Cette grande parcelle agricole fait partie de la future réserve naturelle de la Plaine d'Ychippe. D'une superficie de 5,3 ha, elle s'étend à 1600 m au sud-est du village d'Ychippe, à l'est du chemin agricole menant vers le Grand Fond. De forme grossièrement triangulaire, elle présente une très légère pente en direction du sud-ouest, avec dans sa partie occidentale, une zone dépressionnaire fréquemment inondée l'hiver et dans laquelle ont été creusées deux petites mares en 2012. La parcelle est entourée de cultures au nord et au sud et d'une lisière forestière à l'est. Elle est longée à l'ouest par le chemin précité.
En jachère pendant plusieurs années, la parcelle a été plantée en maïs en 2011 et en froment en 2012. Elle a été labourée en septembre, à l'exception d'une partie de la dépression humide située dans sa partie occidentale, occupée par une prairie hygrophile basse d'origine récente. Une toute petite parcelle sans grand intérêt existe de l'autre côté du chemin, au lieu-dit Rabanage, sous la ligne à haute tension, et une autre comprenant une prairie de fauche s'étend dans le coin du chemin agricole et du chemin vers Marie-Mouchon.
La parcelle agricole située au lieu-dit Al Basse a fait l'objet de relevés préliminaires en septembre 2012 par Pierre HANSE (DNF-cantonnement de Rochefort) et J.-Y. BAUGNEE (SPW-DEMNA), uniquement au niveau de la zone dépressionnaire.
La «prairie» hygrophile, qui occupe environ 1/7ème de la superficie totale du site, constitue un habitat remarquable mais difficile à caractériser, comprenant à la fois des espèces du Bidention et des espèces de jonçaies et de bas-marais acides. Le cortège floristique rassemble une trentaine d'espèces, certaines étant très abondantes comme la renoncule flammette (Ranunculus flammula), le jonc des crapauds (Juncus bufonius), le pourpier d'eau (Lythrum portula), le gaillet des marais (Galium palustre), la renouée à feuilles de patience (Persicaria lapathifolia), la glycérie pliée (Glyceria notata), le lotier des fanges (Lotus pedunculatus), le jonc articulé (Juncus articulatus), le vulpin genouillé (Alopecurus geniculatus), d'autres plus dispersées telles que le bident triparti (Bidens tripartita), la laîche hérissée (Carex hirta), la patience agglomérée (Rumex conglomeratus), l'épiaire des marais (Stachys palustris), l'agrostis stolonifère (Agrostis stolonifera), la véronique à écus (Veronica scutellata), le scirpe des marais (Eleocharis palustris) (petite plage de 3 m2), l'épilobe à petites fleurs (Epilobium parviflorum), la menthe des champs (Mentha arvensis), le jonc épars (Juncus effusus), la gnaphale des mares (Gnaphalium uliginosum), le pâturin commun (Poa trivialis), le poivre d'eau (Persicaria hydropiper), ...
On y observe également des espèces de friches et de cultures: mouron rouge (Anagallis arvensis), potentille des oies (Potentilla anserina), vesce à quatre graines (Vicia tetrasperma), matricaire camomille (Matricaria recutita), renouée des oiseaux (Polygonum aviculare) et même spargoute des champs (Spergula arvensis), plante typique des moissons sur sols acides et rare dans le Condroz.
L'abondance de Lythrum portula mérite d'être soulignée! Cette petite plante rampante, formant ici des tapis de plusieurs dizaines de mètres carrés, est en effet très rare en dehors de la Campine et de l'Ardenne. C'est une espèce des grèves exondées, chemins forestiers humides et ornières, généralement sur des substrats acides, que l'on rattache souvent au groupement à scirpe sétacé (non observé mais potentiellement présent) et qui se rencontre très rarement en culture.
La présence de Veronica scutellata est aussi particulièrement intéressante. Bien que signalée de la réserve de Marie-Mouchon toute proche, cette plante est rare dans le Condroz et occupe ici un habitat typique pour l'espèce, c'est-à-dire marqué par un certain assèchement estival.
Lorsque cette dépression est sous-eau, c'est-à-dire essentiellement en hiver et au printemps, elle est fréquentée par plusieurs espèces d'amphibiens (obs. E. Pellerin, 2012): le triton alpestre (Ichthyosaura alpestris), le triton ponctué (Lissotriton vulgaris), le triton palmé (Lissotriton helveticus) et la grenouille rousse (Rana temporaria).
Parmi l'entomofaune on peut citer la présence d'un orthoptère rare en Condroz, le grand criquet des marais ou criquet ensanglanté (Stethophyma grossum). Cette espèce hygrophile se montre très exigeante et affectionne exclusivement les prairies humides (surtout cariçaies et jonçaies) bien ensoleillées et dont le sol est gorgé d'eau au moins durant l'hiver. L'observation d'individus femelles, beaucoup moins mobiles que les mâles, indique que la reproduction a vraisemblablement eu lieu sur place (l'espèce a aussi été découverte récemment à Marie-Mouchon).