Intro
Brève description
Localisée en Hesbaye à l'est de Gembloux, la réserve naturelle de l'Escaille occupe la zone de confluence de l'Orneau et d'un petit ruisseau très pollué, le Rabaudy. Le site doit son nom à une ancienne carrière de schistes ardoisiers, les sols y étant constitués d'argiles. La végétation est variée et comprend des friches sèches et humides, un plan d'eau qui était à l'origine un décanteur de sucrerie, plusieurs zones de sources, des boisements de saules, des fragments de roselière à phragmites et massettes. L'intérêt de cet endroit protégé est surtout ornithologique: plus 170 espèces d'oiseaux y ont été recensées dont bon nombre de migrateurs: fauvettes aquatiques, canards, limicoles, etc. Malgré son origine artificielle, la réserve représente une oasis de nature dans un désert agricole. De l'autre côté de la Nationale 4, une petite parcelle a été conservée en bordure du nouveau complexe sportif et des mares y ont été creusées en 2016 dans le cadre du PCDN, en vue d'augmenter le potentiel biologique du site.
Conservation
Objectifs de conservation
Le site a été protégé surtout en tant que relais migratoire pour les oiseaux d'eau. On a estimé qu'il avait conservé une diversité et des potentialités écologiques intéressantes au niveau hesbignon en dépit de son extrême modification par l'action de l'homme, de son exiguïté, de son eutrophisation et de son abandon pendant une dizaine d'années.
Menaces
Menace : Pollution. Le site a été récemment (9 septembre 1991) saccagé par des travaux intempestifs.
Recommandations
Recommandations : La démarche qui a présidé à la protection de ce site extrêmement anthropisé et dégradé est intéressante vu sa situation en pleine Hesbaye où sévit une agriculture intensive et étant donné le voisinage de la ville de Gembloux (et de ses étudiants). Le site a et aura sans doute dans l'avenir un intérêt didactique certain. Il est suivi par un comité de gestion particulièrement savant.
Plan de gestion
Le plan de gestion prévoit :
1) le maintien d'habitats résultant d'activités humaines qui sont à la source d'une diversité originale (étang eutrophe, friche à Geranium pratense, saulaie secondaire, ruines et dépôts de pierres servant d'accueil pour une fauve cavernicole et une flore calciphile,...);
2) la création d'espaces tampons en périphérie pour réduire voire supprimer les agressions provenant de l'extérieur (pollution auditive, engrais et pesticides, incursions humaines intempestives, déversages,...);
3) la diversification du milieu par amélioration ou reconversion de tous les espaces pauvres écologiquement (friches à orties, vieilles saulaies, digues, étendues à pétasites,...) en veillant néanmoins à conserver des reliques de ces espèces;
4) la priorité écologique est le développement et la diversification de la flore semi-aquatique en bordure de l'étang et dans les parties basses naturellement marécageuses. (d'après GUILLITTE et al. à paraître).
Accès du public
L'accès au public de la réserve naturelle sera limité dans le cadre de visites guidées, lors des chantiers de gestion ou toute autre activité organisée dans le site et avalisée par la commission de gestion.
Les véhicules motorisés et vélos tout terrain ne seront pas admis dans la réserve, à l'exception des engins agricoles et autres destinés à la gestion du site (fauche, débroussaillage, ...).
Les études scientifiques seront suscitées et menées après accord de la commission de gestion.
Pour des motifs de sécurité publique, de protection d'espèces ou de travaux de gestion, la commission de gestion peut interdire temporairement certains accès.
Détails
Description physique
Le site de l'Escaille est localisé en Hesbaye occidentale, au nord-est de Gembloux. Il correspond à l'emplacement d'un ancien décanteur de sucrerie logé dans une cuvette, sur les bords de l'Orneau, affluent de la rive droite de la Sambre. Il est bordé à l'ouest par la route N4 et au nord par l'ancienne voie de chemin de fer Gembloux-Landen.
Il se trouve sur des sables bruxelliens. A proximité passent des schistes siluriens. Les bords des ruisseaux sont recouverts d'alluvions. Le site est inclus dans une zone d'agriculture intensive.
Description biologique
Le site de l'Escaille est formé d'un étang principal (ancien décanteur de sucrerie), d'un plus petit plan d'eau contigu, de jonchaies, de saulaies, de friches rudéralisées et des ruines d'un ancien moulin. La végétation a été décrite durant les années 1990.
Sur les vases exondées se développent des espèces du Bidention: Ranunculus sceleratus, Bidens tripartita, Veronica anagallis-aquatica et le rare Rumex maritimus. Cette dernière plante "dont l'évolution de la répartition, en dehors du district maritime, est fortement marquée par l'activité anthropique" (CLIGNEZ, 1981) se comporte, en Hesbaye, comme une espèce pionnière sur les boues des bassins de décantation des sucreries.
Les atterrissements sont occupés par les espèces du Phragmition avec principalement Phragmites australis, Typha latifolia, Glyceria maxima, Phalaris arundinacea, Lycopus europaeus, Lythrum salicaria, Scrophularia umbrosa, Epilobium hirsutum, ...
Des jonchaies fragmentaires groupent Juncus effusus et J. inflexus (Agropyro-Rumicion crispi).
Les saussaies et saulaies secondaires sont formées de Salix caprea, S. cinerea, S. viminalis et leurs hybrides S. x sericans et S. x holosericea (Salicion triandro-viminalis).
Les digues et d'anciens dépôts d'immondices sont envahis d'Urtica dioica et de Rubus sp.
En bordure de la N4, une friche à Carex hirta présente une belle station subspontanée de Geranium pratense.
Un peuplement monospécifique de Petasites hybridus occupe une diguette entre l'étang et l'Orneau.
Le chemin qui borde le site au sud-est montre une espèce messicole intéressante, Lycopsis arvensis.
Outre le plan d'eau et les parcelles qui l'entourent, le périmètre englobe également les nouvelles mares creusées en 2014-2015 à côté du complexe sportif situé de l'autre côté de la N4.
L'intérêt faunistique de l'Escaille est avant tout d'ordre ornithologique. Plus de 170 espèces d'oiseaux y ont été observées depuis le début des années 1990, en particulier durant les migrations. Parmi les nicheurs, plusieurs espèces intéressantes sont à signaler comme le grêbe castagneux (Tachybaptus ruficollis) depuis au moins 2007, la foulque macroule (Fulica atra), le grêbe huppé (Podiceps cristatus) et le fuligule milouin (Aythya ferina) en 2012.
Le site représente également un refuge pour l'odonatofaune.
Monument historique
Ruines du Moulin de l'Escaille. Ancien décanteur de sucrerie.
Histoire du site
A cause de la proximité de la ville abbatiale de Gembloux, de la présence de l'Orneau et de petites sources, le site de l'Escaille a subi tout au long de son histoire une forte pression humaine. C'est ainsi qu'il a connu successivement ou conjointement:
1) des activités pastorales, agricoles et horticoles, qui ont nécessité plusieurs défrichements (les cartes de Ferraris (fin XVIIIe siècle) indiquent encore la présence d'une partie boisée). Des travaux d'assainissement et d'amélioration (drainage, amendement, apport d'engrais et de pesticides) se sont développés au fur et à mesure de l'intensification de ces activités. Celles-ci sont toujours présentes à la périphérie de la réserve. A l'intérieur de celle-ci, il ne persiste que quelques arbres fruitiers et ornementaux plantés par-ci par-là.
2) des activités industrielles ou artisanales.
- meunerie au moulin de l'Escaille le long de l'Orneau, depuis au moins le début du XVIe jusqu'au milieu du XXe siècle;
- amorce d'extraction de schistes ardoisiers (vers 1740), d'où provient l'appellation 'Escaille'; cette carrière a été complètement comblée depuis longtemps et rendue à l'agriculture;
- briqueterie qui a fourni notamment les briques de l'Abbaye bénédictine de Gembloux, lors de sa reconstruction de 1762 à 1779; de ces deux activités, il ne subsiste que des matériaux visibles dans les ruines du moulin;
- décantage d'effluents de sucrerie (1964-1976), dont il reste de nombreuses traces (digues, moines de vidange, petits bâtiments et ouvrage auxiliaires, tuyauterie,...).
3) Des activités de chasse et de pêche qui ont pris des formes diverses selon l'occupation des terres au cours du temps (bois, friches, terres de cultures,...). Il existait déjà des viviers au XVIe siècle, encore présents au XIXe siècle, où on élevait des carpes. Le dernier décanteur de la sucrerie a été utilisé pendant 10 ans par les pêcheurs avant qu'il ne soit acquis par les RNOB (1987). La dernière vidange du décanteur a été effectuée en 1988. Depuis cette époque, plus aucune pêche et chasse n'ont été autorisées sur la réserve, hormis un piégeage aux rats musqués.
4) Des activités et des nuisances liées au cours d'eau (pollution) et aux voies de communication (nuisances acoustiques, dérangements excessifs, apports de déblais,...).
La voie ferrée Landen-Gembloux au nord du site a été en activité de 1865 à 1961 et son démantèlement complet a été effectué à partir de 1985.
L'Orneau et son affluent, le Rabauby, ont eu leur cours redressé et les rives de l'Orneau ont été empierrées. Ces deux cours d'eau sont extrêmement pollués et très eutrophisés par les rejets domestiques, les eaux de ruissellement des terres cultivées et les rejets industriels (surtout le Rabauby où il n'y a plus une trace de vie).
La plupart de ces activités ont laissé des traces et jouent encore un rôle déterminant dans la physionomie et l'évolution du site. Toutefois, c'est la dernière activité industrielle, la décantation des effluents de la sucrerie, qui a influencé le plus fortement le paysage actuel de la réserve : présence de 300m de digues, d'un plan d'eau d'1ha et de friches périphériques abandonnées depuis de nombreuses années, ce qui a permis la recolonisation forestière (GUILLITTE et al. 1990).