S'inscrivant en pleine zone urbaine, l'Ile aux Corsaires est comprise entre l'Ourthe (au nord) et le Canal de l'Ourthe (au sud), juste en aval du point de confluence avec la Vesdre. La partie occidentale de l'île est occupée notamment par un complexe commercial.
La réserve naturelle proprement dite est située à la pointe orientale de l'île. Elle repose sur des alluvions modernes surmontés de remblais. Depuis la surface, on rencontre la stratification suivante:
- les remblais, d'une épaisseur moyenne de 6-8 m, sont constitués de sables variés de rouge, brun foncé ou noir, des scories de fonderie, des cendrées, et des fragments rocheux divers;
- les limons fluviatiles, d'une épaisseur de 0 à 2 m, sont plus ou moins sableux et présents en couche discontinue;
- les sables et graviers fluviatiles, présents en couches de 4 à 8 m d'épaisseur; cette formation renferme la nappe alluviale de l'Ourthe, qui est alimentée surtout par les eaux de la rivière et qui est drainée par le bief en aval du barrage des Grosses Battes;
- le lit primaire, est constitué de roches de la formation du Namurien (Carbonifère supérieur) représentée par des schistes, grès, veinette de charbon et nodules calcaires. Il peut accueillir des nappes de fissures.
Le terrain mis en réserve occupe la base d'un ancien terril calaminaire exploité au cours des deux derniers siècles pour la construction de routes. Il est aujourd'hui entièrement clôturé. Le talus dominant l'Ourthe, au nord de la réserve, présente également une nature calaminaire.
La réserve naturelle de l'Ile aux Corsaires renferme quatre habitats principaux déterminés par la charge métallifère du substrat et par l'importance de la recolonisation forestière (voir ANONYME, 2006 et HAUTECLAIR, 2007).
1. - la pelouse calaminaire de l'ordre du Violetalia calaminariae (alliance du Thlaspion calaminarii). Ce groupement, en expansion maximale sur le plateau, est représenté par des métallophytes strictes comme Viola calaminaria, Silene vulgaris subsp. vulgaris var. humilis, Thlaspi caerulescens subsp. calaminare, Armeria maritima var. halleri, accompagnées par le lichen Stereocaulon nanodes et la mousse Scolelophyla cataractae. Il comprend aussi diverses plantes dites pseudo-métallophytes, c'est-à-dire qui se développent aussi bien sur sols métallifères que sur des substrats non contaminés: Rumex acetosa, Agrostis capillaris, Festuca rubra subsp. commutata, Arrhenatherum elatius, Campanula rotundifolia, ... On observe en outre des espèces 'métallo-tolérantes' qui s'installent dans les zones les moins contaminées : Clematis vitalba, Tussilago farfara, Mercurialis annua, Asparagus officinalis, Rubus sp., Betula pendula, Acer pseudoplatanus, Humulus lupulus, Fallopia japonica, ...
Parmi les plantes calaminaires présentes en Région wallonne, l'arméria est considéré comme l'espèce dont l'indigénat est le plus douteux. La première mention connue dans la région d'Angleur remonterait à 1955 (GRAITSON, 2006). A cet égard, MASSON (1950) écrit, à la fin d'un article sur le boisement des terris liégeois: «Il est intéressant de signaler, pour terminer, une plantation d'une plante calaminaire (armeria) faite par M. Bris, Directeur des Usines de la Vieille-Montagne à Chênée, sur le pied d'un terris formé des produits de la calcination des minerais de zinc. Il y a obtenu la formation d'un véritable gazon».
Outre les espèces calaminaires précitées, deux petites plages de Festuca ovina subsp. guestfalica ont été découverte sur le site en 2007; il s'agit de la première mention de cette graminée dans la région d'Angleur (HAUTECLAIR, 2007).
Notons encore que la pelouse calaminaire se rencontre également sur le talus dominant l'Ourthe, au nord du site, ainsi que sur les abords du Canal de l'Ourthe, au sud de la réserve.
2. - la friche rudérale de l'ordre du Chenopodietea. Cette végétation herbacée s'intalle surtout en périphérie du site ou le substrat a perdu son caractère métallifère en raison de dépôts variés de terres et de la disparition des scories suite à leur exploitation. La flore est diversifiée mais comprend des espèces banales : Chenopodium album, Artemisia vulgaris, Achillea millefolium, Daucus carota, Senecio vulgaris, Plantago lanceolata, Plantago major, Urtica dioica, Mercurialis annua, Trifolium pratense, Linaria vulgaris, Arrhenatherum elatius, Hypericum perforatum, Mentha piperata, Verbena officinalis, Medicago lupulina, Matricaria maritima subsp. inodora, Sonchus arvensis, Capsella bursa-pastoris, Saponaria officinalis, Reseda lutea, Symphytum officinale, Lathyrus latifolius, Leontodon autumnalis, Persicaria maculosa (= Polygonum persicaria), Calystegia sepium, Poa annua, Polygonum aviculare, Chaenorrhinum minus, etc. On y rencontre diverses adventices ou invasives comme Conyza canadensis, Senecio inaequidens, Galinsoga quadriradiata (= ciliata), Malva pusilla, ... Quelques espèces calaminaires (Silene vulgaris subsp. vulgaris var. humilis et Armeria maritima var. halleri surtout) s'y retrouvent également, au niveau de poches métallifères. La recolonisation forestière est annoncée par les arbustes comme Betula pendula, Salix caprea, Buddleja davidii, etc.
3. - un boisement rudéral à robinier. Occupant la partie occidentale de l'Ile aux Corsaires, ce bois est installé sur des substrats peu métallifères; la strate arborée est dominée par Robinia pseudoacacia, une espèce d'origine nord-américaine naturalisée chez nous. On observe aussi plus ponctuellement Acer pseudoplatanus, Aesculus hippocastanum, Castanea sativa, Corylus avellana, Fraxinus excelsior, Sambucus nigra, Betula pendula, Fagus sylvatica, Quercus robur, Ilex aquifolium, Taxus baccata (planté). Dans le sous-bois, on note deux 'lianes', Clematis vitalba et Humulus lupulus, ainsi que diverses herbacées dont Urtica dioica, Chelidonium majus, Epipactis helleborine, Stachys sylvatica, Brachypodium sylvaticum, Ranunculus repens, Solanum dulcamara, Scrophularia nodosa, Carex pendula, Dryopteris filix-mas, Alliaria petiolata, etc. Par endroits, certaines espèces invasives sont présentes et pourraient poser problème à l'avenir: il s'agit surtout de Fallopia japonica, Buddleja davidii et, dans une moindre mesure, Mahonia aquifolium et Aster lanceolata var. tradescantii. Comme dans la friche rudérale, les espèces calaminaires peuvent être ponctuellement représentées.
4. - un boisement pionnier calaminaire. S'étendant sur le plateau entre des fourrés à Buddleja et le bois à robinier, ce petit bois est constitué surtout par Betula pendula et Robinia pseudoacacia. Il renferme aussi Tilia cordata, Quercus robur, Fagus sylvatica, Aesculus hippocastanum, etc. Dans le sous-bois la strate herbacée est peu développée et on note la présence de nombreuses plages nues. La flore comprend à la fois des métallophytes mais surtout Thlaspi caerulescens subsp. calaminare (lequel semble mieux supporter l'ombrage que les autres espèces calaminaires), et des pseudo-métallophytes comme Campanula rotundifolia, Arrhenatherum elatius, Rumex acetosa, Agrostis capillaris, ainsi que Epipactis helleborine, Asparagus officinalis, Clematis vitalba, Ligustrum vulgare, etc.
La faune présente une diversité moyenne, ce qui s'explique notamment par l'exiguité du site, mais celui-ci renferme diverses espèces très intéressantes. Parmi l'entomofaune, plusieurs groupes ont été inventoriés à ce jour, plus particulièrement les Lépidoptères rhopalocères (16 spp.), les Orthoptères (12 spp.) et les Coléoptères Coccinellidae (13 spp.).
Parmi les Lépidoptères, l'espèce phare est assurément le petit nacré (Issoria lathonia), dont la chenille se nourrit essentiellement de la violette calaminaire. Une petite population (une dizaine d'individus est observée annuellement) est installée sur l'Ile aux Corsaires. Il s'agit d'une espèce d'intérêt patrimonial en Région wallonne et ses principales populations se localisent actuellement sur les terrains calaminaires liégeois. Une autre espèce peu commune, le demi-argus (Polyommatus semiargus) est également signalé sur le site mais aucune observation n'a eu lieu au cours des dernières années, ce qui laisse craindre sa disparition locale.
Deux espèces de microlépidoptères spécialisées se reproduisent sur le site, à savoir Lobesia littoralis (Tortricidae) et Aristotelia brizella (Gelechiidae), dont les chenilles se développent aux dépens du gazon d'Olympe, et qui ne sont donc pas connues en dehors de quelques rares sites calaminaires liégeois. Un autre microlépidoptère remarquable, Pancalia schwarzella, est lié aux violettes et en particulier ici à la violette calaminaire, et il n'est plus connu en Belgique que de la région liégeoise! C'est par ailleurs au bord de l'Ile aux Corsaires que Caloptilia fidella (Gracillariidae), espèce mineuse des feuilles de houblon, fut noté pour la première fois en Belgique (BAUGNEE & DE PRINS, 2010).
L'orthoptère le plus remarquable est l'oedipode à ailes bleues (Oedipoda caerulescens). Ce criquet légalement protégé en Wallonie a une distribution assez localisée mais est souvent présent sur des biotopes anthropiques comme les terris, les aires de triage, etc. D'autres espèces intéressantes d'orthoptères méritent d'être mentionnées: Myrmeleotettix maculatus, Phaneroptera falcata (espèce en expansion), Gomphocerippus rufus (également en expansion relative), Omocestus rufipes.
Chez les coccinelles, il faut mentionner Subcoccinella vigintiquatuorpunctata qui se développe aux dépens de diverses Caryophyllacées, dont le silène calaminaire, ainsi que Coccinella undecimpunctata, espèce de plaine fréquente dans le nord et le centre du pays mais rare au sud de la Meuse (HAUTECLAIR, 2007).
La magnifique casside azurée Cassida azurea a été découverte en 2007 au pied du silène calaminaire. Ce coléoptère rare et thermophile, également spécial aux silènes, n'est connu que par quelques observations récentes dans le district mosan et en Lorraine.
Une punaise peu banale, Prostemma guttula, a également été rencontrée sur l'Ile aux Corsaires (DETHIER, 2006). Montrant une distribution très localisée en Belgique, ce prédateur terricole affectionne les endroits chauds et secs bien éclairés où abondent ses proies habituelles, d'autres punaises!
La proximité de l'Ourthe explique l'observation régulière d'odonates sur le site de l'Ile aux Corsaires, en particulier Calopteryx splendens, Calopteryx virgo, Gomphus pulchellus, beaucoup plus rarement aussi Gomphus vulgatissimus, Onychogomphus forcipatus et Erythromma lindenii.