L'ancien bras-mort du Hemlot a attiré l'attention de divers botanistes depuis la fin du 19ème siècle et leurs comptes-rendus successifs illustrent l'évolution de la flore et la végétation locales, fortement influencée par l'artificialisation de l'écosystème mosan (rectification du fleuve, urbanisation de la plaine alluviale, pollutions chimiques et organiques, etc.), surtout depuis le début du 20ème siècle.
Voici par exemple ce qu'écrivait MONOYER (in DAMBLON et al., 1940) : «A Hermalle-sous-Argenteau, une eau courante, le Hemlot alimenté par la Meuse, abrite une végétation de composition différente de celles des mares voisines: on y trouve notamment Potamogeton perfoliatus forme cordato-lanceolatus et P. pectinatus forme interruptus. En outre: Ranunculus fluitans, R. aquatilis, Nuphar lutea, Ceratophyllum demersum, Limnanthemum nymphoides, Typha latifolia, Sagittaria sagittifolia, Alisma plantago-aquatica, Hydrocharis morsus-ranae, Iris pseudoacorus, Elodea canadensis, Potamogeton natans. Dans les endroits les plus profonds du Hemlot, on peut voir flotter de longs rubans souples et verdâtres, de plus d'un mètre de long: ce sont les feuilles submergées du Scirpus lacustris, ici souvent stérile.»
L'auteur précise, en note infrapaginale, que le Potamogeton perfoliatus forme cordato-lanceolatus était très abondant quinze ans auparavant dans tout le Hemlot, côté amont, avant l'établissement d'un bassin de natation à cet endroit; l'espèce ne subsistait dès lors plus que par quelques touffes dans la partie aval.
Le compte-rendu d'excursion de la Société botanique de Liège (SEPULCHRE, 1943) fournit aussi une image du paysage végétal en place durant la première moitié du 20ème siècle. Comparé aux relevés ultérieurs, il témoigne d'une certaine stabilité dans la végétation de la noue jusque dans les années 1990. Le site connaît cependant un appauvrissement floristique certain avec la régression, voire la disparition de divers hélophytes et hydrophytes dont Schoenoplectus lacustris, Bolboschaenus maritimus s.l., Butomus umbellatus, Nymphoides peltata, Hydrocharis morsus-ranae, Potamogeton natans, P. pectinatus. Ce recul est un phénomène général dans la vallée de la Meuse à cause de la rectification de son cours et l'industrialisation de sa plaine alluviale. Dans le cas présent, il ne peut être imputé au batillage (comme c'est souvent évoqué pour la Meuse), ni au niveau trop élevé de l'eau, mais sans doute à la dégradation générale de la qualité des eaux de surface.
Plus récemment, la description des groupements végétaux réalisée par J. Saintenoy-Simon et coll. témoigne de la situation au début des années 1990 :
* dans l'eau poussent Nuphar lutea, Lemna minor, Spirodela polyrhiza, Ceratophyllum demersum, cette dernière espèce en extraordinaire abondance.
* une portion de la berge occidentale est boisée, sans doute à l'endroit d'un ancien parc comme le laisse supposer la présence d'espèces ornementales comme le saule pleureur. La berge orientale est occupée par une pelouse et une prairie anthropisées pâturées par oies et canards, des jardins, un talus couvert de végétation, etc.
* la berge boisée rassemble Robinia pseudoacacia, Acer pseudoplatanus, Tilia platyphyllos, Ulmus gr. minor, Quercus rubra, Fraxinus excelsior, Corylus avellana, Ribes rubrum, Rubus sp., Humulus lupulus, sur une strate herbacée formée de Aegopodium podagraria, Alliaria petiolata, Stachys sylvatica, Calystegia sepium, Hedera helix, Urtica dioica, etc.
* ailleurs, on observe une végétation exubérante, formée de hautes herbes. On distingue à côté d'une roselière à Glyceria maxima bien développée, des groupements plus ou moins fragmentaires comme :
- une roselière à Sagittaria sagittifolia;
- une roselière amphibie à Rorippa amphibia;
- un groupement fontinal à Veronica beccabunga;
- une roselière à Acorus calamus;
- une roselière à Sparganium erectum;
- une roselière à Rumex hydrolapathum;
- une roselière à Typha latifolia;
- une roselière à Phalaris arundinacea;
- un groupement à Scirpus sylvaticus;
- un Bidention à Bidens frondosa, B. tripartita, Persicaria hydropiper, P. lapathifolium, Atriplex patula;
- une mégaphorbiaie à Lythrum salicaria, Solanum dulcamara, Eupatorium cannabinum, Symphytum cf. asperum, Epilobium hirsutum, Juncus effusus, Valeriana repens, Scrophularia auriculata, Rumex conglomeratus, Pulicaria dysenterica, Myosoton aquaticum, Stachys palustris, Lycopus europaeus, Carduus crispus,...
- des friches nitrophiles à Tanacetum vulgare, Artemisia vulgaris, Urtica dioica (parasitée par Cuscuta europaea) et diverses plantes exotiques comme Impatiens glandulifera, Fallopia japonica, Galinsoga quadriradiata,...;
- une cariçaie à Carex acuta et C. acutiformis;
- une arrhénathéraie;
- un début de recolonisation forestière par Salix cinerea, S. viminalis, S. caprea, Sambucus nigra, Crataegus monogyna, etc.
* les abords du Hemlot hébergent plusieurs espèces caractéristiques des grandes vallées comme Lamium maculatum, Euphorbia esula subsp. esula, Cuscuta europaea, déjà citée.
* au sud de la noue, sur une digue très rudérale, quelques espèces naturalisées sont présentes: Senecio inaequidens, Securigera varia, Diplotaxis tenuifolia,...
En 2008, un état des lieux est réalisé par une équipe pluridisciplinaire de l'Université de Liège (Unité de Biologie du Comportement et Laboratoire d'Hydrographie et de Géomorphologie fluviatile), dans le cadre de la convention RW-ULG «projet Hemlot» (2008-2009).
Cette évaluation a montré que la plupart des communautés végétales relevées par J. Saintenoy-Simon et coll. au début des années 1990 sont toujours présentes au Hemlot mais sous forme très fragmentée. En revanche, certaines espèces comme Nymphoides peltata, Hydrocharis morsus-ranae et d'autres espèces typiques des eaux oxygénées et des groupes de fontaine, dont Oenanthe aquatica et Veronica beccabunga, n'ont pas été retrouvées.
Cette importante synthèse distingue trois parties: A) le Hemlot amont, B) le Hemlot central et C) le Hemlot aval.
A) le Hemlot amont
Dans le plan d'eau, la colonisation par les nénuphars est maximale, la profondeur d'eau minimale, les dépôts de sédiments fins observés sur les feuilles de nénuphars en croissance au printemps près de l'ouverture amont vers la Meuse suggèrent soit un apport de sédiment par l'eau de la Meuse, soit un remue-ménage régulier de la vase par les poissons de grande taille (tanche, carpe) qui abondent dans cette partie du Hemlot.
La profondeur d'eau libre augmente vers l'aval et est maximale à l'emplacement de l'ancienne piscine, qui se signale par des parois lisses en dalles de béton, disposées verticalement et légèrement en oblique vers l'extérieur. A ce niveau, quelques plantes aquatiques sont présentes ponctuellement le long de la rive gauche, là où la profondeur d'eau est relativement moindre. Le fond y est davantage encombré de feuilles en décomposition.
La rive gauche (ouest), en pente, est en grande partie boisée. Elle n'est suivie d'aucun sentier ce qui explique son caractère sauvage et préservé. Des ronces se développent dans les trouées.
La rive droite est abrupte et le niveau d'eau y est abaissé d'au moins 70 cm par rapport au chemin qui la longe. Ce chemin est périodiquement fauché au plus près de l'eau. Trois petites touffes de sagittaires sont présentes dans l'eau le long de cette rive.
B) le Hemlot central
Cette portion se présente comme un plan d'eau allongé, large au milieu et se rétrécissant aux deux extrémités. La profondeur varie selon les endroits : il existe notamment une zone de très haut fond solide dans la partie proche du chenal de communication avec le Hemlot amont, et des zones plus profondes dans la portion en face de la terrasse de pêche surplombant l'eau, indiquées par les taches d'eau libre moins propice aux nénuphars.
Les rives du plan d'eau sont bordées de plantes hygrophiles et de talus humides ainsi que de quelques buissons de saules. Le cordon de végétation rivulaire est toutefois extrêmement mince, du fait d'un fauchage régulier qui atteint quasiment la rive, excepté dans le terre-plein humide du fond sud où subsiste une végétation de type mégaphorbiaie bien développée. Les cératophylles et les nénuphars abondent surtout dans la partie ensoleillée du plan d'eau, évitant clairement les abords ombragés. La végétation de la rive droite, davantage fauchée et fréquentée, est moins représentative et moins bien conservée que sur la rive gauche.
C) le Hemlot aval
Le Hemlot aval est riche en plantes submergées (Ceratophyllum demersum) et flottantes (Nuphar lutea, Lemna minor et Spirodela polyrhiza). La couverture de lentilles d'eau y est particulièrement abondante en été, nappant totalement la surface, ce qui nuit à terme au cératophylle et autres plantes aquatiques. Un chenal plus profond sans plante est maintenu par le va et vient de l'eau au niveau de la communication avec la Meuse.
L'abondance des lentilles témoigne d'une teneur élevée en sels et surtout en nitrates de la masse d'eau, ce qui est logique puisque cette partie terminale du Hemlot concentre tous les effluents enrichis déversés par les maisons riveraines, mais aussi excrétés par les poissons ou apportés par les granulés d'amorce jetés par tonnes par les pêcheurs de carpes.
En résumé, les habitats identifiés selon la typologie Waleunis sont les suivants :
- Lacs eutrophes naturels avec végétation du Magnopotamion ou de l'Hydrocharition, avec comme espèce dominante visible Nuphar lutea.
- Mégaphorbiaies hydrophiles d'ourlets planitiaires et des étages montagnards à alpins du Convolvulion, Filipendulion et Aegopodion, confinées sur une très petite surface à l'amont du bassin central, en bordure d'une zone récréative, entre les deux bassins.
- Frênaies-ormaies des cours d'eau lents à Quercus robur, Ulmus minor ou Fraxinus excelsior, riveraines des grands fleuves, couvrant le talus du fond et de la rive gauche du Hemlot amont.
- Saulaie blanche médio-européenne, présente dans le périmètre Natura 2000, entre le bassin amont du Hemlot et la Meuse abrite une forte population de renouées asiatiques. Ce bois correspond en réalité à une saulaie pionnière qui s'est développée sur des dépôts de vases issues du curage du bras-mort en 1973.
- Forêts mixtes riveraines des grands fleuves, représentées sous forme de cordon rivulaire dans la portion amont du Hemlot (au niveau de la «piscine»).
S'ajoute la prairie de fauche occupant l'espace entre le bassin central et la Meuse intégrée au périmètre Natura 2000 mais considérée comme de faible intérêt biologique selon les auteurs de l'étude.
Lors d'une visite en septembre 2016, la présence d'une petite phragmitaie (Phragmites australis) est notée sur une petite avancée de la berge ouest du bassin central, boisée à cet endroit. Ce groupement, certes très fragmentaire, n'est pas mentionné dans les relevés précédents. A cet endroit poussent aussi Myosotis scorpioides, Stachys palustris ainsi que Bidens cernua, une autre plante assez rare en Basse Meuse et apparemment non signalée précédemment.
Sur la rive opposée, où se maintient sur une cinquantaine de mètres une frange de cariçaie à Carex acuta et de mégaphorbiaie assez riche en espèces, évolue également Leersia oryzoides, une graminée à floraison tardive (août-septembre) signalée jadis en plusieurs stations de la Meuse liégeoise mais quasiment disparue à l'heure actuelle. Cette plante a également été observée à la pointe nord du Hemlot en octobre 2024. Elle semble donc se maintenir sur le site même si sa présence est de toute évidence très localisée.
Ce même mois d'octobre 2024, on a aussi assisté au développement massif d'une petite fougère flottante, Azolla filiculoides, espèce d'origine américaine cultivée dans les jardins botaniques dès le 19ème siècle avant de s'en échapper et de coloniser les eaux riches en matières organiques d'une grande partie de l'Europe.
Les abords de la noue sont par ailleurs de plus en plus envahis par des plantes exotiques, dont une vingtaine d'espèces ont été identifiées à ce jour.
L'intérêt faunistique de la noue du Hemlot a été bien documenté dans le rapport final de la convention RW-ULG «projet Hemlot» (2008-2009), tout au moins pour le volet vertébrés.
En résumé, on peut retenir les points suivants:
- pour les mammifères, les observations recueillies en 2008 sont maigres et sans doute non significatives.
L'utilisation d'un détecteur hétérodyne Petterson D200 en fin août le long de la noue sous des conditions climatiques favorables, n'a permis d'identifier que deux espèces de chauves-souris: une noctule (Nyctalus sp.) et la pipistrelle commune (Pipistrellus pipistrellus).
Aucun indice de présence du ragondin, du rat musqué et du castor n'a pu être relevé.
- pour les oiseaux, les inventaires printemps-été 2008 mettent en évidence une avifaune nidificatrice relativement pauvre en regard des potentialités du site. Cette situation est clairement liée à la présence humaine (promeneurs, chiens et chats errants, et pêcheurs), à une gestion trop intensive des abords de la noue (fauche jusqu'aux rives, e.a.), et à l'étroitesse du plan d'eau. De ce point de vue, la partie sud bénéficie davantage de tranquillité en raison de l'absence de sentier sur la rive ouest.
Sept espèces d'oiseaux d'eau ont niché sur le site, toujours en petit nombre: canard colvert (Anas platyrhynchos), cygne tuberculé (Cygnus olor), gallinule poule d'eau (Gallinula chloropus), foulque macroule (Fulica atra), bernache du Canada (Branta canadensis), ouette d'Egypte (Alopochen aegyptiaca) et martin-pêcheur d'Europe (Alcedo atthis). Bien que souvent aperçu, ce dernier doit être considéré comme nicheur occasionnel en l'absence de preuves annuelles.
D'autres espèces non reproductrices fréquentent l'endroit toute l'année à la recherche de nourriture, c'est le cas de piscivores comme le héron cendré (Ardea cinerea) et le grand cormoran (Phalacrocorax carbo).
Aucune espèce de passereau typique des roselières (comme le bruant des roseaux et les rousserolles) n'a été recensée.
Les abords boisés du Hemlot hébergent une quinzaine d'autres espèces pour la plupart banales et non liées au milieu aquatique.
- pour les poissons, les inventaires par observation directe et pêche électrique révèlent la présence d'au moins 11 espèces. Les alevins se comptent en milliers pendant les mois d'été, confirmant la valeur de frayère du site qui est également attestée par les pontes et comportements de frai observés au printemps. Ceux-ci ont permis d'observer de gros individus de brèmes, tanches, carpes, gardons et rotengles, difficilement détectable en temps normal.
Deux autres espèces sont réputées présentes dans le Hemlot, d'après des observations ou captures plus ou moins récentes par des pêcheurs, mais n'ont pas été notées en 2008: il s'agit de la bouvière (Rhodeus sericeus amarus), espèce Natura 2000, et du brochet (Esox lucius).
D'autres espèces de poissons encore sont susceptibles de pénétrer dans le Hemlot via le chenal de Meuse à la sortie du pertuis comme le silure glane (Silurus glanis) et l'anguille (Anguilla anguilla).
Plusieurs poissons intéressant les pêcheurs à la ligne, dont le brochet, le gardon et la carpe, font l'objet de rempoissonnements périodiques. Ceux-ci sont un canal d'introduction d'espèces exotiques telles que la perche soleil (Lepomis gibbosus) et l'aspe (Aspius aspius).
- pour les reptiles, aucune espèce indigène n'a été repérée durant l'étude, pas même un orvet. En revanche, la tortue de Floride (Trachemys scripta) a été observée en plusieurs points et sa reproduction semble y être effective. Cette présence trouve sans doute son origine dans l'abandon sur place d'individus d'élevage devenus trop encombrants...
- pour les amphibiens, 5 espèces sont recensées, à savoir le crapaud commun (Bufo bufo), la grenouille verte (Pelophylax kl. esculentus), la grenouille rieuse (Pelophylax ridibundus), le triton alpestre (Ichthyosaura alpestris) et le triton ponctué (Lissotriton vulgaris).
- pour les libellules, seul groupe d'invertébrés inventorié de façon exhaustive durant la campagne ULG 2008, le bilan est de 11 espèces recensées, la plupart répandues et typiques des eaux stagnantes ou faiblement courantes riches en plantes aquatiques.
- pour les autres invertébrés aquatiques, l'étude mentionne seulement 5 espèces d'hémiptères (Ilyocoris cimicoides, Nepa cinerea, Notonecta viridis, Sigara distincta et Aquarius paludum) et l'écrevisse américaine (Orconectes limosus).
Les auteurs de l'étude précisent encore que les invertébrés aquatiques sont globalement apparus peu abondants et peu diversifiés, probablement en raison d'une pression de prédation importante (poissons, amphibiens, etc.), d'une pollution généralisée des eaux et d'un faible taux d'oxygène dissous.