FRANKARD et GHIETTE (1999, légèrement modifié): La tourbière de Lorcé se trouve en province de Liège, sur le territoire de l'entité de Stoumont, ancienne commune de Lorcé. Elle est située de part et d'autre de l'autoroute E25 Liège-Bastogne, à 430 mètres d'altitude et est incluse dans un massif forestier nommé "Bois des Fagnes". Au nord-ouest s'étend la réserve naturelle domaniale des Fanges de Paradis.
D'après la carte d'ASSELBERGHS et GEUKENS (1960), le site est localisé sur Siegenien (étage actuellement appelé Praguien). La tourbière de Lorcé se trouve à peine à 5 ou 6 kilomètres au sud-est des premières bandes calcaires de la Famenne.
La tourbière de Lorcé est située sur la crête séparant la vallée du ruisseau du Pouhon, à l'est, de la vallée du ruisseau du Moulin de Bosson, à l'ouest. Cette tourbière s'est développée, comme beaucoup d'autres en Wallonie, sur un col. C'est ce que les allemands qualifient de tourbière de selle ("Sattelhochmoor"). Dans ce cas-ci, le col est très peu marqué. La tourbière se trouve juste entre deux petits sommets: l'un au sud, à 432,5 mètres d'altitude, et l'autre au nord, à 427,5 mètres d'altitude.
Sur la carte pédologique (159 W) sont indiquées quelques petites lentilles tourbeuses totalisant ± 1,5 hectare. L'autoroute E25 a été construite en plein milieu de ces zones tourbeuses. Actuellement, il en subsiste de petits lambeaux, d'une part à l'ouest de l'autoroute, dans la réserve naturelle, et d'autre part à l'est de l'autoroute, dans une pessière.
FRANKARD et GHIETTE (1999), dans un rapport non publié, ont décrit en détail la flore et la végétation de la tourbière de Lorcé.
La végétation potentielle des sols tourbeux varient en fonction de l'épaisseur de tourbe. Là où celle-ci n'excède pas 1 m d'épaisseur, la potentialité est la boulaie pubescente à sphaigne (Sphagno palustris-Betuletum pubescentis). Sur plus d'1 m de tourbe, la potentialité est la tourbière haute à sphaigne dépourvue d'arbres.
La végétation actuelle du site est essentiellement dominée par une pessière plantée en 1947. Au sein de la réserve naturelle, subsistent 3 fragments de tourbière haute à sphaignes relevant de la classe des Vaccinio oxycocci-Sphagnetea magellanici Br.-Bl. & Tx. 1943 et de l'ordre de l'Eriophoro vaginati-Sphagnetalia papillosi Tx. 1970, totalisant ± 9 ares de superficie. En plus de différentes espèces de sphaignes, telles Sphagnum papillosum, S. magellanicum, S. fallax, on y observe plusieurs plantes caractéristiques des tourbières hautes: Vaccinium oxycoccos, Erica tetralix, Drosera rotundifolia, Eriophorum vaginatum, Eriophorum angustifolium, Polytrichum strictum. Des semis naturels d'arbres, surtout de Pinus sylvestris, font leur apparition au sein de cette végétation de tourbière haute.
Le long de l'ancien chemin, subsiste un tout petit lambeau de jonchaie acutiflore, relevant du Juncetum acutiflori Br.-Bl. 1947, avec Juncus acutiflorus, Juncus squarrosus, Carex echinata, Molinia caerulea, Agrostis canina, Glyceria fluitans, Dryopteris carthusiana, Sphagnum fallax.
Malgré le couvert des épicéas, aux endroits les plus humides, il reste des peuplements de quelques plantes hygrophiles comme par exemple Juncus bulbosus, Carex echinata, Sphagnum palustre, S. russowii,... Dans les ornières du petit coupe-feu situé dans la partie nord de la réserve, on trouve également quelques sphaignes dont Sphagnum papillosum et S. fallax. En bordure de ce coupe-feu, et partiellement étouffé par les épicéas, subsiste un petit genévrier (Juniperus communis).
Le remblai de l'autoroute constitue un milieu privilégié pour les espèces pionnières des landes, des friches ou des coupes forestières sur sol acide. Il est couvert par des landes à Calluna vulgaris et Genista anglica, en cours de boisement par Pinus sylvestris, Betula pubescens et Sorbus aucuparia; des fragments de pelouses à Festuca filiformis, Galium saxatile, Veronica officinalis, ...; des plantes des lisières forestières: Hieracium lachenalii, H. laevigatum, Cytisus scoparius, ... On y observe également Lycopodium clavatum ainsi que Centaurium erythraea.
La flore de l'ensemble du site classé en réserve naturelle domaniale ainsi que le talus de l'autoroute contigu regroupe 54 espèces de phanérogames. Ce nombre d'espèces peu élevé est à mettre en relation avec l'exiguïté du site et la présence, dominante, de peuplements d'épicéas.
On note cependant la présence de cinq espèces protégées: Centaurium erythraea, Drosera rotundifolia, Erica tetralix, Juniperus communis et Lycopodium clavatum.
D'autres espèces végétales, assez rares en haute Ardenne, sont rares en Ardenne en dessous de 550 m d'altitude, c'est le cas de Vaccinium oxycoccos, Eriophorum vaginatum et Vaccinium uliginosum. D'autres, comme Centaurium erythraea ou Hieracium lachenalii, sont plutôt rares en Ardenne.
Par ailleurs, cinq espèces boréo-montagnardes présentes dans la réserve occupent ici une station située en périphérie, voire en dehors, de leur aire de répartition définie dans l'atlas de la flore belge de VAN ROMPAEY et DELVOSALLE (1979) à savoir Eriophorum angustifolium, E. vaginatum, Vaccinium oxycoccos, V. uliginosum, V. vitis-idaea.
11 bryophytes ont été notés lors d'inventaires non exhaustifs en 1995, parmi lesquelles 5 sphaignes: Sphagnum fallax, S. magellanicum, S. palustre, S. papillosum et S. russowii.
La faune de la tourbière de Lorcé n'a pas fait à ce jour d'inventaires détaillés et seules des données fragmentaires sont disponibles (notamment dans le rapport de FRANKARD et GHIETTE, 1999).
L'avifaune comprend diverses espèces plus ou moins répandues en Ardenne: épervier d'Europe (Accipiter nisus), troglodyte mignon (Troglodytes troglodytes), rougegorge familier (Erithacus rubecula), grive musicienne (Turdus philomelos), roitelet huppé (Regulus regulus), mésange charbonnière (Parus major), mésange huppée (Parus cristatus), mésange noire (Parus ater), pinson des arbres (Fringilla coelebs), beccroisé des sapins (Loxia curvirostra), tarier pâtre (Saxicola torquata), pipit des arbres (Anthus trivialis), etc.
Les seuls groupes entomologiques plus ou moins bien connus sont les papillons de jour et les odonates.
Les papillons de jour (ou lépidoptères rhopalocères) sont caractérisés par une diversité spécifique moyenne, avec une vingtaine d'espèces recensées entre 1997 et 2010 (données P. Goffart-GT Lycaena). Aucune n'est liée aux tourbières, le seul élément spécialisé étant le petit collier argenté (Boloria selene), papillon commun en Famenne, Ardenne et Lorraine, dont la chenille se développe sur les violettes (Viola spp.), dans les bas-marais, les prés humides mais aussi les prairies maigres. Cependant, un seul spécimen fut observé sur le site (en 1997) à ce jour et sa présence actuelle est à confirmer.
Quant aux odonates, le peuplement est plus intéressant avec la présence d'espèces comme l'aeschne des joncs (Aeshna juncea) et le sympétrum noir (Sympetrum danae), toutes deux liées aux eaux acides oligo-mésotrophes. Le creusement de mares et d'ornières en 2004 a entrainé les deux années suivantes l'observation de plusieurs libellules pionnières: le sympétrum jaune d'or (Sympetrum flaveolum), l'agrion nain (Ischnura pumilio), le leste barbare (Lestes barbarus), ou encore le méridional agrion mignon (Coenagrion scitulum) (données P. Goffart-GT Gomphus).