A. REMACLE, sur base d'observations effectuées en 1996 dans le cadre de l'inventaire des carrières et sablières désaffectées de Wallonie, a décrit la flore de la sablière de Gentissart comme suit: les secteurs A et B sont colonisés par de nombreuses plantes pionnières, telles que Tussilago farfara, Conyza canadensis, Picris hieracioides, Artemisia vulgaris, Cirsium arvense, Tanacetum vulgare, Dipsacus fullonum, Melilotus albus, Vicia sp., Geranium dissectum, Oenothera sp., Fallopia japonica, Urtica dioica, Linaria vulgaris,..., mais aussi Epilobium angustifolium, Daucus carota, Heracleum sphondylium, Hypochaeris radicata, Taraxacum sp., Eupatorium cannabinum. De tout le site, c'est le secteur A qui était biologiquement le plus intéressant: la partie nord-est de ce secteur est fort arborée: nombreux Salix div. sp., avec Betula pendula; dans la partie sud-ouest, au sol encore plus ou moins dénudé, poussent de très jeunes Betula pendula et de nombreux Melilotus albus, ainsi que Trifolium arvense. Cette friche est presque complètement détruite en 1996. Les étendues sableuses hors eau du secteur C commencent à être envahies par diverses plantes pionnières des milieux anthropiques, comme Matricaria maritima subsp. inodora, Tussilago farfara, Artemisia vulgaris, Melilotus sp., etc. Les pièces d'eau, qui semblent profondes, sont dépourvues de végétation.
Les groupements végétaux caractéristiques de la réserve naturelle de Gentissart ont été décrits plus en détail par TANGHE (2011) sur base de relevés phytosociologiques étalés sur une période de 15 ans. Le texte ci-après est une version adaptée de ce travail.
Le couvert végétal de cette sablière, abandonnée depuis le milieu des années 1990, est encore jeune et en pleine évolution. Cela explique en partie que la plupart des espèces caractéristiques des associations végétales citées s'avèrent rares ou absentes du site de Gentissart. En l'absence de stock grainier ou de banque de graines conservée dans le sol, la majeure partie de la flore de la réserve naturelle est d'origine exogène et récente, par le biais de la dissémination anémochore et zoochore (plantes des friches, prairies et stades initiaux du reboisement, essentiellement). Dans ce paysage végétal relativement neuf, les groupements sont distribués en mosaïque et sont constitués sur base de la flore locale, relativement banale.
Végétation herbacée
1. Pelouse rase, ouverte, annuelle et xérophile à Erophila verna, Geranium molle et Sedum acre, sur substrat superficiel des bords de voirie, renfermant des espèces peu communes comme Saxifraga tridactylites, Cerastium semidecandrum, Minuartia hybrida, Catapodium rigidum. Cette association présente un développement surtout vernal et regroupe des espèces à cycle biologique très court (éphémerophytes) et d'autres espèces succulentes accumulant de l'eau dans leurs feuilles épaissies. La relative pérennité du groupement est assurée par des conditions écologiques extrêmes (sol très superficiel, meuble et aride).
2. Pelouse basse et fermée, xérocline et méso-oligotrophe à Festuca rubra, Agrostis capillaris et Luzula campestris, sur sols sableux ou sablo-limoneux assez secs à moyennement humides, avec aussi Campanula rotundifolia, Lotus corniculatus, Catapodium rigidum, etc.
Ce groupement présente plusieurs variantes selon les endroits: pelouse dominée par Festuca rubra; pelouse dominée par Luzula campestris et Hieracium spp.; variante riche en espèces de friches comme Tanacetum vulgare.
3. Prairie haute et fermée, mésohygrophile et mésotrophe, à Arrhenatherum elatius, Dactylis glomerata, Holcus lanatus et Leucanthemum vulgare, sur sols sableux à argilo-limoneux, profonds, moyennement humides à assez secs et bien drainés. On observe également une variante calciphile et xérocline sur sables calcarifères, à Medicago lupulina, Trifolium campestre et Origanum vulgare, dans laquelle apparaît l'orchidée Anacamptis pyramidalis. Il s'agit d'une prairie typiquement riche en dicotylédones pérennes à fleurs.
4. Prairie moyennement haute et fermée, mésohygrophile à hygrocline et mésotrophe, à Holcus lanatus, Festuca rubra, Vicia sativa, Trifolium repens, T. pratense et T. hybridum des replats étendus aux sols argilo-limoneux ou argilo-sableux bien drainés. Plusieurs variantes se distinguant surtout par la codominance de l'une ou l'autre espèce de trèfle. Contrairement au groupement précédent, ce type de prairie, très homogène, est assez pauvre en dicotylédones à fleurs à l'exception des légumineuses, trèfles et vesces. Localement, la prairie à houlque laineuse est parsemée de petites dépressions plus humides où domine Ranunculus repens, parfois accompagnée d'Eleocharis palustris et de Juncus effusus, d'où le qualificatif d'hygrocline. En l'absence de fauche, cette praire est susceptible d'évoluer vers la friche.
5. Prairie basse et fermée, mésohygrophile et mésotrophe, à Lolium perenne, Trifolium repens, Plantago major et Ranunculus repens, des sols de texture variée et piétinés.
6. Friche haute et fermée, mésohygrophile et mésotrophe, à Artemisia vulgaris, Tanacetum vulgare, Holcus lanatus, Rumex obtusifolius et Cirsium arvense, sur sol sablo-argileux bien drainé.
7. Friche haute et fermée, mésohygrophile et eutrophe ou nitrophile, à Urtica dioica, Galium aparine, Calystegia sepium, Silene dioica et Geranium pyrenaicum. On note aussi une variante humide à Ranunculus repens et Juncus effusus dans le fond du «canyon», qui accueille une plante peu commune, Pyrola minor, ainsi que la nitrophile Stellaria nemorum.
8. Friche moyennement haute et fermée, annuelle et bisannuelle, mésohygrophile à hygrocline et nitrophile, à Melilotus albus, Persicaria maculosa, Epilobium hirsutum, Lycopus europaeus, Cirsium arvense et Urtica dioica des îlots et berges exondés, fréquentés par les oiseaux d'eau et enrichis en azote par leurs déjections. Bidens tripartita, Centaurium erythraea et l'hépatique Marchantia polymorpha sont présents de manière locale et erratique. A Gentissart, ce groupement est marginal et ne couvre qu'une surface très restreinte, avec un caractère plutôt rudéral.
9. Groupement bas, ouvert, annuel et amphibie, à Juncus bufonius, Ranunculus sceleratus, Veronica anagallis-aquatica et Rorippa palustris, des grèves sableuses ou argilo-sableuses temporairement exondées. Renfermant également des espèces caractéristiques comme Veronica beccabunga, Rumex maritimus ou encore Chenopodium rubrum, le groupement est bien présent dans le site, mais de surface limitée et particulièrement erratique, la plupart de ses espèces annuelles apparaissant au gré de l'exondation des grèves et plages des étangs et mares.
On observe une variante typique ouverte, à base d'espèces annuelles et une variante correspondant à un stade plus évolué du groupement initial et envahi d'espèces pérennes comme Agrostis stolonifera et Juncus articulatus qui lui confèrent une allure de prairie rase.
10. Prairie moyennement haute et fermée à semi-ouverte, hygrophile et mésotrophe à dystrophe, à Juncus effusus, Juncus articulatus, Salix alba et S. cinerea des dépressions et berges inondable, avec comme espèces remarquables Centaurium erythraea, Typha angustifolia, Poa palustris et Dactylorhiza incarnata.
Quatre variantes sont présentes dans le site : 1) variante des berges raides et argileuses d'étangs, inondées ou inondables, à Juncus effusus et Typha latifolia ; 2) variante des stations subhorizontales à sol sableux humide et non calcarifère, à Juncus effusus et Lycopus europaeus ; 3) variante à Juncus articulatus, Holcus lanatus, Betula pendula, Salix alba et S. cinerea des dépressions sableuses calcarifères à niveau phréatique peu profond ; à allure de lande herbeuse en raison de la dominance des saules et bouleaux maintenus à l'état sous-arbustif par la fauche régulière, et à cause de la dominance du Juncus articulatus, plutôt neutrocline, ce groupement pourrait être érigé en une association distincte ; 4) variante à Juncus effusus et Ranunculus repens, pauvre en espèces et d'apparition récente.
11. Prairie basse et fermée, mouillée et mésotrophe, à Phleum pratense, Ranunculus repens, Alopecurus geniculatus et Eleocharis palustris, sur le sol argileux des dépressions inondables. Composée exclusivement d'espèces pérennes, et soumise à une inondation récurrente par les eaux superficielles de ruissellement, ainsi qu'à la fauche annuelle, cette prairie est très stable, puisque, hormis l'extension de la phléole, sa composition floristique n'a guère changé en une dizaine d'années.
12. Roselière très haute, ouverte, subaquatique et mésotrophe, à Typha latifolia, Salix alba, Epilobium hirsutum, Eleocharis palustris et Lycopus europaeus, des berges sableuses à argileuses, inondées ou inondables. En raison de la grande amplitude écologique de Typha latifolia, la composition floristique de ce groupement varie surtout en fonction de la présence et de la profondeur de l'eau, la massette étant quasiment exclusive en eau profonde (0,5 à 1 m), avec des hydrophytes comme Potamogeton pectinatus et P. pusillus. En eau peu profonde et surtout sur les berges exondées, le nombre d'espèces s'accroît fortement, mais celles-ci se recrutent surtout parmi la flore terrestre non spécialement liée aux milieux humides, soit des espèces opportunistes qui profitent des substrats dénudés par la baisse estivale du niveau de l'eau.
13. Roselière très haute et fermée, subaquatique ou atterrie et mésotrophe, à Phragmites australis, Salix alba, Typha latifolia, Lycopus europaeus, en eau plus ou moins profonde au bord des mares ou dans des dépressions humides en absence d'eau libre. L'apparition de cette roselière sur le site est assez récente et son extension y fut rapide puisque l'une d'elle (située dans le secteur H2 de la réserve) est passée de 1 m² à 150 m² en 7 ans.
14. Magnocariçaie haute et fermée, atterrie, hygrophile et mésotrophe à Carex acutiformis des berges argileuses des étangs et des dépressions humides. Ce groupement occupe des surfaces très restreintes dans le site, au plus quelques m² en bordure d'étang, sur la partie de la berge hors eau.
15. Groupement subaquatique et mésotrophe à Glyceria fluitans et Eleocharis palustris, des mares en eau quasi permanente. A noter que Glyceria fluitans est une espèce caractéristique des eaux plus ou moins courantes avec Veronica beccabunga, Sium erectum et Apium nodiflorum, ces deux dernières absentes du site de Gentissart; colonisant une mare artificielle aux eaux stagnantes, la glycérie flottante est donc un peu hors de son contexte écologique habituel.
Végétation ligneuse
16. Fourré épineux ouvert ou fermé, de recolonisation forestière ou de lisière, à Crataegus monogyna, Rosa canina et Cornus sanguinea. Le groupement renferme deux rosiers rares: Rosa rubiginosa, Rosa tomentosa.
17. Bois feuillu élevé et fermé, mésohygrophile et mésotrophe, à Salix caprea, Betula pendula, Holcus lanatus, Hieracium laevigatum et Epipactis helleborine, sur remblais argilo-limoneux bien drainés. Dans ce bois pousse deux orchidées, Dactylorhiza fuchsii et Listera ovata, ainsi que Pyrola minor.
Plusieurs variantes sont observées: 1) variante typique, mésohygrophile, des sommets et pentes ensoleillées des buttes; 2) variante hygrosciaphile des talus ombragés, exposés au nord-ouest et au nord-est, à Dryopteris filix-mas, Dryopteris dilatata et Dryopteris carthusiana; 3) variante clairiérée, héliophile et xérocline à Poa nemoralis, des talus exposés à l'ouest; 4) variante hygrocline, à sous-bois riche en ronces et localement à Carex acutiformis.
Le flore herbacée de ce boisement de recolonisation se compose, en proportions sensiblement égales, d'espèces héliophiles des friches et des prairies témoignant toutes, non seulement d'un stade fugace de friche herbacée précédant le boisement, mais aussi de la grande difficulté d'implantation d'une flore typiquement forestière en dehors de Dryopteris filix-mas, Geum urbanum, Hedera helix (dont les modes de dissémination anémochore et zoochore facilitent grandement leur arrivée dans le sous-bois). La majeure partie des espèces sylvatiques sont ligneuses au stade arbustif ou sous-arbustif, comme Cornus sanguinea, Ribes uva-crispa, Ribes rubrum, Sorbus aucuparia, Quercus robur, Fagus sylvatica, Carpinus betulus, Fraxinus excelsior, Acer pseudoplatanus, Acer platanoides, etc.
18. Bois feuillu élevé et fermé, hygrophile à subaquatique, à Salix alba, Salix cinerea et Salix viminalis, des berges inondables et dépressions à niveau phréatique peu profond et inondables.
La saulaie à saules blanc et cendré est présente sur la partie inférieure des berges de l'ensemble des étangs de la partie occidentale du site ainsi que dans la dépression humide du secteur H2 ; dans cette dernière zone, en particulier, la saulaie en question se confondait avec la roselière à massette lors de la période d'inondation (2001 à 2003); depuis l'assèchement de la mare, elle est toujours bien présente en raison de la faible profondeur de la nappe aquifère, mais maintenue à l'état sous-arbustif par la fauche annuelle.
La faune de la sablière de Gentissart est imparfaitement connue et seuls quelques rares groupes ont été recensés à ce jour.
Les libellules font l'objet de suivis réguliers depuis 1997 (PERCSY & PERCSY, 2008) et ce sont certainement les insectes les mieux connus du site. Parmi les 27 espèces observées jusque 2008, 19 sont considérées comme régulières et s'y reproduisent certainement (ou du moins probablement): Lestes sponsa, Lestes viridis, Coenagrion puella, Pyrrhosoma nymphula, Ischnura elegans, Enallagma cyathigerum, Aeshna cyanea, Aeshna mixta, Anax imperator, Gomphus pulchellus, Cordulia aenea, Libellula depressa, Libellula quadrimaculata, Orthetrum cancellatum, Crocothemis erythraea, Sympetrum fonscolombii, Sympetrum sanguineum, Sympetrum striolatum, Sympetrum vulgatum. Les autres espèces semblent plus occasionnelles ou d'apparition relativement récente, mais peuvent s'y reproduire temporairement, comme par exemple Lestes barbarus, Anax parthenope, Crocothemis erythraea, Ischnura pumilio, Sympecma fusca, Erythromma najas. Notons aussi une observation exceptionnelle de Lestes virens en 2003, à une époque où l'espèce était encore pratiquement inconnue en Wallonie en dehors de vieilles occurrences historiques. D'autres espèces ont encore été ajoutées depuis cette synthèse, notamment Erythromma lindenii en 2011 (obs. C. et N. Percsy) et Platycnemis pennipes (en 2010 et 2011, obs. B. Nef et J. Taymans), cette dernière espèce ayant cependant déjà été mentionnée par LENAERTS (2002).
Les données disponibles pour les autres groupes entomologiques sont beaucoup plus fragmentaires. Parmi les Orthoptères, citons par exemple Oedipoda caerulescens, Phaneroptera falcata et des espèces plus banales comme Tettigonia viridissima, Chorthippus parallelus, C. brunneus, etc. Les Hyménoptères Aculéates ont été peu recensés à ce jour alors que le site présente de belles opportunités pour les espèces fouisseuses. Les parties sableuses hébergent par exemple les abeilles solitaires Andrena flavipes et A. humilis, ainsi que le sphécide Mellinus arvensis.
L'avifaune comprend en particulier l'hirondelle de rivage (Riparia riparia): durant les années 1990, ce fut la seule colonie subsistant dans cette partie du Brabant avec 85-90 couples en 1995-96. Actuellement, le nombre de nid semble avoir diminué. On y a aussi constaté la nidification du petit gravelot (Charadrius dubius), du pipit des arbres (Anthus trivialis), du bruant jaune (Emberiza citrinella) et de la tourterelle des bois (Streptopelia turtur). Les plans d'eau constituent une halte migratoire pour divers oiseaux (anatidés, limicoles, ...). La bécassine sourde (Lymnocryptes minimus) peut y être notée en migration.
La présence d'une petite population de crapaud calamite (Bufo calamita) est signalée dans le bassin d'orage de la décharge de Mellery, au voisinage immédiat du site de Gentissart.