Dans les eaux douces sursaturées en carbonate de calcium peut se manifester, sous certaines conditions, un phénomène de précipitation entrainant la formation de tuf calcaire ou de travertin. Les agents de cette précipitation sont essentiellement des algues (cyanobactéries) mais également certaines espèces de bryophytes voire même des végétaux supérieurs (graminées...). En Belgique, on distingue trois types principaux de dépôts : de rivière, de cron, et de source. Le premier type se présente sous la forme de barrages à travers le lit du cours d'eau. Le cron est un dépôt de pente, prenant place en aval d'une source, et caractérisé par une structure en vasque ou en escalier. Le dépôt de source se forme à l'emplacement d'une source ou immédiatement en son aval. On rencontre les principales formations de tuf en Lorraine belge ainsi que dans la vallée de la Meuse et certains de ses affluents
Le cron de Blaimont est situé en rive droite de la Meuse; il s'agit d'un dépôt de cron d'ampleur beaucoup moins importante que celui de Hastière et est caractérisé par une structure en cône.
Par rapport aux autres dépots, le tuf de Blaimont est particulièrement original car, tout comme le tuf de Hastière, il prend place sur des affleurements de grès et de psammites famenniens, donc des roches à priori plutôt acides (voir DUVIGNEAUD & SAINTENOY-SIMON, 1992).
Une description botanique de ce cron est donnée par DUVIGNEAUD & SAINTENOY-SIMON (1992):
Il est situé dans un environnement très forestier, constitué par des fragments d'aulnaie rivulaire dominée par de très belles cépées d'Alnus glutinosa, et par une frênaie-érabliaie de ravin avec Fraxinus excelsior, Acer pseudoplatanus, Acer campestre, Asplenium scolopendrium, Polystichum setiferum, Mercurialis perennis, Melica uniflora, Lamium galeobdolon subsp. montanum, Hedera helix, Geranium robertianum, Dryopteris filix-mas, Polypodium vulgare subsp. prionodes,...
Le dépôt de tuf en lui-même est colonisé essentiellement par les bryophytes, ce qui peut s'expliquer par son ombrage important. On note en particulier Cratoneuron commutatum, Eucladium verticillatum, Aneura pinguis, Bryum pseudotriquetrum. Localement, Chrysosplenium oppositifolium est aussi présent.
Au pied du cron, sur colluvions calcaro-limoneuses, se développent Rubus caesius, Sambucus nigra, Hedera helix, Melica uniflora, Geranium robertianum, Lamium maculatum, Urtica dioica, Scrophularia auriculata, Eupatorium cannabinum. Une zone humide en contrebas porte Veronica beccabunga, Epilobium hirsutum, Mentha aquatica, Ranunculus repens, Solanum dulcamara, Stachys sylvatica, ...
La bryoflore a été étudiée une première fois par DE ZUTTERE (1993) et plus récemment par A. et O. SOTIAUX le 28 janvier 2009 (inédit):
Le cortège est ici nettement moins riche que celui du cron de Hastière, en raison de la taille plus modeste du dépôt et de sa situation ombragée. Sur les dépôts poreux et humides de carbonate de calcium, Palustriella commutata est l'espèce dominante. Elle se présente en tapis continu monospécifique. A quelques cm de la surface, ses tiges sont rigides car elles sont incrustées de CaCO3. La plante évite les courants d'eau rapide en se cantonnant sur les côtés et à la base des chutes. Eucladium verticillatum est la seconde espèce caractéristique de ce biotope. Cette petite mousse acrocarpe forme souvent de gros coussins hémisphériques compacts. Contrairement à Palustriella qui colonise des surfaces relativement planes, elle occupe des surfaces pentues, éclaboussées, de préférence ombragées. D'autres bryophytes, non exclusivement turficoles, se rencontrent sur le tuf de Blaimont: il s'agit de l'hépatique Pellia endiviifolia,, ainsi que des mousses Bryum pseudotriquetrum et Cratoneuron filicinum (Mnium stellare et Aneura pinguis signalés par DE ZUTTERE, 1993, n'ont pas été observés en 2009).