Les rochers de Freyr représentent l'un des massifs rocheux les plus attractifs de la vallée de la Meuse, tant du point de vue paysager que sur un plan scientifique, avec ses multiples intérêts (géologique, géomorphologique, botanique, etc.). Ils constituent également un lieu très prisé pour la pratique de l'escalade. La flore et la végétation de ce site prestigieux ont été décrites notamment par SAINTENOY-SIMON et al. (2000). Le texte ci-dessous est largement adapté de cette étude.
Le plateau
Le bois de plateau, reposant probablement sur des limons, présente une flore assez nitrophile. Il est parcouru par de nombreux sentiers. Sous une futaie de chêne pédonculé (Quercus robur) et de frêne (Fraxinus excelsior), se développe un taillis formé principalement de frêne, érable champêtre (Acer campestre), cornouiller sanguin (Cornus sanguinea), noisetier (Corylus avellana), aubépines (Crataegus spp.). Les ronces (Rubus sp.) sont assez abondantes de même que le rosier des champs (Rosa arvensis), le troène (Ligustrum vulgare). La strate herbacée rassemble des espèces nitrophiles, calcicoles, mésophiles et un peu acidiphiles, comme le lierre (Hedera helix), le lamier jaune (Lamium galeobdolon subsp. montanum), la mercuriale vivace (Mercurialis perennis), l'anémone sylvie (Anemone nemorosa), la violette de Rivin (Viola riviniana), le brachypode des bois (Brachypodium sylvaticum), le pâturin des bois (Poa nemoralis), le sceau de Salomon commun (Polygonatum multiflorum), le gouet tacheté (Arum maculatum), la benoîte commune (Geum urbanum), l'herbe à Robert (Geranium robertianum), la laîche des bois (Carex sylvatica), etc.
Le rocher du Mérinos
Le site du Mérinos est un très bel exemple de falaise calcaire sèche et ensoleillée surmontée d'une pente boisée. Plusieurs groupements végétaux y sont représentés comme la chênaie à charme thermophile, la lisière arbustive thermophile, l'ourlet thermophile à sceau de Salomon odorant, la pelouse xérophile à seslérie bleuâtre, la pelouse rupestre à fétuque penchée, la pelouse à orpins, des fissures à sisymbre d'Autriche.
1. La chênaie à charme thermophile couvre le plateau et les pentes chaudes et sèches où un sol plus ou moins profond a pu se mettre en place. On y observe les espèces caractéristiques dont l'orchis mâle (Orchis mascula), la primevère officinale (Primula veris), la laîche digitée (Carex digitata), etc.
2. La lisière arbustive thermophile borde la chênaie à charme sur le sommet des rochers et regroupe l'alisier (Sorbus torminalis), le troène commun (Ligustrum vulgare), le cornouiller mâle (Cornus mas), le noisetier (Corylus avellana), le charme (Carpinus betulus), l'épine-vinette (Berberis vulgaris), l'aubépine à un style (Crataegus monogyna), ...
3. L'ourlet thermophile montre notamment le sceau de Salomon odorant (Polygonatum odoratum), le fraisier vert (Fragaria vesca), l'inule conyze (Inula conyzae).
4. La pelouse xérophile à seslérie bleuâtre (Sesleria caerulea) est ici assez intriquée avec la pelouse à fétuque penchée étant donné que des affleurements rocheux très secs voisinent avec des parcelles à sol très superficiel. Outre la seslérie, cette pelouse se compose de la laîche digitée (Carex digitata), la potentille printanière (Potentilla neumanniana), la petite pimprenelle (Sanguisorba minor), le buplèvre en faux (Bupleurum falcatum), le calament acinos (Acinos arvensis), la campanule à feuilles rondes (Campanula rotundifolia), la scabieuse colombaire (Scabiosa columbaria subsp. columbaria), l'arabette hérissée (Arabis hirsuta), le libanotis (Seseli libanotis), le géranium à feuilles rondes (Geranium rotundifolium), ainsi que quelques plantes plutôt acidiphiles comme la bétoine (Stachys officinalis) ou la véronique officinale (Veronica officinalis).
5. La pelouse rupestre à fétuque penchée (Festuca pallens), groupement de grand intérêt patrimonial, rassemble des plantes très rares comme la lunetière (Biscutella laevigata subsp. varia), la laitue vivace (Lactuca perennis), l'épervière précoce (Hieracium glaucinum), mais aussi la plus répandue arabette des sables (Cardaminopsis arenosa subsp. borbasii).
6. La pelouse à orpins existent çà et là sous forme fragmentaire, avec l'orpin réfléchi (Sedum rupestre), la drave printanière (Erophila verna), la sabline à feuilles de serpolet (Arenaria serpyllifolia), la vipérine (Echium vulgare), la saxifrage tridactyle (Saxifraga tridactylites), etc.
7. Les fissures à sisymbre d'Autriche (Sisymbrium austriacum subsp. austriacum) , communauté représentée au revers des rochers, à l'exposition nord.
Les pelouses coiffant le sommet des rochers présentent un aspect différent suivant les saisons. Ainsi durant la période estivale, la floraison de la centaurée scabieuse (Centaurea scabiosa) et du mélampyre des champs (Melampyrum arvense) est à son optimum. A cette époque pointe des anfractuosités rocheuses un taxon particulièrement rare: l'épervière mosane (Hieracium glaucinum var. mosanum), décrite par François Crépin à la fin du 19ème siècle.
Les Cinq Ânes
Le rocher des Cinq Ânes se trouve immédiatement en amont du Mérinos. Sur la partie supérieure de ce rocher se succèdent des gradins, c'est-à-dire des replats et petites falaises formées par les couches de calcaire très redressées, où la flore et la végétation sont remarquables. Plusieurs groupements végétaux y sont représentés: la hêtraie calcicole, la chênaie à charme thermophile, la lisière arbustive thermophile, les fourrés d'épineux, l'ourlet thermophile à sceau de Salomon odorant, la pelouse xérophile à seslérie, la pelouse rupestre à fétuque penchée, la pelouse méso-xérophile, les communautés de fissures.
1. La hêtraie calcicole couvre le sommet du versant mosan. C'est un groupement forestier c1imacique rare dans nos régions.
2. La chênaie à charme thermophile à laîche digitée présente le même cortège que sur le Mérinos.
3. La lisière thermophile rassemble l'épine-vinette (Berberis vulgaris), la viorne mancienne (Viburnum lantana), le cornouiller mâle (Cornus mas), le genévrier (Juniperus communis), le troène commun (Ligustrum vulgare), le fusain d'Europe (Euonymus europaeus), le nerprun purgatif (Rhamnus cathartica), le rosier rouillé (Rosa rubiginosa), l'alisier (Sorbus torminalis) et l'alouchier (Sorbus aria). Dans la vallée de la Meuse, cette dernière espèce n'est connue, historiquement, qu'en deux localités: à Bouvignes et sur les rochers calcaires dominant la partie aval du Colébi. La population des Cinq Ânes et abords est remarquable par le nombre d'individus et leur vigueur.
4. Les fourrés d'épineux comprennent le prunellier (Prunus spinosa), l'aubépine à un style (Crataegus monogyna), les ronces (Rubus sp.), le rosier des chiens (Rosa canina sensu lato), le rosier des champs (R. arvensis), le poirier sauvage (Pyrus communis subsp. pyraster), etc.
5. L'ourlet thermophile à sceau de Salomon odorant est très bien développé ici.
6. La pelouse xérophile à seslérie est par contre relativement peu représentée aux Cinq Ânes.
7. La pelouse rupestre à fétuque penchée est peu étendue sur le sommet des rochers. Elle occupe plutôt la dalle quasi verticale qui se trouve en dessous du site prospecté, s'emparant de la moindre fissure.
8. Une pelouse méso-xérophile occupe les replats et rassemble un mélange d'espèces végétales caractéristiques de différents groupements. En effet, on y observe des espèces de pelouse rupestre, des espèces de pelouse xérophile, des espèces de pelouse à orpins et des espèces d'ourlet. Là où arrivent les voies parcourues par les grimpeurs, cette pelouse est fort piétinée et sa composition floristique s'en ressent: diminution des espèces caractéristiques citées ci-dessus, apparition du brome stérile (Bromus sterilis) et de la clématite des haies (Clematis vitalba).
9. La communauté de fougère des fissures de rochers avec la rue-de-muraille (Asplenium ruta-muraria) et le cétérach (Ceterach officinarum).
Du point de vue botanique, le sommet du rocher des Cinq Ânes, formé des petits replats calcaires, est assez différent de celui du Mérinos qui est plus escarpé. Le premier est occupé surtout par une pelouse xérophile dominée par les chaméphytes, le second étant colonisé principalement par une pelouse rupestre à fétuque penchée. Les deux sites se complètent admirablement.
Le sentier des Pêcheurs
Le sentier des Pêcheurs descend régulièrement vers la Meuse. Il traverse une chênaie à charme thermophile dans laquelle on note les espèces caractéristiques: orchis mâle (Orchis mascula), primevère officinale (Primula veris), laîche digitée (Carex digitata), mais aussi violette de Rivin (Viola riviniana), anémone sylvie (Anemone nemorosa), ancolie (Aquilegia vulgaris), mélique uniflore (Melica uniflora), hellébore fétide (Helleborus foetidus), lamier jaune (Lamium galeobdolon subsp. montanum), etc. En bas de versant, la chênaie à charme laisse la place à des espèces de l'érablière de ravin comme le tilleul à larges feuilles (Tilia platyphyllos), le frêne (Fraxinus excelsior), la scolopendre (Asplenium scolopendrium), etc.
Le Pape et l'Al'Lègne
Les différents groupements présents sur ces deux rochers sont la hêtraie calcicole thermophile, les fourrés thermophiles, les fourrés d'épineux, les ourlets thermophiles à sceau de Salomon odorant, la pelouse rupestre à fétuque penchée, la pelouse à orpins et la pelouse xérophile. Le rocher du Pape est caractérisé par le développement remarquable de la hêtraie calcicole, l'abondance du cotonéaster sauvage (Cotoneaster integerrimus) et la présence de l'alisier (Sorbus torminalis), de l'alouchier (Sorbus aria) et de l'épervière mosane (Hieracium glaucinum var. mosanum).
1. Hêtraie calcicole thermophile. Les hêtres sont présents sous forme de vieilles cépées, très vigoureuses. Ils couronnent ou entourent les sommets des pointements rocheux. Un relevé regroupe Fagus sylvatica, Sorbus torminalis, Cotoneaster integerrimus, Ligustrum vulgare, Fraxinus excelsior, Lonicera periclymenum, Sesleria caerulea, Festuca lemanii, Carex digitata, Primula veris, Campanula rotundifolia, Hieracium murorum, Vincetoxicum hirundinaria, Taraxacum sect. Erythrosperma, Teucrium chamaedrys, Silene nutans, Polygala vulgaris, Hieracium pilosella, Sanguisorba minor, etc.
2. Fourrés thermophiles et d'épineux. L'ourlet arbustif est formé de Rhamnus cathartica, Viburnum lantana, Ligustrum vulgare, Cornus mas, Rhamnus cathartica, Cornus sanguinea, Prunus spinosa, Crataegus monogyna et Cotoneaster integerrimus, très abondant.
3. Ourlet thermophile à Polygonatum odoratum, Vincetoxicum hirundinaria, Ranunculus bulbosus, etc.
4. Pelouse rupestre . Surtout bien développée sur les dalles subverticales et sur le rebord des rochers, elle comprend Festuca pallens, Biscutella laevigata subsp. varia), Melica ciliata, Lactuca perennis, etc. Néanmoins, des éléments de cette pelouse s'avancent au sein des pelouses sèches qui couvre le sommet des rochers.
5. Pelouse à orpins. Elle occupe les petits replats et n'est jamais très étendue, s'intègrant à la mosaïque de pelouses sèches sommitales.
6. Pelouse xérophile. Dominée par les graminées Sesleria caerulea et Festuca lemanii, elle héberge de belles populations de silène penché (Silene nutans) et d'ail à tête ronde (Allium sphaerocephalon).
Dans les rochers et à leur pied poussent d'autres plantes intéressantes comme la pariétaire diffuse (Parietaria judaica) (rare dans la vallée de la Meuse), le géranium à feuilles rondes (Geranium rotundifolium), le géranium luisant (G. lucidum), la belladone (Atropa bella-donna), le sisymbre d'Autriche (Sisymbrium austriacum subsp. austriacum), etc.
7. Pelouse méso-xérophile. Le sommet des rochers forme un milieu très hétérogène: il se compose de petites falaises, de vires, de replats, de pentes plus ou moins abruptes dans lesquels divers groupements se télescopent. C'est ainsi qu'on y relève des éléments de pelouse rupestre à fétuque penchée, de pelouse à orpins, de pelouse xérophile, de groupement d'éboulis (avec par exemple Rumex scutatus), de fragments d'ourlet... et de quelques buissons qui sont arrivés à s'y implanter. La pelouse s'altère là où aboutissent des voies d'escalade, en particulier vers l'ouest. Le tapis végétal se modifie et le brome stérile (Bromus sterilis) et le brome mou (Bromus hordeaceus) deviennent alors dominants; l'ivraie vivace (Lolium perenne), le dactyle vulgaire (Dactylis glomerata) et le bec de grue (Erodium cicutarium) apparaissent. Notons ici l'absence de pelouse à seslérie. Le microclimat est très particulier. Il fait très chaud et très sec lors des journées ensoleillées, mais glacial lors des journées froides et venteuses.
Le sentier Christiane
Le sentier Christiane a été créé par un bénévole du Club alpin, Georges Christiane. Son but était d'éviter l'érosion de la pente et d'empêcher que les promeneurs ne descendent le versant en suivant la ligne de plus grande pente, entre les arbres, ce qui trace des couloirs d'érosion et ravage le sous-bois. Ce coteau était tellement érodé que la végétation n'arrivait plus à s'y maintenir. Depuis l'aménagement du sentier, les plantes se réinstallent et le sous-bois redevient verdoyant. Citons, entre autres espèces, la campanule à feuilles de pêcher (Campanula persicifolia) qui y forme une belle population. Le sentier permet d'atteindre le bas des rochers de l'Al'Lègne et du Pape et d'arriver jusqu'à la roche du Lion.
La berge droite de la Meuse
Les abords de la Meuse, au pied du versant et au niveau de son étroite plaine alluviale, montrent quelques plantes non rencontrée sur les rochers, comme le houblon (Humulus lupulus), la cardamine impatiente (Cardamine impatiens), l'ail des ours (Allium ursinum), la stellaire des bois (Stellaria nemorum), le lamier maculé (Lamium maculatum), etc. Rumex obtusifolius y serait représenté par la sous-espèce transiens, rare et à confirmer. On observe également l'orme champêtre (Ulmus minor), très abondant, l'aulne glutineux (Alnus glutinosa), le pigamon jaune (Thalictrum flavum), la lysimaque commune (Lysimachia vulgaris), l'épilobe hérissé (Epilobium hirsutum), l'iris jaune (Iris pseudacorus), la cardère velue (Dipsacus pilosus)...
La berge y apparait très érodée par le batillage. Les péniches et les bateaux de plaisance provoquent des vaguelettes parfois très dures qui détruisent la rive. Les emplacements occupés par les aulnes marquent bien l'ancien tracé de la berge.
Le rocher du Fromage
Le rocher du Fromage a été "nettoyé" par le Club alpin. Le lierre qui le recouvrait a été enlevé. Il est manifeste que la pelouse de falaise est en train de se reconstituer, avec la réapparition progressive de la fétuque penchée et de la lunetière.
Le rocher du Point de Vue
Le rocher du Point de Vue est laissé sauvage et est en grande partie recouvert de lierre. Son maintien dans cet état permet de comparer deux massifs voisins: l'un dégagé, l'autre enlierré.
Le chemin de la roche de la Jeunesse
Ce chemin a été récemment aménagé par des bénévoles du Club alpin et permet de regagner le plateau (ou d'en descendre). Ici aussi l'érosion due aux promeneurs pourra être fortement diminuée. La céphalanthère à grandes fleurs (Cephalanthera damasonium) y pousse, cette caractéristique de la hêtraie calcicole apparaissant ici un peu en dehors de son habitat habituel.
La faune des rochers de Freyr a été paradoxalement peu étudiée jusqu'à présent et les données disponibles sont éparses. Seules quelques espèces de vertébrés et d'insectes sont citées par BUNGART et SAINTENOY-SIMON (2008).
Parmi ces espèces, soulignons le lézard des murailles (Podarcis muralis) qui s'y montre en abondance, tandis que d'autres reptiles y seraient à rechercher, comme la coronelle lisse (Coronella austriaca).
Le lucane cerf-volant (Lucanus cervus), grand coléoptère emblématique et par ailleurs espèce d'intérêt communautaire, a été observé le 14 juin 2006 par G. Bungart sur le sommet du rocher du Mérinos.
Deux espèces de papillons se remarquent sur les éperons rocheux, où évoluent leurs plantes hôtes respectives: le premier, l'ariane (Lasiommata maera) est un habitant typique des zones rocheuses présentant une végétation herbacée pauvre; le second, l'argus bleu nacré (Lysandra coridon), est souvent le papillon dominant en été sur les pelouses calcicoles xériques, où sa chenille se développe sur l'hippocrépide en ombelle.
Le site héberge une riche malacofaune comme le montre un rapide sondage effectué en novembre 2011 (obs. G. Minet et J.-Y. Baugnée) sur une petite pelouse des Cinq Anes: près de 25 espèces y ont été recensées, les dominantes étant Helicella itala et Clausilia rugosa parvula. Parmi les espèces remarquables figurent Pyramidula pusilla, Abida secale, Truncatellina cylindrica, Chondrina avenacea, Sphyradium doliolum, etc.
Plusieurs hémiptères intéressants ont été observé sur cette même pelouse. Par exemple Sciocoris homalonotus, une punaise trouvée assez récemment en Belgique et connu de quelques autres sites en Wallonie. De même que Anaceratagallia frisia, cicadelle à aire de distribution européenne extrêmement limitée (Allemagne et Pays-Bas), qui constitue une nouveauté pour la faune belge !
Autre nouveauté signalée en 2012, le petit longicorne Tetrops starkii a été trouvé en juin sur un frêne par G. Minet (DRUMONT et al. 2012).