Le marais de Sampont, anciennement sur les communes de Hachy et de Vance (actuellement Arlon et Etalle), est situé en Lorraine belge, dans la vallée de la Semois, à l'est d'Etalle. Il fait partie du complexe des marais de la Haute Semois. Il est compris entre les marais de Fouches et de Vance, entouré par les villages de Sampont, de Promberg et de Fouches à l'est et de Villers-Tortrue à l'ouest. Le marais est traversé par la Semois et la vieille rivière, encore appelée canal d'écoulement, ainsi que par la Tortrue dans sa partie nord ouest.
Le marais de Sampont occupe la dépression de la Semois au pied de la Cuesta Sinémurienne. Cette localisation topographique particulière est caractéristique de l'ensemble des marais de la Haute Semois sensu stricto (Heinsch, Fouches, Sampont, Vance et Chantemelle), comme le soulignait déjà DUVIGNEAUD (1948). Il se divise en deux grands types d'écosystèmes humides en fonction de leurs conditions de formation et de leur déterminisme édaphique:
- d'une part, la tourbière proprement dite, engendrée par la combinaison de suintements d'eau carbonatée issus de la cuesta des sables et grès calcarifères sinémuriens et du niveau imperméable constitué par les marnes hettangiennes: son sol est constitué d'une lentille tourbeuse qui peut atteindre une épaisseur de 3 à 4 mètres;
- d'autre part, le marais s'étend au nord sur les alluvions plutôt minérales, argilo-limoneuses de la Semois. A sa marge sud, la réserve occupe également des sols minéraux (sables gréseux de la cuesta) au niveau de buttes ou de talus.
Si la Semois est très polluée, le ruisseau issu du "canal d'écoulement" qui traverse le marais présente en revanche des eaux encore pures.
L'altitude du site est d'environ 340 mètres.
La végétation des marais de Sampont-Vance est célèbre et a été étudiée très de manière très complète par DUVIGNEAUD (1948). Cet auteur y a observé les groupements suivants:
- des prairies du Molinion dans lesquelles les espèces du Filipendulion sont abondantes et qui sont localement envahies par Phragmites australis. Sphagnum div. sp. peuvent y être abondants;
- des prairies du Filipendulion plus ou moins rudéralisées;
- des roselières rudérales : phragmitaies à Phragmites australis, phalaridaies à Phalaris arundinacea ou glycéraies à Glyceria maxima (Phragmition, Phalaridetum, Glycerietum). Certaines roselières sont riches en Calamagrostis canescens;
- des magnocariçaies à Carex paniculata et à C. acutiformis ;
- des bas-marais à Comarum palustre, Carex rostrata, Menyanthes trifoliata (Caricetum rostrato-vesicariae comaretosum);
- des bas-marais à Carex lasiocarpa, C. diandra, C. lepidocarpa, C. panicea, C. disticha, avec Hydrocotyle vulgaris, Dactylorhiza majalis et Sparganium minimum (Caricetum lasiocarpae);
- des fosses d'extraction de tourbe qui rassemblent Sparganium minimum, Utricularia minor, Potamogeton cf. berchtoldii, Lemna trisulca, L. minor, ou encore Sparganium erectum, Nuphar lutea, Ranunculus lingua, Berula erecta, et des prairies flottantes dominées par Menyanthes trifoliata, Carex rostrata,... (Caricetum rostrato-vesicariae comaretosum); voire des tapis de sphaignes avec une mosaïque de groupements à Carex limosa, C. lasiocarpa, C. nigra, C. panicea, Drosera rotundifolia, Vaccinium oxycoccos, Salix repens, ... (Caricetum lasiocarpae, Caricetalia fuscae, Oxycoccos-sphagnetea, ...);
- des saulaies pionnières colonisant les anciennes prairies à molinie (Salicion cinerea);
- des aulnaies mésotrophes à eutrophes (Macrophorbio-alnetum);
- une aulnaie rivulaire à Alnus glutinosa (Alno-Padion);
- une pelouse sèche sur sable riche en espèces parmi lesquelles : Dianthus deltoides, Agrostis cf. capillaris, Carex panicea, Galium verum, Viola canina, etc.
D'après la fiche RNOB (1999):
Le marais de Sampont est localisé dans le district phytogéographique lorrain. Ce district occupe au sud de l'Ardenne, la zone d'extension des terrains sédimentaires jurassiques de la bordure septentrionale du Bassin de Paris, qui s'appuient et se terminent en biseau sur le massif primaire ardennais quelques kilomètres seulement au nord. Il est caractérisé par la relative continentalité du climat.
La végétation du marais reproduit assez globalement la même séquence que celle des autres marais de la Haute Semois, passant de conditions assez oligotrophes jusqu'à des conditions franchement eutrophes. Deux transects nord-sud regroupant les différentes unités de végétation qui peuvent être rencontrées dans le marais de Sampont sont décrits en détail dans le premier dossier d'agrément introduit en 1988.
On note la présence d'une lentille tourbeuse au pied de la Cuesta Sinémurienne, qui accueille une mosaïque de groupements végétaux liée aux conditions de sols particulières (inclinaison, influence des suintements du pied de la Cuesta Sinémurienne et de la nappe phréatique). Ces groupements végétaux comptent des associations végétales rares ou devenues rares, notamment celles des bas-marais acide et alcalin et des tourbières, dont le bas-marais acide à Comarum palustre et Menyanthes trifoliata, la cariçaie turfigène à Carex lasiocarpa (Caricetum lasiocarpae), la tourbière bombée à Sphaignes, le bas-marais alcalin à Epipactis palustris et les végétations qui se développent successivement à partir de l'eau libre des fosses d'extraction de la tourbe.
Ces milieux remarquables hébergent des espèces végétales et animales spécialisées, à distribution restreinte ou présentant en Lorraine belge des populations disjointes ou en limite de leur aire de distribution. On peut citer notamment Pedicularis palustris, Ranunculus lingua, Carex limosa, C. lasiocarpa, C. pulicaris, Epipactis palustris, Hydrocotyle vulgaris, Sparganium natans, Utricularia minor ainsi que les odonates Somatochlora flavomaculata et Sympetrum danae, les papillons Boloria aquilonaris, Boloria eunomia et Boloria selene, ...
On observe aussi la présence:
- de vastes prairies et roselières dans la partie septentrionale du marais, qui constituent un grand intérêt pour l'avifaune;
- des éléments de pelouse sèche acidocline sur sable;
- des boulaies sur tapis de sphaignes, qui présentent notamment un grand intérêt bryologique;
- de très grandes aulnaies marécageuses déjà âgées, sur tourbe, qui présentent un grand intérêt botanique, mais aussi ornithologique et entomologique (notamment pour les insectes saproxylophages, grâce à la présence d'arbres morts et pourrissants).
L'intérêt faunistique du marais de Sampont est très élevé et similaire aux autres marais du secteur. Les données restent cependant fragmentaires pour la plupart des groupes taxonomiques (en particulier parmi l'entomofaune).
Parmi les mammifères, le chevreuil (Capreolus capreolus), le sanglier (Sus scrofa), le renard roux (Vulpes vulpes), le putois (Putorius putorius) et le muscardin (Muscardinius avellanarius) fréquentent régulièrement le site.
L'avifaune comprend comme espèces nicheuses la buse variable (Buteo buteo), le canard colvert (Anas platyrhynchos), la gallinule poule d'eau (Gallinula chloropus), le râle d'eau (Rallus aquaticus), le pic épeiche (Dendrocopus major), le pic vert (Picus viridis), la locustelle tachetée (Locustella naevia), la rousserolle verderolle (Acrocephalus palustris), la rousserolle effarvate (Acrocephalus scirpaceus), le phragmite des joncs (Acrocephalus schoenobaenus), le bruant des roseaux (Emberiza schoeniclus), la fauvette grisette (Sylvia communis), etc.
La grenouille rousse (Rana temporaria), la grenouille verte (Pelophylax kl esculentus), le crapaud commun (Bufo bufo), le triton alpestre (Ichthyosaura alpestris), le triton commun (Lissotriton helveticus) et le lézard vivipare (Zootoca vivipara) composent l'essentiel de la faune herpétologique locale.
On dispose de données détaillées pour seulement quelques groupes d'insectes, dont les Lépidoptères rhopalocères (depuis au moins le début des années 1990) et les odonates. Parmi les papillons remarquables figurent notamment deux papillons associés à la rénouée bistorte: le nacré de la bistorte (Boloria eunomia) et le cuivré de la bistorte (Lycaena helle). Quant aux odonates, on peut citer la cordulie à taches jaunes (Somatochlora flavomaculata), une espèce très rare affectionnant les marais pourvus de vastes roselières, la cordulie arctique (Somatochlora arctica), libellule boréo-montagnarde également très localisée en Wallonie, et le leste dryade (Lestes dryas), volant au niveau de plans d'eau en voie d'atterrissement et à populations relativement inconstantes dans la région.
Un inventaire des Coléoptères Staphylinidae du marais effectué en 2012 a montré une diversité spécifique importante avec une quarantaine d'espèces récoltées en une seule journée (obs. T. Struyve).
Un miniscule mollusque gastéropode, le maillot de Desmoulin (Vertigo moulinsiana), a été observé en 2011 sur des touradons de Carex paniculata. C'est la première fois que cette espèce d'intérêt communautaire est signalée sur le site. Auparavant, la seule localisation connue en Lorraine était le marais du Landbruch (BAUGNEE et al., 2006). Une espèce voisine, Vertigo antivertigo, plus répandue mais localisée aux cariçaies marécageuses, est également présente.
Au cours des siècles, la Semois a subi une série d'aménagements et de rectifications, et ces travaux successifs ont transformé la rivière en un chenal rectiligne profondément encaissé, qui influence à présent peu le marais. Au sud, le ruisseau appelé "canal d'écoulement" ou " vieille rivière", aurait également subi des aménagements assez sévères. Plus récemment, le ruisseau qui aboutit au marais de Sampont par le canal d'écoulement a quitté ce tracé pour se frayer, plus au sud, un chemin tortueux à travers les grandes aulnaies du marais, et correspond sans doute le mieux au cours primitif de la Semois (vrai thalweg).
Comme les autres marais de la Haute Semois, le marais de Sampont a été largement utilisé au cours des siècles précédents dans le cadre de l'économie agro-pastorale. Le marais était utilisé par les populations locales comme prés de fauche à fourrage (fauchage relativement précoce), ou à litière (fauchage plus tardif) dans les parcelles de moindre qualité, et pour l'extraction de la tourbe, utilisée comme combustible. Cette dernière activité a été particulièrement développée dans le marais de Sampont, comme l'attestent les très nombreuses anciennes fosses d'extraction présentes dans le marais, d'une profondeur atteignant les trois mètres. Les années sèches, le pâturage du regain pouvait être pratiqué. Ces activités qui faisaient partie de l'agriculture qualifiée d'extensive étaient en fait intenses et régulières, de sorte que le paysage de ces marais était très ouvert et la végétation relativement basse. Elles étaient essentielles à la survie d'un certain nombre de familles et les différentes terres des marais avaient des fonctions précises. Cela s'est notamment traduit par le partage précis des terres lors des héritages successifs, aboutissant au parcellaire cadastral très morcelé que nous connaissons actuellement (laniérage).
Ces activités traditionnelles ont été abandonnées pour le marais de Sampont durant le vingtième siècle suite à la modernisation de l'agriculture. La végétation ouverte et rase a donc progressivement cédé le pas à des végétations plus élevées et parfois rudérales (filipendulaies, phragmitaies, glycéraies), tandis que les fosses d'extraction de la tourbe, n'étant plus renouvelées, se colmataient et se fermaient. De grandes surfaces étaient progressivement envahies par des groupements forestiers (saulaies, aulnaies, boulaies). Dans le même temps, la Semois et certains de ses affluents subissaient curages et normalisation altérant le régime hydrique du marais, particulièrement sur les sols plus minéraux à proximité du cours de la Semois. Conjugué à la détérioration de la qualité des eaux de la rivière, cet assèchement a conduit à la rudéralisation et l'eutrophisation de vastes surfaces, particulièrement dans la partie nord du marais.
Localement, des propriétaires ont tenté des plantations de résineux (principalement épicéas) avec des fortunes diverses.
Des habitations sont construites chaque année en bordure immédiate de la réserve, ou même dans des zones marécageuses, après remblayage!