Le ruisseau des Fonds de Ry (ou Ri de Matignolle) est l'un des rares affluents de la rive gauche du Viroin et se forme, peu après le camping de Matignolle, par la réunion de trois ruisselets qui prennent leur source sur le plateau de la Calestienne, à une altitude de 220 à 230 m. Leur physionomie a été décrite par Martin (1984).
Le ruisseau de Saint-Hilaire, l'affluent principal, se développe sur une longueur maximale de 1750 m avec un cours permanent de 1150 m. Sa vitesse est généralement très lente et le débit faible mais variable (de l'ordre de 3 l/s en été et de 23 l/s en fin d'hiver). Sa largeur à l'embouchure ne dépasse pas 90 cm pour une profondeur moyenne de 9,5 cm. La pente est d'environ 16 %
Le ruisseau de la Fontaine du Bouc est plus long que le précédent: 2350 m, mais sa partie permanente est seulement de 740 m. Sa physionomie est semblable au ruisseau de Saint-Hilaire mais il est moins large (26 cm près de son embouchure) et moins profond (6 cm en moyenne).
Le ruisseau de la Fontaine du Roy a une longueur totale de 1200 m mais n'est permanent qu'à partir du camping (soit 380 m). La physionomie n'est guère différente des autres affluents sauf la pente qui est plus importante (27 % en moyenne).
Au nord du hameau de Matignolle, ces trois ruisselets traversent les schistes frasniens pour franchir ensuite les calcaires givetien et couvinien.
Le ruisseau des Fonds de Ry a une longueur de 3450 m avec une pente moyenne de 20 %. Il conflue avec le Viroin à Treignes, à côté de l'ancien moulin banal. Il coule d'abord dans un large vallon formé de schistes frasniens, puis il s'enfonce profondément dans les assises calcaires du Givétien et du Couvinien et forme une vallée encaissée limitée par des falaises calcaires. Aux abords de Treignes, le vallon s'évase progressivement jusqu'au confluent.
A partir du bois de Matignolle, des formations de tuf calcaire apparaissent dans le ruisseau en y formant de minuscules barrages. Ce tuf est également bien visible sur les pierres, les débris de bois, les racines des arbres... Cette précipitation favorisée par la dureté de l'eau est provoquée par l'action conjuguée de l'algue Phormidium incrustatum et de la mousse Fissidens crassipes.
Un très important tuf fossile formé à l'Holocène comble en partie le fond de la vallée sous forme de trois replats successifs dans lesquels le ruisseau des Fonds de Ry a creusé son cours. D'après MULLENDERS et al. (1963), on peut distinguer les niveaux suivants :
a) le premier replat, à la sortie du bois de Matignolle, forme une terrasse longue de plus de 300 m, à l'altitude 160-170 m, sur la rive gauche du ruisseau qu'il domine de 4 m.
b) Le deuxième commence aux environs du gué et se termine un peu en aval de l'ancien moulin en ruine (moulin de Ry); avec une altitude moyenne de 150 m, ce deuxième replat, long de près de 600 m, domine parfois le ruisseau de plus de 6 m.
c) Le troisième, de plus faible superficie, se trouve au confluent du Viroin et du ruisseau de Matignolle; il est surtout visible sur la rive gauche du ruisseau, en face de l'ancien moulin banal de Treignes.
Le très grand intérêt de ces formations est encore augmenté par la présence d'intercalations de tourbe qui ont permis de dater les dépôts avec précision.
Le ruisseau des Fonds de Ry est le siège d'une activité turfigène contemporaine qui est due, en particulier, à l'algue Phormidium incrustatum et à différents Bryophytes (Cratoneuron filicinum, Marchantia polymorpha, Pellia endiviifolia, Brachythecium rivulare, Fissidens minutulus,...). Il en résulte la formation de petits barrages de tuf calcaire engendrant une succession de cascatelles et de zones plus calmes. Il existe en outre un dépôt fossile consistant en trois terrasses qui correspondent en fait à des barrages de tuf calcaire inactifs. Ce dépôt, daté de l'époque Holocène, renferme également de l'argile, de la tourbe et du limon (cf. JANSSEN & SWENNEN, 1999).
Le vallon creusé par ce ruisseau, entre le camping de Matignolle et le village de Treignes, est en grande partie boisé.
Les plateaux sont occupés par des cultures, des prairies pâturées, et, en amont du camping, par une chênaie-charmaie, un fragment de hêtraie calcicole (bois de Matignolle) ainsi que par des pinèdes à Pinus nigra plus ou moins agées.
Les versants sont souvent abrupts et barrés d'éperons rocheux. Des érablières de ravin à Asplenium scolopendrium et Actaea spicata se développent aux expositions ombragées. Sur les flancs bien exposés évolue une forêt thermophile avec notamment Acer campestre, Cornus mas, Fraxinus excelsior, Sorbus torminalis. Les affleurements calcaires, en particulier ceux situés sur la bordure occidentale du bois de Matignolle, portent des pelouses ouvertes à Cardaminopsis arenosa subsp. borbasii, Allium sphaerocephalon, Arabidopsis thaliana, Hippocrepis comosa, Melica ciliata, Sesleria caerulea, etc. Dans l'ourlet prennent place Vincetoxicum hirundinaria, Rosa spinosissima, Polygonatum odoratum, etc.
La Roche aux Chevaux est coiffée, quand à elle, d'une magnifique population de Thlaspi montanum melée de Narcissus pseudonarcissus et de Polypodium interjectum.
Le fond de la vallée est occupé par une très belle forêt riveraine au sous-bois souvent exubérant. La strate arborescente est dominée par Fraxinus excelsior, Alnus glutinosa et Acer pseudoplatanus. Hedera helix y forme de vastes nappes grimpant très haut dans les arbres. La végétation au sol est constituée entre autre d'Anemone ranunculoides, Allium ursinum, Ajuga reptans, Urtica dioica, Ribes sp., Filipendula ulmaria, ainsi que par une abondante régénération d'A. pseudoplatanus.
Dans ses sections les plus calmes, le ruisseau héberge quelques peuplements de Berula erecta et de Nasturtium officinale. Un rideau d'Alnus glutinosa souligne le tracé du cours d'eau dans les prairies de fauche et les pâtures. En amont de la Roche aux Chevaux, la banquette alluviale est colonisée par de vastes peuplements d'Allium ursinum dans lesquels se dissimule discrètement Lathraea squamaria qui parasite abondamment Corylus avellana.
Plus aval, le ruisseau des Fonds de Ry est bordé de prairies pâturées et de vieux vergers de pommiers d'une grande valeur patrimoniale. Les arbres sont envahis par Viscum album et la strate herbacée est plus ou moins richement composée, en fonction de la situation et de l'exposition. Ainsi, le verger situé au pied des Rivelottes occupe une banquette de tuf fossile dont le versant exposé au sud porte une végétation calcicole (Brachypodium pinnatum, Centaurea scabiosa, Cirsium acaule, etc.) alors que le plateau accueille une prairie plus banale pâturée par des chevaux.
La vallée des Fonds de Ry s'inscrit dans un ensemble extrêmement intéressant, comprenant aussi :
- le bois de Matignolle, hêtraie et chênaie-charmaie calcicoles riches en orchidées.
- les coteaux des Rivelottes et du Mwène à Vaucelle, abritant les pelouses xériques parmi les plus intéressantes de la vallée du Viroin de même que des fragments de chênaie pubescente.
Plusieurs études ont été consacrées aux dépôts de travertin du ruisseau des Fonds de Ry.
D'après DUVIGNEAUD (1966), on peut dire que c'est durant le Boréal, l'Atlantique et le début du Subboréal, donc entre 6500 et 1200 avant J.-C., que ces dépôts de tourbe et de tuf ont eu lieu. Ils ont cessé lorsque la déforestation des plateaux et des versants de la vallée, due à l'activité des premiers défricheurs, a provoqué l'accumulation de sédiments limoneux dans le fond de la vallée.
D'après la carte du comte de Ferraris, le site était occupé au 18e siècle par des bois, landes, rochers, cultures et quelques rares prairies.