Données historiques
Le marais de la Platinerie s'est fait connaître des botanistes dès la fin du 19ème siècle, à l'occasion de la découverte, par E. Lemoine, d'une cypéracée nouvelle pour le territoire belge: Carex davalliana, ou laîche de Davall. A l'époque, LEMOINE (1890) écrivait, dans son compte-rendu de l'herborisation de la Société Botanique de Belgique, que l'espèce était répandue dans les prairies de La Platinerie en de nombreuses et fortes touffes mâles et femelles. Il y signale d'autres plantes peu banales comme Geum rivale et Gymnadenia conopsea, ainsi que divers bryophytes rares. Il ajoute encore la trouvaille de Carex hostiana (= hornschuchiana) par Feltgen et Crépin.
Dans l'étang du moulin, LEMOINE (1890) note la présence d'un peuplement important de Schoenoplectus lacustris, tandis que sur le revers humide de la colline qui lui fait face, il relève trois espèces rares de la lande humide: Drosera rotundifolia, Lycopodium inundatum et Trichophorum cespitosum. En outre, il est frappé par l'extrême abondance de Genista pilosa sur les collines sableuses de la Platinerie, mentionnant également l'existence de l'astéracée Helichrysum arenarium.
En 1910 puis 1912, A. Verhulst entreprit d'étudier plus en détail cette station de Carex davalliana, située entre le moulin de Bonnert (ou de la Platinerie) et celui de Gruber plus à l'est (VERHULST, 1912).
Il estime que Carex davalliana y occupe un espace d'un à deux ares, dans les parties basses de la prairie. Outre cette espèce, il note dans ce marais Warnstorfia fluitans (sub Hypnum fluitans), Carex pulicaris, Valeriana dioica, Lotus pedunculatus, Carex paniculata, Eriophorum latifolium, Menyanthes trifoliata, Crepis paludosa, Senecio aquaticus, Leontodon hispidus, Carex panicea, Hieracium lactucella (sub H. auricula), etc. Il constate en outre l'absence complète de sphaignes.
Plus haut dans la prairie, au niveau de suintements sur marnes de l'Hettangien, il précise que les espèces dominantes sont Cirsium palustre et Pedicularis palustris, et qu'au-delà de ces suintements pullule Rhinanthus minor.
Vers les collines (ou «dunes») sableuses, la végétation «tourne à la bruyère humide», selon les mots de VERHULST, avec la dominance de Calluna vulgaris, accompagnée de Pedicularis sylvatica, Potentilla erecta, Nardus stricta, Juncus squarrosus, ... Aira praecox et Galium saxatile y apparaissent aux endroits secs tandis que des sphaignes colonisent les parties les plus fraîches. Carex flava (s.l.), Carex hostiana et Carex panicea complètent ce cortège au niveau de suintements.
Enfin, dans le ruisseau, VERHULST recense Sparganium erectum (dominant), Callitriche «aquatica», Ranunculus aquatilis et Glyceria fluitans.
Le site fut encore prospecté le 1er juin 1968 à l'occasion de l'herborisation générale de la Société royale de Botanique de Belgique. PARENT (1969), dans son compte rendu, écrit au sujet de cette prairie humide: «il est presque miraculeux qu'elle ait échappé à l'enrésinement, au drainage, au piétinement par le bétail, à l'apport d'engrais». Il note que la station de Carex davalliana, toujours présente, n'occupe cependant plus qu'une surface restreinte par rapport à l'époque de Lemoine. Parmi les espèces non notées par Verhulst figurent notamment Carex diandra, pourtant abondant, et Carex acutiformis, dominant. Sont observés également Carex paniculata, Carex lepidocarpa, Carex pulicaris, Carex disticha, Carex nigra, Eriophorum angustifolium, Eriophorum latifolium, Rhinanthus minor (dont une forme à dents violettes), ainsi que de nombreux pieds d'Ophioglossum vulgatum et Triglochin palustre.
Situation actuelle (2010-2015)
A partir des années 1970, le marais de la Platinerie semble avoir été délaissé des botanistes et son évolution ne semble guère avoir été documentée depuis lors.
Ce site privé, dépourvu de tout statut de protection (il a notamment été oublié lors de la mise en place du réseau Natura 2000), a été «redécouvert» en 2010 et plusieurs prospections ont été effectuées depuis par des agents du DEMNA (P. Verté, P. Frankard, L.-M. Delescaille pour les plantes supérieures, et J.-M. Couvreur pour les bryophytes).
La partie centrale est toujours occupée par le marais alcalin qui conserve un très grand intérêt botanique: en effet, malgré la disparition de la laîche de Davall (la dernière mention daterait de 1986 - G.H. Parent), d'autres joyaux de notre flore s'y épanouissent comme Triglochin palustre, Eriophorum latifolium, Carex appropinquata, Parnassia palustris, Epipactis palustris, aux côtés de Menyanthes trifoliata, Succisa pratensis, Potentilla erecta, Eriophorum angustifolium, Carex rostrata, Carex panicea, Carex lepidocarpa, Carex demissa, Carex flacca, Rhinanthus minor, etc. Cette zone renferme encore deux bryophytes typiques de cet habitat (et déjà mentionnées précédemment), Tomentypnum nitens et Campylium stellatum, en forte régression en Région wallonne (SOTIAUX et VANDERPOORTEN, 2015). On y observe par ailleurs l'espèce caractéristique des tufs calcaires Palustriella commutata s.l., non signalée par les auteurs anciens.
Les prairies humides environnantes comportent une flore particulièrement diversifiée: Crepis paludosa, Primula elatior, Primula veris, Juncus articulatus, Lathyrus pratensis, Luzula multiflora, Valeriana repens, Lysimachia vulgaris, Rumex acetosa, Ranunculus acris, Ranunculus repens, Trifolium pratense, Poa trivialis, Plantago lanceolata, Holcus lanatus, Anthoxanthum odoratum, Arrhenatherum elatius, Trifolium repens, Lysimachia nummularia, Mentha aquatica, Caltha palustris, Cardamine pratensis, Carex acutiformis, Carex disticha, Carex flacca, Cerastium fontanum, Epilobium parviflorum, Myosotis scorpioides, Equisetum fluviatile, Festuca pratensis, Festuca rubra, Filipendula ulmaria, Epipactis palustris, Stellaria graminea, Luzula campestris, Centaurea jacea subsp. nigra, Veronica chamaedrys, etc. S'y ajoutent divers éléments de bas-marais comme Valeriana dioica, Lotus pedunculatus, Carex nigra, Galium uliginosum, Epilobium palustre, etc.
Au bord du Scherbach, quelques fragments de pré humide montrent Ajuga reptans, Crepis paludosa, Angelica sylvestris, Briza media, Carex paniculata, Carex rostrata, Cirsium oleraceum, Cirsium palustre, Filipendula ulmaria, Cynosurus cristatus, Avenula pubescens, Phragmites australis, Scrophularia umbrosa, Vicia cracca, Menyanthes trifoliata, ... Plusieurs de ces plantes se rencontrent également sous aulnaie marécageuse, avec en plus Anemone nemorosa, Lychnis flos-cuculi, Mentha arvensis, Hypericum maculatum, Cardamine amara, Petasites hybridus et quelques autres espèces hygrophiles.
Un relevé effectué dans une clairière pâturée au sein d'une aulnaie comporte Crepis paludosa, Geranium robertianum, Galium aparine, Galeopsis tetrahit, Filipendula ulmaria, Eupatorium cannabinum, Holcus lanatus, Dactylis glomerata, Hypericum maculatum, Cirsium palustre, Cirsium oleraceum, Carex acutiformis, Avenula pubescens, Arrhenatherum elatius, Deschampsia cespitosa, Phleum pratense, Urtica dioica, Stachys sylvatica, Senecio jacobaea, Glechoma hederacea, Rumex obtusifolius, Persicaria amphibia, Myosoton aquaticum, Lysimachia vulgaris, Leucanthemum vulgare, Lathyrus pratensis, Juncus conglomeratus, Impatiens noli-tangere, Iris pseudacorus, Scirpus sylvaticus, etc.
Dans une ancienne peupleraie mise à blanc poussent notamment Solanum dulcamara, Prunus padus, Sambucus nigra, Senecio ovatus, Valeriana repens, Viburnum opulus, Alnus glutinosa, Angelica sylvestris, Carex lepidocarpa, Carex pallescens, Carex panicea, Cirsium palustre, Corylus avellana, Epilobium hirsutum, Eupatorium cannabinum, Filipendula ulmaria, Humulus lupulus, Juncus articulatus, Juncus effusus, Phragmites australis, Sorbus aucuparia. L'arbuste Lonicera nitida, échappé de jardin, est également présent.
A l'est du marais se trouve une petite mare dans laquelle s'épanouit une population d'Utricularia vulgaris, plante aquatique «carnivore» devenue très rare en Wallonie, aux côtés d'Equisetum fluviatile, Potamogeton natans, Carex paniculata, Typha latifolia et l'exotique Elodea canadensis.
Certains fossés forestiers hébergent des peuplements de Chrysosplenium oppositifolium.
L'étang de l'ancien moulin, situé dans l'ouest du site, comporte quelques herbiers de Potamogeton natans, des cariçaies à Carex acutiformis et Carex rostrata, ainsi que divers hélophytes comme Iris pseudacorus, Lychnis flos-cuculi, Phalaris arundinacea, Solanum dulcamara, etc. Son étude mériterait d'être complétée par de nouveaux relevés. PARENT (1973) mentionnait son intérêt pour la faune paludicole.
Les «dunes» sableuses et les landes évoquées par les auteurs du 19ème siècle ont disparu des environs depuis longtemps, et avec elles les espèces remarquables qui y étaient liées.