Le Thier des Carrières est une ancienne carrière ardennaise où l'exploitation de l'ardoise (Salmien supérieur, Cambrien) a occupé autrefois bon nombre de travailleurs. L'endroit se présente actuellement comme une imposante falaise au pied de laquelle subsistent des cônes d'éboulis de phyllades. Il s'agit d'un site d'intérêt exceptionnel pour la flore cryptogamique, plus particulièrement les mousses et les lichens qui comprennent diverses espèces rarissimes, parfois même uniques en Belgique. Plusieurs plantes vasculaires remarquables s'y rencontrent également, tandis que la faune s'avère riche et diversifiée.
Les éboulis et les zones rocheuses sont colonisés par des lichens crustacés et foliacés tels que Parmelia conspersa, Parmelia loxodes, Cladonia gracilis, Cornicularia muricata, et par les mousses Rhacomitrium lanuginosum et Grimmia montana (végétation initiale).
La lande pionnière, qui correspond à un début de stabilisation des pierriers, correspond à des pelouses ouvertes à Polytrichum piliferum, P. juniperinum et différents lichens, où Calluna vulgaris, Deschampsia flexuosa et Genista pilosa sont présents de manière éparse.
A cette formation succède la lande fermée dans laquelle les lichens et les mousses régressent et où Deschampsia flexuosa, Vaccinium myrtillus, Calluna vulgaris forment un couvert dense. Un début de colonisation ligneuse est assuré par de jeunes pins sylvestres, bouleaux, sorbiers, alouchiers, chênes pédonculés,... évoluant vers des boulaies claires ou des chênaies à bouleaux.
Intérêt floristique du Thier des Carrières
Plantes vasculaires:
L'espèce emblématique du Thier des Carrières est une fougère montagnarde, la crytogramme crispée (Cryptogramma crispa), dont c'est la seule station connue en Belgique. Autrefois très abondante sur les déblais de phyllades dans les endroits bien éclairés, l'espèce n'est plus représentée au sein de la réserve naturelle domaniale que par quelques rares touffes, victime de l'incendie de 1976 et du pillage de collectionneurs peu scrupuleux. Il subsiste néanmoins des pieds plus nombreux en dehors du périmètre de la réserve.
Deux autres espèces de fougère dignes d'intérêt sont aussi à noter: la doradille du nord (Asplenium septentrionale) sur les rochers ensoleillés et le phégoptéris faux-polypode (Phegopteris connectilis) poussant dans les endroits plus frais et ombragés.
Dans les landes sèches se rencontrent le lycopode en massue (Lycopodium clavatum), le genévrier (Juniperus communis), le genêt velu (Genista pilosa), la jasione des montagnes (Jasione montana), le genêt anglais (Genista anglica), tandis que dans les boisements clairs apparaît la petite pyrole (Pyrola minor).
En 2006, une importante station de la cotonnière des champs (Filago arvensis) comptant plus de 600 pieds a été découverte par A. Remacle dans le site, mais en dehors du périmètre de la réserve naturelle domaniale (REMACLE, 2009).
Bryophytes:
La bryoflore du Thier des Carrières a été inventoriée récemment par A. Sotiaux et ses collaborateurs, le 30 octobre 2013. Ils y ont noté une trentaine d'espèces: Tortula muralis, Grimmia pulvinata, Schistidium apocarpum, Brachythecium rutabulum, Calliergonella cuspidata, Hypnum cupressiforme, Rhytidiadelphus squarrosus, Pogonatum urnigerum, Philonotis fontana, Brachythecium albicans, Didymodon rigidulus, Racomitrium fasciculare, Racomitrium elongatum, Calliergonella lindbergii, Cephaloziella divaricata, Polytrichum piliferum, Pleurozium schreberi, Polytrichastrum formosum, Dicranum scoparium, Racomitrium lanuginosum, Pohlia nutans, Racomitrium heterostichum, Campylopus introflexus, Dicranoweisia cirrata, Pseudotaxiphyllum elegans, Orthotrichum affine, Pseudoscleropodium purum, Lophozia ventricosa, Polytrichum juniperinum, Diplophyllum albicans, Marsupella emarginata, Cynodontium bruntonii, Mielichhoferia mielichhoferiana, Ptilidium ciliare, Lophozia sudetica, Grimmia montana.
L'élément le plus remarquable est sans nul doute la mousse Mielichhoferia mielichhoferiana, dont la taille est aussi minime que son nom est long! Le Thier des Carrières constitue son unique station belge qui était déjà signalée dans les années 1960 (DEMARET et LAMBINON, 1969; De ZUTTERE, 1989).
D'autres bryophytes rares mentionnées précédemment comme Schistostega pennata, Buxbaumia aphylla, Andreaea rupestris, Grimmia montana, Marsupella sprucei, Lophozia sudetica, ... ont encore été notées le 29 mai 1989 par A. Sotiaux, à l'exception de Marsupella sprucei qui n'a jamais été revue après sa découverte déjà ancienne sur le site.
Lichens:
Etudiée par SERUSIAUX (1989, 1990), la flore lichénologique se révèle d'un intérêt exceptionnel du fait de l'existence d'espèces très rares liées aux roches siliceuses métallifères, tels que Acarospora sinopica, Lecanora epanora, Lecanora gisleriana, Lecanora handelii, Lecanora subaurea, Rhizocarpon furfurosum, Rhizocarpon oederi, ainsi que d'autres simplement silicicoles comme Clauzadeana macula (= instratula), Miriquidica (= Lecanora) intrudens, Lecanora sylvaenigrae, etc.
Faune du Thier des Carrières
Le peuplement faunistique du site présente de multiples intérêts.
L'existence de nombreuses galeries de mines et autres passages souterrains est propice à l'hibernation des chauves-souris. Les comptages effectués entre 2000 et 2010 ont permis d'établir la présence d'au moins 8 espèces, parmi lesquelles plusieurs présentent un intérêt communautaire. Selon J. Fairon (IRSNB), ce site constitue une zone d'hivernage actuelle et potentielle de toute première importance à l'échelle internationale.
Parmi une cinquantaine d'oiseaux nicheurs, on peut citer notamment le grand-duc d'Europe (Bubo bubo), qui s'est reproduit récemment sur la grande paroi schisteuse.
Plusieurs espèces de reptiles sont présentes sur le site: la couleuvre à collier (Natrix natrix), le lézard vivipare (Zootoca vivipara), l'orvet (Anguis fragilis) (GRAITSON, 2008) auxquelles s'ajoute la coronelle lisse (Coronella austriaca) observée plus récemment (obs. R. Thunus).
L'entomofaune est également très diversifiée, quoique encore peu étudiée de manière systématique. Les papillons de jour constituent le groupe le mieux connu, avec une trentaire d'espèces recensées au cours de la dernière décennie (données rassemblées par le Groupe de travail Lycaena). Parmi les espèces les plus intéressantes, le némusien (Lasiommata maera) est l'élément le plus caractéristique des pierriers et autres zones rocheuses du site.
Les hémiptères hétéroptères, inventoriés par S. Claerebout en 2010, rassemblent diverses espèces remarquables comme Elasmucha ferrugata, Aelia klugii, Horvathiolus superbus, Carpocoris fuscispinus, etc.