La flore du Bois de Sauvage n'a été que partiellement inventoriée à ce jour. Cela s'explique par le caractère privé de ce site et par son isolement relatif. L'essentiel des données disponibles provient des relevés effectués dans le cadre de la demande de classement comme réserve naturelle domaniale (Chateau de Jemeppe). Trois visites ont eu lieu dans ce cadre le 28 juin 2005, les 8 et 29 juin 2006 et la description qui suit est extraite de l'avis sur site rédigé par J.-L. Gathoye (SPW-DEMNA).
La réserve naturelle occupe une position plus ou moins centrale dans le massif du Bois de Sauvage. L'ensemble du périmètre protégé (13,5 ha) comporte trois secteurs très distincts: la zone humide dominée par la mégaphorbiaie; le massif forestier; l'ancienne carrière.
Mégaphorbiaie et bas-marais
La partie sud de la réserve est occupée par un fond alluvial d'environ 5,7 ha planté de peupliers dans les années 1980. Ces derniers ont été exploités récemment, laissant une vaste zone essentiellement couverte par de la mégaphorbiaie marécageuse. Seule une partie au nord de la zone humide comprend encore un certain nombre de jeunes peupliers. La zone s'étend le long de la Hédrée sur une longueur d'environ 600 m. Le ruisseau de Trinchevau rejoint la Hédrée en coupant transversalement la parcelle. Jadis, cette partie de la vallée était occupée par de vastes prairies humides de fauche dont il ne subsiste plus que quelques fragments.
La nappe phréatique n'est située qu'à quelques dizaines de cm de la surface du sol. Au cours de l'année, une grande proportion de la surface est d'ailleurs très souvent marécageuse.
La mégaphorbiaie à reine-des-prés (Filipendula ulmaria) est l'habitat dont la surface est la plus importante; le peuplement est d'ailleurs par endroit pratiquement monospécifique. Une certaine eutrophisation se marque à certains endroits, notamment en périphérie du Bois de Sauvage, mais reste globalement assez limitée; elle est due, au moins en partie, à l'ancienne plantation de peupliers. La mégaphorbiaie est de plus colonisée naturellement çà et là notamment par l'aulne glutineux (Alnus glutinosa) et quelques autres essences dont le frêne commun (Fraxinus excelsior), le charme (Carpinus betulus), l'érable sycomore (Acer pseudoplatanus), le prunellier (Prunus spinosa), le chêne pédonculé (Quercus robur), la viorne obier (Viburnum opulus). La liste suivante donne une idée de la diversité floristique de l'habitat: podagraire (Aegopodium podagraria), angélique sauvage (Angelica sylvestris), bugle rampant (Ajuga reptans), grande bardane (Arctium lappa), cirse des marais (Cirsium palustre), dryoptéris des chartreux (Dryopteris carthusiana), épilobe hérissé (Epilobium hirsutum), épilobe des marais (E. palustre), épilobe à tige carrée (E. tetragonum), eupatoire chanvrine (Eupatorium cannabinum), reine-des-prés (Filipendula ulmaria), galéopsis tétrahit (Galeopsis tetrahit), gaillet gratteron (Galium aparine), caille-lait blanc (G. mollugo), gaillet des marais (G. palustre), balsamine des bois (Impatiens noli-tangere), iris jaune (Iris pseudacorus), lotier des fanges (Lotus pedunculatus), lycope (Lycopus europaeus), lysimaque nummulaire (Lysimachia nummularia), lysimaque commune (L. vulgaris), menthe aquatique (Mentha aquatica), myosotis des marais (Myosotis scorpioides), céraiste aquatique (Myosoton aquaticum), baldingère (Phalaris arundinacea), scrofulaire noueuse (Scrophularia nodosa), morelle douce-amère (Solanum dulcamara), épiaire des marais (Stachys palustris), grande ortie (Urtica dioica), valériane officinale à rejets (Valeriana officinalis), ...
La mégaphorbiaie fait place par endroit à des lambeaux de prairie humide, avec des zones de transition jamais très nettes. On y trouve les espèces suivantes: vulpin des prés (Alopecurus pratensis), cardamine des prés (Cardamine pratensis), laîche hérissée (Carex hirta), laîche pâle (C. pallescens), céraiste commun (Cerastium fontanum), colchique d'automne (Colchicum autumnale), gaillet croisette (Cruciata laevipes), dactyle commun (Dactylis glomerata), fétuque rouge (Festuca rubra), canche cespiteuse (Deschampsia cespitosa), berce commune (Heracleum sphondylium), houlque laineuse (Holcus lanatus), millepertuis anguleux (Hypericum dubium), millepertuis hérissé (H. hirsutum), jonc aggloméré (Juncus conglomeratus), grande marguerite (Leucanthemum vulgare), lychnis fleur-de-coucou (Lychnis flos-cuculi), bistorte (Persicaria bistorta), pâturin commun (Poa trivialis), primevère élevée (Primula elatior), renoncule rampante (Ranunculus repens), patience crépue (Rumex crispus), patience à feuilles obtuses (R. obtusifolius), compagnon rouge (Silene dioica), stellaire graminée (Stellaria graminea), consoude officinale (Symphytum officinale), véronique petit chêne (Veronica chamaedrys)...
Aux endroits les plus mouilleux, des espèces plus hygrophiles forment de petites zones de bas-marais: populage des marais (Caltha palustris), jonc épars (Juncus effusus), renoncule flammette (Ranunculus flammula), scirpe des bois (Scirpus sylvaticus), ...
Plusieurs petits plans d'eau libre sont en place dans les dépressions. Certains subsistent toute l'année. Par ailleurs, le ruisseau de Trinchevau traverse le site dans sa largeur; il est associé à un habitat d'eau courante. Quelques hélophytes ou hydrophytes sont visibles, entre autres le plantain d'eau commun (Alisma plantago-aquatica), la fougère femelle (Athyrium filix-femina), une callitriche (Callitriche sp.), la massette à larges feuilles (Typha latifolia), la véronique des ruisseaux (Veronica beccabunga),...
Les données faunistiques relatives à ce secteur sont encore fragmentaires. Quelques rhopalocères ont été notés, en particulier la grande violette (Brenthis ino) et le damier noir (Melitaea diamina), deux espèces d'ailleurs très typiques de la mégaphorbiaie puisque la chenille de la première se développe sur la reine-des-prés et celle de la seconde sur les valérianes. Les autres sont des espèces banales et omniprésentes: myrtil (Maniola jurtina), piéride du navet (Pieris napi), vulcain (Vanessa atalanta), belle-dame (V. cardui).
Le long du ruisseau et dans les zones humides sont visibles quelques odonates comme le caloptéryx vierge (Calopteryx virgo) et l'agrion jouvencelle (Coenagrion puella). On relève également la présence de la rousserolle verderolle (Acrocephalus palustris).
Zones forestières
La forêt occupe environ 9,2 ha du périmètre, soit les 2/3 nord de la réserve naturelle.
Sur les pentes du Couvinien apparaît un ancien taillis sous futaie de la chênaie-charmaie. Le chêne sessile (Quercus petraea) semble y être le mieux représenté, notamment sur les sols les plus secs. La présence à un endroit précis de quelques hêtres (Fagus sylvatica) accompagnés notamment de l'anémone sylvie (Anemone nemorosa) et de l'aspérule odorante (Galium odoratum), révèle des potentialités, au moins à certains endroits, de hêtraie mésophile (Asperulo-Fagetum). Les semis d'érable sycomore (Acer pseudoplatanus) et de chênes (Quercus petraea, Q. robur) sont par endroit très abondants.
Dans les strates arborescentes et arbustives, l'érable sycomore et le frêne commun (Fraxinus excelsior) ne sont pas rares. Le calcaire est trahi par la présence de l'érable champêtre (Acer campestre) et du lierre (Hedera helix). Parmi les espèces herbacées relevées, sont à signaler: l'anémone sylvie (Anemone nemorosa), le gouet tacheté (Arum maculatum), la laîche à pilules (Carex pilulifera), l'aspérule odorante (Galium odoratum), la laîche des bois (Carex sylvatica), le muguet (Convallaria majalis), la canche cespiteuse (Deschampsia cespitosa), le millet des bois (Milium effusum), la jonquille (Narcissus pseudonarcissus), la parisette (Paris quadrifolia), le sceau de Salomon commun (Polygonatum multiflorum)... Les quelques espèces recensées indiquent donc clairement la présence d'une végétation à tendance acidocline à neutrocline. Les espèces d'humus doux se concentrent sur certains placages limoneux ou sur les colluvions de bas de pente.
Du point de vue faunistique, signalons un ancien terrier de blaireau (Meles meles) et la présence au moins du pouillot siffleur (Phylloscopus sibilatrix), du pic épeiche (Dendrocopos major), de la sittelle torchepot (Sitta europaea) et de la grive musicienne (Turdus philomelos).
La chênaie-charmaie se prolonge au sud-ouest de l'ancienne carrière, mais montre une composition nettement plus diversifiée. Le chêne sessile est en effet moins à sa place dans cette partie de la zone alluviale. Le sol est beaucoup plus riche ; la fraîcheur y est plus perceptible. Cette forêt fait suite vers l'ouest à un bois de résineux mixte située juste au sud de l'ancienne carrière: mélèze d'Europe (Larix decidua) et épicéa commun (Picea abies) se mêlant à l'érable sycomore (Acer pseudoplatanus), au charme (Carpinus betulus), au chêne pédonculé (Quercus robur), au hêtre (Fagus sylvatica), etc.
Le tapis herbacé est extrêmement riche et comprend de nombreuses espèces d'humus doux. La hêtraie mésophile est plus que certainement la forêt naturelle à cet endroit! L'abondance particulière du pâturin montagnard (Poa chaixii), absent sur la pente forestière au nord, traduit un sol frais assez riche en bases et en éléments nutritifs (mull mésotrophe) à pH neutre à légèrement acide, à l'instar de la plupart des espèces de la zone. Le relevé, non exhaustif, comporte les espèces suivantes: érable champêtre (Acer campestre), érable plane (Acer platanoides), érable sycomore (A. pseudoplatanus), gouet tacheté (Arum maculatum), brachypode des bois (Brachypodium sylvaticum), laîche des bois (Carex sylvatica), charme (Carpinus betulus), noisetier (Corylus avellana), aubépine à deux styles (Crataegus laevigata), aubépine à un style (C. monogyna), canche cespiteuse (Deschampsia cespitosa), fougère mâle (Dryopteris filix-mas), euphorbe des bois (Euphorbia amygdaloides), hêtre (Fagus sylvatica), aspérule odorante (Galium odoratum), benoîte commune (Geum urbanum), lierre (Hedera helix), lamier jaune (Lamium galeobdolon subsp. montanum), mélique uniflore (Melica uniflora), millet des bois (Milium effusum), surelle (Oxalis acetosella), parisette (Paris quadrifolia), bistorte (Persicaria bistorta), raiponce en épi (Phyteuma spicatum), sceau de Salomon commun (Polygonatum multiflorum), primevère élevée (Primula elatior), chêne pédonculé (Quercus robur), rosier des champs (Rosa arvensis), sanicle (Sanicula europaea), séneçon de Fuchs (Senecio ovatus), épiaire des bois (Stachys sylvatica), viorne obier (Viburnum opulus)... Quelques épicéas sont concentrés dans la pointe ouest de la zone. De nombreux semis d'érables, de noisetier, de charme, de chêne, de hêtre et de chênes sont notés.
Quelques parcelles d'épicéas (Picea abies) ou de peuplements mixtes sont notées, pour une surface totale d'environ 0,75 ha.
Le ruisseau de Trinchevau longe une petite zone alluviale forestière claire assez eutrophe (environ 0,1 ha) où les espèces suivantes ont été notées: érable plane (Acer platanoides), podagraire (Aegopodium podagraria), aulne glutineux (Alnus glutinosa), anémone sylvie (Anemone nemorosa), gouet tacheté (Arum maculatum), circée de Paris (Circaea lutetiana), noisetier (Corylus avellana), canche cespiteuse (Deschampsia cespitosa), fougère mâle (Dryoptyeris filix-mas), reine-des-prés (Filipendula ulmaria), frêne commun (Fraxinus excelsior), gaillet gratteron (Galium aparine), lierre terrestre (Glechoma hederacea), berce commune (Heracleum sphondylium), lamier jaune (Lamium galeobdolon subsp. montanum), millet des bois (Milium effusum), bistorte (Persicaria bistorta), primevère élevée (Primula elatior), séneçon de Fuchs (Senecio ovatus), épiaire des bois (Stachys sylvatica), grande ortie (Urtica dioica)...
A noter que la limite de la mégaphorbiaie correspond à la rive droite de la Hédrée. Une belle galerie rivulaire d'aulne glutineux (Alnus glutinosa) est en place.
Ancienne carrière
Une ancienne carrière de schiste se trouve le long du chemin d'accès, au niveau de la zone de transition entre la mégaphorbiaie et la pente forestière. Elle a conservé un aspect ouvert.
La friche herbacée rassemble des espèces classiques et diversifiées: bugle rampant (Ajuga reptans), alchémille vert jaunâtre (Alchemilla xanthochlora), angélique sauvage (Angelica sylvestris), fromental (Arrhenatherum elatius), pâquerette (Bellis perennis), brachypode des bois (Brachypodium sylvaticum), brome mou (Bromus hordeaceus), brome stérile (B. sterilis), campanule fausse raiponce (Campanula rapunculoides), laîche vert jaunâtre (Carex demissa), laîche glauque (C. flacca), laîche pâle (C. pallescens), laîche des bois (C. sylvatica), céraiste commun (Cerastium fontanum), cirse des marais (Cirsium palustre), liseron des champs (Convolvulus arvensis), genêt à balais commun (Cytisus scoparius), dactyle commun (Dactylis glomerata), carotte (Daucus carota), canche cespiteuse (Deschampsia cespitosa), vipérine (Echium vulgare), eupatoire chanvrine (Eupatorium cannabinum), reine-des-prés (Filipendula ulmaria), fraisier sauvage (Fragaria vesca), caille-lait blanc (Galium mollugo), géranium découpé (Geranium dissectum), géranium des Pyrénées (G. pyrenaicum), géranium herbe à Robert (G. robertianum), houlque laineuse (Holcus lanatus), millepertuis hérissé (Hypericum hirsutum), porcelle enracinée (Hypochaeris radicata), grande marguerite (Leucanthemum vulgare), lotier corniculé (Lotus corniculatus), lychnis fleur-de-coucou (Lychnis flos-cuculi), lycope (Lycopus europaeus), lysimaque des bois (Lysimachia nemorum), myosotis des champs (Myosotis arvensis), origan (Origanum vulgare), picris fausse épervière (Picris hieracioides), plantain lancéolé (Plantago lanceolata), pâturin des bois (Poa nemoralis), polygala vulgaire (Polygala vulgaris), potentille rampante (Potentilla reptans), brunelle commune (Prunella vulgaris), renoncule âcre (Ranunculus acris), renoncule rampante (R. repens), patience crépue (Rumex crispus), scrofulaire noueuse (Scrophularia nodosa), séneçon à feuilles de roquette (Senecio erucifolius), séneçon jacobée (Senecio jacobaea), petit trèfle jaune (Trifolium dubium), trèfle intermédiaire (T. medium), trèfle des prés (T. pratense), tussilage (Tussilago farfara), véronique à feuilles de serpolet (Veronica serpyllifolia), vesce à folioles étroites (Vicia sativa subsp. nigra), etc.
Le lézard vivipare (Zootoca vivipara) est présent, de même que quelques rhopalocères observés lors de nos visites: aurore (Anthocharis cardamines), grande violette (Brenthis ino), myrtil (Maniola jurtina), azuré commun (Polyommatus icarus).
En dehors du périmètre de la réserve naturelle, en particulier le secteur nord du bois au niveau des coupes forestières, les données biologiques disponibles font état de la présence de diverses espèces intéressantes, notamment parmi les papillons diurnes: grand collier argenté (Boloria euphrosyne), gazé (Aporia crataegi), hespérie de la mauve (Pyrgus malvae), demi-deuil (Melanargia galathea), demi-argus (Cyaniris semiargus), thécla de la ronce (Callophrys rubi), etc. Du point de vue ornithologique, on ajoutera des mentions plus ou moins récentes de pie-grièche écorcheur (Lanius collurio) et de cigogne noire (Ciconia nigra) durant la période de nidification. De plus, outre la présence du lézard vivipare, le Bois de Sauvage dans son ensemble accueille une herpétofaune digne d'intérêt comprenant entre autres l'alyte (Alytes obstetricans) qui se reproduit dans les ornières mais aussi la salamandre tachetée (Salamandra salamandra).