Pâturage extensif par des vaches rustiques, Highland cattle, au Pont-de-Libin (Libin)
Pourquoi gérer les milieux tourbeux ?
En Wallonie, les landes tourbeuses qui bordent les véritables tourbières naturelles sont des milieux semi-naturels, c'est-à-dire que leur développement et leur maintien sont le fruit de la main de l'homme, essentiellement via les pratiques agro-pastorales traditionnelles. Laissés à eux-mêmes, ces milieux ouverts hérités du passé se font rapidement coloniser par des buissons et des arbres. C'est au mieux la forêt initiale (chênaie montagnarde, boulaie tourbeuse) qui reprend ses droits ou ils subissent un envahissement progressif par les semis de résineux. En se reboisant, les landes tourbeuses perdent toutefois tout un pan de leur biodiversité originale et remarquable. Or, elles abritent de nombreuses espèces des milieux tourbeux ouverts qui sont menacées à l'échelle européenne. Leur conservation passe par le maintien d'une partie des zones tourbeuses ouvertes en limitant l'expansion des jeunes arbres et arbustes grâce à une gestion récurrente. La gestion d'une partie des zones restaurées est aussi une manière de maintenir des perturbations qui permet d'assurer une dispersion des graînes et un renouvellement de la structure de la végétation pour faciliter la recolonisation d'espèces végétales qui ont difficile à concurrencer les espèces sociales comme la molinie. |
Fagne colonsiée par des semis naturels d'épicéas dans le LIFE Lomme | Pâturage sur une zone déboisée à Saint-Hubert | Clôture pour assurer le pâturage au Plateau des Tailles |
Comment gérer ?
Trois méthodes sont couramment utilisées à des fins de gestion des milieux tourbeux : le débroussaillage manuel, la fauche et le pâturage extensif.
Le débroussaillage est réalisé environ tous les 5 à 15 ans, voire davantage, en fonction de la vitesse à laquelle se développent les ligneux. Cette technique présente l'avantage de laisser les milieux ouverts évoluer dans le temps : lande parsemée de bosquets très épars après le passage de la débroussailleuse, évoluant progressivement vers une lande plus arbustive, avant la gestion suivante. Le débroussaillage concerne prioritairement les épicéas qui ont envahi naturellement les zones laissées ouvertes après une exploitation ou qui ont été perturbées par le passage de machines d'exploitation des peuplements voisins. La régénération peut y être très intense et empêcher largement le développement de la végétation naturelle. | Débroussaillage de semis naturels d'épicéas à la Fange Bubu (Libin) |
Par ailleurs, plusieurs sites sont fortement envahis par la fougère aigle. Deux techniques sont utilisées afin de la combattre : l'étrépage et le fauchage répété. Dans le premier cas, la technique permet non seulement la régression (mais pas l'éradication) de la fougère mais également la restauration des landes sèches. Il est nécessaire par la suite, et ce durant quelques années, de débroussailler les frondes subsistantes. Dans le second cas, un fauchage bisannuel répété sur plusieurs années permet d'épuiser les rhizomes et de faire régresser la fougère au profit d'une végétation typique de lande. Au sein du périmètre du LIFE Ardenne liégeoise, et plus particulièrement dans la Fagne de Malchamps, la technique utilisée pour un fauchage répété est le rouleau brise-fougères à traction chevaline. |
Fauchage d'une lande à Molinie dans les Hautes-fagnes | La fauche peut être manuelle ou mécanisée. Dans le premier cas, la main d'œuvre nécessaire est très importante, même pour des sites de superficie réduite. Le plus souvent, toutefois, c'est une fauche mécanisée qui sera pratiquée à l'aide d'un tracteur agricole voire d'engins chenillés sur les zones les plus humides. La technique est très efficace pour gérer l'embroussaillement d'un site. Mais tous les sites ne se prêtent pas à cette gestion qui nécessite un accès aisé pour la machine, un sol relativement portant et sans pierres affleurantes. Le passage de la machine est plutôt brusque pour la petite faune. Pour éviter les dégâts aux populations d'insectes, reptiles et autres, de larges zones refuges sont préservées et non fauchées. La localisation des zones refuges dans un milieu tourbeux peut être maintenue pendant plusieurs années ou peut alterner d'année en année. | Fauchage d'un pré de fauche maigre restauré à la Croix -Scaille |
En comparaison à la fauche, le pâturage extensif génère une certaine hétérogénéité du milieu. En fin de saison de pâturage, on remarque un contraste dans la hauteur de végétation ou dans la densité de petites broussailles entre des zones contenant beaucoup de végétaux appréciés par le bétail et les zones en contenant moins. Par ailleurs, le passage répété du bétail à certains endroits entraine une mise à nu du sol, ce qui favorise la germination d'espèces végétales nécessitant beaucoup de lumière et/ou peu de compétition entre espèces. Il est aussi nécessaire de délimiter des zones refuges, mais pas pour les mêmes raisons que pour la fauche. En effet, le bétail alterne ses zones de brout au cours des jours et de la saison. La petite faune a donc tout loisir de se déplacer pour éviter d'être piétinée ou ... avalée. Par contre, la saison de pâturage s'étalant généralement sur plusieurs mois, la floraison et la formation de graines de certaines plantes se déroulera inévitablement en présence du bétail. Lorsque la pâture abrite une population de plantes rares ou menacées, on pourra cloisonner cette population et la rendre inaccessible au bétail, au moins pendant la période la plus sensible du cycle de vie de la plante. | Pâturage de la Fagne de Wiaupont (Mirwart) |
Les trois méthodes de gestion décrites ci-dessus ayant chacune leurs avantages et inconvénients, il peut parfois se révéler pertinent de les combiner. Par exemple, si les faibles charges de pâturage ne suffisent pas à limiter les repousses de ligneux, plutôt que d'augmenter la charge et de voir disparaître les zones refuges, on préférera compléter la gestion par un débroussaillage périodique. |
Mise en oeuvre de la gestion par le Méta-projet Tourbières
Clôture de pâturage financée par le projet LIFE Lomme | Bergerie construite par le projet LIFE Saint-Hubert |
Le projet LIFE Saint-Hubert : une démarche originale !Lors de la préparation du projet LIFE en 2002, il est rapidement devenu évident qu'une structure de pâturage efficace était nécessaire et qu'il fallait prévoir la création d'un emploi temps-plein pour en assurer la pérennité. Suite à des contacts avec un éleveur local, la taille minimale du troupeau nécessaire pour financer cet emploi à travers la vente de la viande ou de jeunes agneaux, de primes agri-environnementales et autres a été fixée à 400 moutons . Pour bénéficier à la fois de prime de faible charge et s'adapter aux conditions écologiques, il est apparu qu'il ne fallait pas dépasser 4 moutons/ha et que donc la surface minimale soumise au pâturage devait atteindre 100 ha. Vu la diversité des conditions écologiques rencontrées et la configuration géographique des sites, on a fixé les objectifs du projet à 300 ha de zones restaurées dont 100 ha devaient être soumis au pâturage. C'est bien le cas chaque année depuis 2006. |
Les différents projets du Méta-projet Tourbières ont assuré les différentes étapes nécessaires pour initier les méthodes de gestion dans chaque site restauré :
| Préparation à la fauche d'une lande : broyage des souches d'épicéas et du sol, nivellement du sol et semis de graines locales (Vallée de la Noire eau, Libin) Pâturage des moutons à Saint-Hubert |
Fin 2103, près de 125 hectares ont fait l'objet d'un fauchage régulier dans les différents projets LIFE. À ce jour, environ 600 hectares sont pâturés par des races rustiques d'ovins et bovins adaptées aux conditions de terrains.