1.1, Hieracium umbellatum +.2, Carex nigra +.1, Molinia caerulea +.2, Carex panicea 1.1, Cirsium palustre +.1, Juncus effusus +.2, Festuca nigrescens 1.2, Deschampsia flexuosa 4.3, Agrostis capillaris 2.1, Anthoxanthum odoratum 1.2, Cytisus scoparius +.2, Rumex acetosa +.1, Rubus sp. +.1, Sorbus aucuparia +.1, Quercus robur +.1. On note en outre Carex ovalis, C. pallescens, Scirpus cespitosus subsp. germanicus, Juncus squarrosus, Rumex acetosella, Succisa pratensis.
2. Nardaie peu envahie par les arbustes, avec des zones plus humides. Un relevé effectué à la même époque que le précédent renferme les espèces suivantes (n = 25) : Juncus squarrosus 1.2, Erica tetralix 1.2, Vaccinium myrtillus 2.3, V. vitis-idaea 1.1, V. uliginosum 1.3, Galium saxatile 2.3, Festuca filiformis 1.2, Polygala serpyllifolia 1.1, Luzula multiflora +.1, Nardus stricta 1.2, Danthonia decumbens 1.2, Calluna vulgaris 2.2, Potentilla erecta 1.2, Carex pilulifera +.1, Luzula campestris 1.1, Genista anglica 1.1, G. pilosa +.1, Hieracium umbellatum 1.1, Carex nigra +.1, Molinia caerulea 3.3, Deschampsia flexuosa 3.3, Agrostis capillaris +.1, Anthoxanthum odoratum +.1, Melampyrum pratense 1.1, Poa trivialis +.1, Sorbus aucuparia 1.2. Dans les parties les plus humides prend place également Pedicularis sylvatica.
3. Jonchaie à Juncus acutiflorus, de composition très homogène mais progressivement recolonisée par les saules (Salix aurita, e.a.).
4. Taillis de recolonisation composé de Betula pendula, B. pubescens, Quercus robur, Q. petraea, Sorbus aucuparia, S. aria, Salix aurita, S. caprea, Populus tremula, Frangula alnus.
5. Taillis moins dense que dans la zone précédente, ouvert au bétail, et composé des mêmes essences.
6. Nardaie subissant un pâturage intensif prenant l'aspect d'une pelouse très rase, mais recolonisée par endroits par les arbustes. Cette zone au relief accidenté pourrait faire penser à une ancienne extraction d'arkose (?). Deux relevés effectués en début juin 1990 fournissent les espèces suivantes (n = 26 et 27 spp. respectivement) : Juncus squarrosus 1.2 et 1.3, Pedicularis sylvatica +.1 et -, Erica tetralix +.1 et 1.2, Vaccinium myrtillus 2.1 et 2.1, V. vitis-idaea +.1 et 1.1, Galium saxatile 1.2 et 1.3, Festuca filiformis 1.2 et 2.3, Polygala serpyllifolia 1.1 et 1.2, Luzula multiflora 1.1 et 1.1, Nardus stricta 1.3 et 2.3, Danthonia decumbens 1.3 et 2.3, Carex ovalis 1.2 et -, Calluna vulgaris 2.3 et 2.3, Potentilla erecta 2.3 et 2.2, Carex pilulifera +.2 et 1.2, Luzula campestris 1.1 et 1.1, Genista anglica - et 1.3, Hieracium maculatum 2.1 et 1.1, Scirpus cespitosus subsp. germanicus - et 1.2, Carex nigra 1.3 et 1.3, Carex echinata 1.2 et 1.2, Succisa pratensis +.1 et 1.2, Viola palustris - et 1.1, Cirsium palustre - et 1.1, Juncus effusus 1.2 et 1.2, Juncus acutiflorus - et 1.3, Deschampsia flexuosa 2.2 et 1.2, Agrostis capillaris 1.1 et -, Anthoxanthum odoratum 1.2 et -, Plantago lanceolata +.1 et -, Cerastium fontanum +.1 et +.1, Salix aurita +.1 et +.2. On note par ailleurs Rumex acetosella et Trientalis europaea.
7. Lande à Molinia caerulea très envahie par les saules (Salix aurita), où on note la présence de Calluna vulgaris, Erica tetralix, ainsi que de belles plages de Vaccinium myrtillus, V. vitis-idaea et V. uliginosum.
8. Nardaie dont le pâturage est abandonné depuis quelques années seulement, montrant quelques rares massifs d'arbustes. Le relevé comprend 21 espèces : Juncus squarrosus 1.2, Erica tetralix 1.2, Vaccinium myrtillus 2.3, V. vitis-idaea 1.1, Galium saxatile 2.2, Festuca filiformis 1.2, Polygala serpyllifolia +.1, Luzula multiflora 1.1, Nardus stricta 2.2, Calluna vulgaris 3.3, Potentilla erecta 1.2, Carex pilulifera 1.1, Luzula campestris 1.2, Hieracium umbellatum 1.1, Scirpus cespitosus subsp. germanicus 2.2, Carex nigra +.1, Molinia caerulea 3.3, Deschampsia flexuosa 2.2, Agrostis capillaris 1.1, Melampyrum pratense 1.1, Salix aurita 1.2, Sorbus aucuparia 1.1. En outre, Veronica officinalis.
9. Jonchaie acutiflore avec présence d'Eriophorum vaginatum, Cirsium palustre, Viola palustris, Rumex acetosa et Molinia caerulea.
10. Lande à Molinia caerulea fortement envahie par les arbustes ainsi que par Pteridium aquilinum.
L'existence de ces remarquables étendues de pelouse à Nardus stricta à divers stades évolutifs représente assurément l'intérêt principal de la Fagne de Wignifa. Selon ROUXHET (1992), le type de nardaie observé dans ce site semble se rattacher à l'association du Vaccinio uliginosi-Juncetum squarrosi, soit des nardaies paratourbeuses liées aux plateaux ardennais (cf. SOUGNEZ, 1977). C'est un type de végétation devenu très rare de nos jours en Ardenne et méritant donc une protection stricte et des mesures de gestion adéquates.