A. REMACLE (2003):
La végétation de la partie A, où le sable est encore très apparent, se développe rapidement: Thymus pulegioides, Ononis repens, Trifolium repens, T. campestre, Medicago lupulina, Tanacetum vulgare, Achillea millefolium, Silene vulgaris, Echium vulgare, Cytisus scoparius (très jeunes),...
La pente B, bien exposée, est la partie la plus intéressante du site. Sa végétation, discontinue, est globalement composée des taxons suivants, en plus des mousses, des graminées et de Cytisus scoparius: Rumex acetosella, Erodium cicutarium, Euphorbia cyparissias, Hypochaeris radicata, Senecio jacobaea, Taraxacum sp., Achillea millefolium, Hieracium pilosella, Trifolium arvense, T. campestre, Vicia lathyroides, Ononis repens, Ornithopus perpusillus, Jasione montana (abondant), Campanula rapunculus, Cerastium arvense, Silene vulgaris, Petrorhagia prolifera, Saxifraga granulata, Potentilla neumanniana, Sanguisorba minor, Thymus pulegioides, Acinos arvensis, Phleum bertolonii,...
La partie plane C est de plus en plus colonisée par les espèces suivantes: Trifolium arvense, T. repens, Medicago lupulina, Vicia lathyroides, Hypochoeris radicata, Taraxacum, Cerastium semidecandrum, Campanula rapunculus, Echium vulgare, Erophila verna, Viola arvensis,... Un bouquet de Cytisus scoparius domine le chemin parallèle à la pente. Arabis glabra a été observée dans la partie active.
J.-Y. BAUGNEE et E. BISTEAU (septembre 2006):
Depuis 1995, date du premier inventaire par A. Remacle, la physionomie du site a bien changé, suite à l'exploitation des sables et grès à flanc de colline. La falaise abritant notamment la colonie d'hirondelle de rivage, à l'arrière des maisons de la rue de Virton, a été arasée. La végétation s'est considérablement développée, en particulier dans l'ouest du site, sur le haut de la pente et sur le plateau supérieur. Enfin, la partie basse où était présente une intéressante pelouse sur sable, a été recouverte en bonne partie par de la terre issue d'un chantier voisin (travaux d'égouttage) et est vouée à être bâtie dans un avenir proche. L'état de la végétation tel qu'on l'observe aujourd'hui est brièvement esquissé ci-après, sur base d'un relevé effectué le 5 septembre 2006.
Zone A : cette partie (parcelle cadastrale 1653d), située au pied du versant actuel, a été décrite en 1996 comme une étendue sableuse plane à la végétation herbacée en cours de développement. Elle a été recouverte cette année par une couche de terre d'environ 20 cm d'épaisseur provenant du chantier de la maison voisine, située de l'autre côté du chemin desservant l'ex-ferme Lepage. Cette zone est visée par un projet de lotissement impliquant la construction de 4 habitations. Par ailleurs, depuis début septembre 2006, elle sert de lieu de dépôt pour le matériel d'un entrepreneur chargé de l'installation de collecteurs dans la rue de Rossart.
La partie remblayée est colonisée par une végétation herbacée pionnière de faible intérêt. On note surtout le chénopode blanc (Chenopodium album), la tanaisie (Tanacetum vulgare), l'herbe aux chantres (Sisymbrium officinale), le plantain lancéolé (Plantago lanceolata), le crépis à tige capillaire (Crepis capillaris), l'armoise vulgaire (Artemisia vulgaris), la mauve à feuilles rondes (Malva neglecta), le dactyle commun (Dactylis glomerata), l'achillée millefeuille (Achillea millefolium), le tussilage (Tussilago farfara), le bec-de-cigogne (Erodium cicutarium), auxquels s'ajoutent plusieurs néophytes, d'origine nord-américaine, comme l'amarante réfléchie (Amaranthus retroflexus), particulièrement abondante ici, la vergerette du Canada (Conyza canadensis), l'onagre à petites fleurs (Oenothera deflexa).
Seule la frange orientale de la parcelle, peu perturbée jusqu'à présent, montre encore un caractère sableux ouvert avec une végétation similaire à celle observée dans les années 1990 : serpolet commun (Thymus pulegioides), bugrane rampante (Ononis repens), luzerne lupuline (Medicago lupulina), orpin âcre (Sedum acre), vipérine (Echium vulgare), vulnéraire (Anthyllis vulneraria), trèfle des champs (Trifolium campestre), pied-de-lièvre (Trifolium arvense), bec-de-cigogne (Erodium cicutarium), etc.
Dans la partie occidentale et sur le bas de versant, des ronciers (Rubus sp.) se développent et couvrent de plus en plus de terrain.
Zone B : Cette zone (parcelles cadastrales 1322b et 1323f) correspond à l'ensemble du versant de la carrière, globalement exposé au sud. Il s'agit certainement de la partie du site biologiquement la plus intéressante, comme c'était déjà le cas en 1995. De nombreuses zones dénudées alternent avec des plages herbeuses ainsi que des ronciers et de petits massifs buissonneux. Du fait de la nature calcarifère du substrat en place, la végétation renferme divers éléments de pelouse calcicole comme la petite pimprenelle (Sanguisorba minor), la scabieuse colombaire (Scabiosa columbaria), la vipérine (Echium vulgare), le silène enflé (Silene vulgaris), la vulnéraire (Anthyllis vulneraria), l'euphorbe petit-cyprès (Euphorbia cyparissias), le serpolet commun (Thymus pulegioides), l'érigéron âcre (Erigeron acer), le bouillon blanc à grandes fleurs (Verbascum densiflorum), l'oeillet prolifère (Petrorhagia prolifera), la potentille printannière (Potentilla neumanniana), le calament acinos (Acinos arvensis). S'y mélangent, par endroits, des espèces acidiphiles, parmi lesquelles la petite oseille (Rumex acetosella), la jasione (Jasione montana) - encore en floraison au moment de notre visite (!), le pied-d'oiseau délicat (Ornithopus perpusillus), le pied-de-lièvre (Trifolium arvense), etc. L'onagre à petites fleurs (Oenothera deflexa) colonise le site un peu partout. Diverses autres espèces végétales s'y rencontrent également comme la saponaire (Saponaria officinalis), la knautie (Knautia arvensis), la prêle des champs (Equisetum arvense), la vesce à épis (Vicia cracca), la campanule à feuilles rondes (Campanula rotundifolia), la linaire commune (Linaria vulgaris), le trèfle des prés (Trifolium pratense), l'épervière piloselle (Hieracium pilosella), le lotier corniculé (Lotus corniculatus), la phléole (Phleum sp.), la laîche hérissée (Carex hirta), la houlque velue (Holcus lanatus), etc.
La strate arbustive est surtout le fait des ronces (Rubus spp.) et du genêt à balai (Cytisus scoparius).
Zone C : Cette portion supérieure de la carrière (parcelle cadastrale 1323e ?) est une plate-forme surmontant l'ancienne zone d'exploitation. Elle est colonisée actuellement par une friche dense avec quelques petites portions plus ouvertes. On y trouve le mélilot blanc (Melilotus albus), l'épilobe en épi (Epilobium angustifolium), le fromental (Arrhenatherum elatius), la tanaisie (Tanacetum vulgare), le pissenlit (Taraxacum sp.), le fraisier sauvage (Fragaria vesca), le trèfle rampant (Trifolium repens), le trèfle des prés (Trifolium pratense), la campanule raiponce (Campanula rapunculus), l'achillée millefeuille (Achillea millefolium), la porcelle enracinée (Hypochaeris radicata), le solidage du Canada (Solidago canadensis), des ronces (Rubus spp.), le genêt à balai (Cytisus scoparius), le saule marsault (Salix caprea), le bouleau verruqueux (Betula pendula), etc.
Zone D : Cette partie (parcelles cadastrales 1327, 1328, 1329, 1330) n'a pas été visitée. Elle est en grande partie boisée, à l'exception d'une bande occupée par une prairie mésophile en friche (parcelle 1327), et son intérêt biologique paraît nettement moins élevé que les parties inférieures.
Intérêt botanique
La carrière Geoffroy abrite une flore remarquablement variée ; toutefois, elle comprend relativement peu d'espèces rares ou protégées à l'échelle du territoire wallon.
En 1995, quatre plantes seulement étaient signalées comme 'intéressantes' par A. Remacle :
- l'arabette glabre (Arabis glabra) ;
- la jasione (Jasione montana) ;
- le pied-d'oiseau délicat (Ornithopus perpusillus) ;
- la vesce fausse-gesse (Vicia lathyroides).
Bien que ces espèces ne jouissent d'aucune protection légale en Région wallonne, il faut souligner que plusieurs d'entre-elles figurent, en raison des menaces qui pèsent sur leurs populations, sur la récente liste rouge élaborée par J. Saintenoy-Simon et collaborateurs. Lors de notre passage, seuls Jasione montana et Ornithopus perpusillus ont été observés. Toutefois, il serait hâtif de conclure à la disparition des deux autres espèces, étant donné qu'elles peuvent facilement passer inaperçues sans recherches spécifiques.
En juin 2006, l'orobanche pourprée (Orobanche purpurea) a été vue par A. Remacle sur le plateau supérieur (un seul pied). Il s'agit sans conteste de l'élément le plus remarquable de la flore locale. En Wallonie, la plante est très rare et est reprise sur la liste rouge comme 'espèce en danger' ; à ce titre, elle est strictement protégée régionalement. Elle parasite les racines de l'achillée millefeuille et ses populations ne sont jamais très fournies ni constantes.
Intérêt faunistique
L'inventaire réalisé en 1995 par A. Remacle rassemblait une quinzaine d'espèces animales jugées intéressantes, dont plusieurs légalement protégées en Région wallonne.
Le seul vertébré signalé à l'époque, à savoir l'hirondelle de rivage (Riparia riparia), a vu sa colonie détruite en 2000 en même temps que la falaise qui l'abritait. A l'heure actuelle, au vu de la physionomie du site, les possibilités de nidification de cet oiseau menacé paraissent plus que réduites !
Lors de la visite en septembre 2006, un mâle adulte de lézard agile (Lacerta agilis) fut observé sur le site. La présence de cette espèce rare était déjà connue dans les environs de Meix, notamment le long de la voie ferrée, mais elle n'a jamais été signalée sur le site même de la carrière Geoffroy. Etonnamment, car l'endroit se révèle très attractif pour ce reptile, qui trouve là un de ses derniers refuges dans le sud-ouest de la Gaume. Rappelons qu'en Wallonie le lézard agile se rencontre uniquement en Lorraine, où ses populations sont le plus souvent très faibles et de plus en plus isolées. L'espèce est reprise dans l'annexe IV de la Directive 92/43/CEE et est donc considérée comme d'intérêt communautaire. A ce titre, elle bénéficie d'une protection stricte. Chaque habitat susceptible de l'abriter mérite donc d'être protégé et/ou restauré (comme c'est le cas d'une carrière voisine située au lieu-dit 'La Cawette' et remise en lumière récemment). Dans la région, les milieux colonisés sont le plus fréquemment des carrières abandonnées, landes à callune, pelouses calcicoles, abords des voies ferrées, friches thermophiles, etc., toujours avec des ourlets arbustifs et des éléments de lisières. Notons aussi la présence du lézard vivipare (Zootoca vivipara), plus répandu et d'ailleurs souvent observé aux côtés du lézard agile. Le site est susceptible d'accueillir également la coronelle (Coronella austriaca).
Voici dix ans, la carrière Geoffroy était considérée comme un site d'intérêt exceptionnel sur le plan entomologique. Malgré certaines dégradations, ce constat est toujours valable à l'heure actuelle. La plupart des espèces d'insectes recensées ont des exigences écologiques plus ou moins strictes et recherchent plus particulièrement des biotopes sablonneux ou rocheux, chauds et bien exposés au soleil. Ces biotopes sont de plus en plus rares dans nos régions.
Deux insectes en particulier y présentaient en septembre 2006 une abondance extraordinaire : le criquet à ailes bleues (Oedipoda caerulescens) et la cicindèle hybride (Cicindela hybrida) s'y déploient en effet par centaines à la fin de l'été. Un spectacle frappant toute personne visitant l'endroit à cette époque de l'année. Par rapport à la superficie disponible, c'est même probablement l'une des densités les plus élevées que l'on connaisse en Wallonie pour ces deux espèces ! Le grillon champêtre (Gryllus campestris) est encore bien présent, quoique paraissant moins nombreux qu'avant. Cette espèce ne subsiste plus que très localement dans notre région, la plupart de ses stations étant concentrées en Lorraine et dans le Condroz liégeois. La présence de la decticelle chagrinée (Platycleis albopunctata), une sauterelle très thermophile particulièrement rare et localisée, est également à souligner. Enfin, le criquet vert-échine (Chorthippus dorsatus), espèce découverte récemment en Belgique et limitée pour l'instant à la Gaume, est signalée dans la prairie en friche sur le haut de la carrière (parcelle 1327 - obs. A. Remacle).
D'autres insectes excessivement bien représentés sont les Hyménoptères aculéates, c'est à dire les guêpes, abeilles et fourmis. Bien qu'aucun inventaire systématique n'ai encore été mené, la liste des espèces recensées sur le site est déjà longue et renferme beaucoup d'éléments rares, y compris 8 espèces légalement protégées en Région wallonne ! Le versant exposé plein sud, les plages de sable nu, le microclimat chaud et sec et le développement d'une flore variée, expliquent cette remarquable diversité. Parmi les espèces notées en 2006, il faut mentionner plus particulièrement Megachile pilidens, une abeille rarissime (on la signale seulement de trois autres localités belges) et non encore répertoriée, à notre connaissance, de Lorraine. Une autre rareté, la guêpe sociale Polistes nimpha, est surtout observée dans l'extrême sud du pays. D'autres Hyménoptères plus répandus, mais à populations localisées et à biologie souvent spécialisée, y trouvent un habitat de prédilection : c'est le cas de Dasypoda hirtipes, Lasioglossum sexnotatum, Halictus scabiosae, Halictus sexcinctus, Philanthus triangulum et son parasite Hedychrum rutilans, Cerceris quinquefasciata, etc. Signalons encore l'abeille solitaire Osmia aurulenta dont le comportement de nidification est des plus originaux : elle installe en effet sa progéniture dans les coquilles vides de gastéropodes, très abondants dans la carrière. En 2010, une guêpe très rare, Bembix rostrata, y a été photographiée par A. Bastin. C'est une espèce sabulicole très thermophile, découverte récemment en Wallonie dans le camp militaire de Lagland (Barbier, 2007).
La faune des papillons diurnes rassemble aussi plusieurs espèces intéressantes, comme l'argus frêle (Cupido minimus), dont la chenille se nourrit sur la vulnéraire, et la grisette (Carcharodus alceae) liée aux mauves et dont les observations sont peu nombreuses en Lorraine. Par ailleurs, le site est potentiellement favorable pour l'argus bleu-violet (Glaucopsyche alexis), du fait de l'abondance du genêt à balai, la plante nourricière de sa chenille, et du caractère très thermophile de la station (cette espèce protégée et rare est connue des environs de Meix-devant-Virton).
En ce qui concerne les autres groupes d'insectes, les observations sont plus anecdotiques (surtout par manque de recherches). L'occurrence du leste brun (Sympecma fusca) ne correspond pas à une reproduction locale, du fait de l'absence complète de point d'eau. Il s'agit d'une libellule bien connue pour son caractère vagabond et elle peut ainsi s'éloigner de plusieurs kilomètres de ses sites de reproduction. Il s'agit en outre du seul odonate de nos régions à passer l'hiver au stade adulte. Il est donc très possible que l'exemplaire noté dans la carrière était à la recherche d'un site d'hibernation favorable.