La Gravière Brock, aussi nommée gravière d'Hermalle-sous-Argenteau, est située dans la vallée de la Meuse en bordure du Canal Albert, au sud du pont d'Hermalle-sous-Argenteau. Le site se trouve à une dizaine de kilomètres en aval de Liège, à une altitude d'environ 55 m. Elle fut ouverte en 1983 à l'emplacement de terres agricoles reposant sur des alluvions modernes.
Le plan d'eau, de forme rectangulaire, s'étale dans un axe nord-sud sur une longueur approximative de 600 m pour une largeur maximale de 146 m (atteinte dans la partie nord). Il est alimenté exclusivement par la nappe phréatique de la plaine alluviale de la Meuse. La berge ouest, récemment remaniée, est doublée par un merlon enroché sur toute sa longueur, distant de 2-3 m de la berge. Plusieurs plateformes flottantes sont présentes dans la partie nord-est du plan d'eau.
L'étang est bordé à l'ouest par un haut talus obstruant la vue vers le Canal Albert et dominant un chemin de promenade qui permet de faire le tour du site. Au sud, s'étend la vaste friche industrielle de Chertal et à l'est les jardins des rues Florent Leruth et Ferdinand Lechanteur. Immédiatement au nord de la pièce d'eau se trouve une ancienne friche actuellement aménagée par la commune d'Oupeye comme zone de loisir et de découverte de la nature: des tables de pique-nique et des bancs ont été installés dans la partie sèche, de même qu'un hôtel à insectes et des panneaux didactiques, tandis qu'un caillebotis traverse une zone humide de quelques ares incluant une roselière et une mare.
Au début des années 2000 le site était encore largement ouvert et la végétation peu développée sur le pourtour de la gravière. Actuellement, les berges sont essentiellement colonisées par une frange arbustive et arborée, les zones de friches étant peu étendues et concentrées surtout dans le nord.
La fréquentation du site est importante, surtout par beau temps. On observait jadis la présence de déchets divers (cannettes et bouteilles, restes de pique-nique, places à feu, dépôts d'ordures, ...) mais la situation s'est nettement améliorée depuis.
La Gravière Brock a été décrite du point de vue biologique par A. Remacle dans le cadre de l'inventaire des carrières et sablières désaffectées de Wallonie. Cette description, figurant ci-après, est basée sur des observations effectuées principalement en 2004.
«Le plan d'eau montre une ceinture de végétation herbacée très partielle, constituée notamment de Phalaris arundinacea et de Typha latifolia, accompagnés de Carex hirta, C. cuprina, Eleocharis palustris, Lycopus europaeus, Epilobium hirsutum, Solanum dulcamara, Bidens sp.,... Dans l'eau s'est développée une abondante végétation aquatique, composée de Potamogeton crispus, Potamogeton sp. (à feuilles linéaires), Myriophyllum spicatum et Ceratophyllum demersum. Des ligneux, en particulier des saules, croissent sur le pourtour à plusieurs endroits.
La petite zone humide de la friche nord est envahie de Salix spp. On y trouve un massif de plus d'un are de Phragmites australis, une zone couverte d'Eleocharis palustris, des plages de Carex hirta, des plants peu nombreux de Carex acuta et C. cuprina, ainsi que des herbacées hygrophiles, comme Lycopus europaeus, Epilobium hirsutum, Pulicaria dysenterica et Lythrum salicaria.
Les parties hors eau sont occupées par une végétation de friche rudérale et par des ronciers, avec des ligneux par endroits (Betula pendula, Salix caprea, Populus sp., Robinia pseudoacacia, Crataegus monogyna, Rosa canina, Clematis vitalba,...). La strate herbacée est relativement diversifiée; elle est riche en fabacées (Melilotus albus, Medicago sativa, Lotus corniculatus, Trifolium spp., Vicia sativa, V. hirsuta, V. villosa,...) et en astéracées (e.a. Tussilago farfara, Senecio inaequidens, Erigeron annuus, Tanacetum vulgare, Cirsium arvense, Artemisia vulgaris, Eupatorium cannabinum, Solidago gigantea, Picris hieracioides, Achillea millefolium, Matricaria recutita). On y trouve aussi bien d'autres espèces, comme Ranunculus repens, R. acris, Cerastium glomeratum, Potentilla reptans, Symphytum officinale, Origanum vulgare et diverses poacées parmi lesquelles Calamagrostis epigejos, qui forme des plages importantes, Arrhenatherum elatius, Poa pratensis, P. compressa, Holcus lanatus, Agrostis stolonifera et Festuca arundinacea.
La proximité de nombreux jardins et le dépôt de déchets verts sur le pourtour ont conduit à l'installation de plusieurs espèces cultivées: Cotoneaster horizontalis, Rhus sp., Juglans regia, Asparagus officinalis, Lathyrus latifolius, Aster sp. et Yucca sp.»
Depuis lors, la végétation ligneuse s'est fortement développée s'accompagnant d'une réduction des zones de friches. Actuellement, les rives sont largement colonisées par une frange arbustive de saules (Salix spp.), aulnes (Alnus glutinosa et A. incana), robinier faux-acacia (Robinia pseudoacacia), bouleau verruqueux (Betula pendula), etc., à l'exception de la rive ouest remaniée récemment où l'on assiste à un envahissement par les buddleias (Buddleja davidii). Des roselières à phragmites (Phragmites australis) et massettes à larges feuilles (Typha latifolia) se maintiennent localement, principalement le long de la rive nord.
La flore, riche de plus de 150 espèces de plantes supérieures, rassemble plusieurs éléments d'intérêt patrimonial, dont le cornifle ou cératophylle épineux (Ceratophyllum demersum), classé comme vulnérable sur la liste rouge wallonne, le faux-nénuphar (Nymphoides peltata), en danger critique, et le potamot à feuilles capillaires (Potamogeton trichoides), également en danger critique au niveau régional.
Intérêt faunistique de la Gravière Brock
Etant situé sur un axe de migration, ce plan d'eau présente un intérêt ornithologique particulièrement élevé, même si celui-ci s'est amenuisé au fil des ans. Pas moins de 130 espèces d'oiseaux y ont été observées depuis le début des années 2000 (source: Aves et obs.be).
Jusqu'au début des années 2000, cette gravière constituait un important site d'hivernage pour les oiseaux d'eau en Basse-Meuse, en particulier pour les fuligules milouin (Aythya ferina) et morillon (A. fuligula) dont les nombres maxima atteints étaient de l'ordre de 2000 pour le premier et de 350 pour le second. Ces deux anatidés sont toujours très réguliers, y compris en période de nidification, mais leurs effectifs se sont depuis fortement réduits et dépassent rarement les 200 oiseaux (pour la période post 2010). Les autres espèces fréquentant régulièrement ce plan d'eau durant les migrations et en période hivernale sont le canard colvert (Anas platyrhynchos), la foulque macroule (Fulica atra) (max. 50 ex.), la sarcelle d'hiver (Anas crecca), le canard chipeau (Anas strepera) (max. 23 ex. en 2010), la mouette rieuse (Chroicocephalus ridibundus), la bernache nonnette (Branta leucopsis), la gallinule poule d'eau (Gallinula chloropus), le goéland cendré (Larus canus), le goéland pontique (Larus cachinnans), le grand cormoran (Phalacrocorax carbo), le grèbe castagneux (Tachybaptus ruficollis), le héron cendré (Ardea cinerea), le goéland brun (Larus fuscus). D'autres apparaissent plus occasionnellement et en petit nombre, comme le canard siffleur (Anas penelope), le canard souchet (Anas clypeata), le goéland argenté (Larus argentatus), le goéland leucophée (Larus michahellis), le harle bièvre (Mergus merganser), l'oie cendrée (Anser anser), etc. Les limicoles sont globalement très peu fréquents, la raison principale étant la rareté des plages de vases où ces oiseaux pourraient se nourrir; l'espèce la plus souvent notée est le chevalier guignette (Actitis hypoleucos) (quelques ex. annuellement), suivi par le petit gravelot (Charadrius dubius) (3 obs.), la bécassine des marais (Gallinago gallinago) ou encore le chevalier culblanc (Tringa ochropus). La rémiz penduline (Remiz pendulinus), potentiellement nicheuse, reste un visiteur rare surtout noté en hiver (1-4 ex., la dernière occurrence en mars 2016).
Le site est par ailleurs fort apprécié par les trois espèces d'hirondelles et du martinet noir en migration. Il voit aussi parfois l'apparition de raretés, par exemple ce cormoran pygmée (Microcarbo pygmeus) et cette harelde boréale (Clangula hyemalis) observés début mars 2003, ce plongeon imbrin (Gavia immer) en décembre 2009, ce fuligule nyroca (Aythya nyroca) ayant séjourné durant l'hiver 2015-2016, ou encore cette hirondelle rousseline (Cecropis daurica) survolant l'étang le 1er mai 2018. On épinglera encore l'observation, fin octobre et début novembre 2017, d'une mésange azurée (Cyanistes cyanus) échappée de captivité, cette espèce orientale étant exceptionnelle dans nos régions.
Les principales espèces nicheuses sur le site sont le canard colvert (Anas platyrhynchos), les fuligules milouin (Aythya ferina) et morillon (A. fuligula), la foulque macroule (Fulica atra), le grèbe huppé (Podiceps cristatus), le cygne tuberculé (Cygnus olor), la gallinule poule d'eau (Gallinula chloropus), le martin-pêcheur d'Europe (Alcedo atthis) ainsi que les exotiques bernache du Canada (Branta canadensis) et ouette d'Egypte (Alopochen aegyptiaca). En ce qui concerne le milouin, la gravière Brock est le seul site de région liégeoise où la reproduction a encore été prouvée ces dernières années. La friche nord et sa roselière accueille en outre le bruant des roseaux (Emberiza schoeniclus), la rousserolle effarvatte (Acrocephalus scirpaceus), le tarier pâtre (Saxicola torquatus), entre autres.
Du point de vue herpétologique, la gravière constitue un site de reproduction pour au moins 6 espèces d'amphibiens: triton ponctué (Lissotriton vulgaris), grenouille rousse (Rana temporaria), grenouille verte (Pelophylax kl. esculentus), grenouille rieuse (Pelophylax ridibundus), crapaud commun (Bufo bufo) et crapaud calamite (Bufo calamita), ce dernier étant surtout concentré dans la vaste friche voisine de Chertal. En revanche, un seul reptile a été signalé à ce jour: c'est la tortue de Floride (Trachemys scripta), une espèce exotique bien installée depuis quelques décennies en Basse-Meuse.
L'intérêt entomologique reste pour une grande part à documenter. Les groupes les mieux connus sont les Lépidoptères rhopalocères (ou papillons de jour) et les odonates (ou libellules).
Le premier groupe est représenté par une petite vingtaine d'espèces, la plupart banales en Région wallonne. On soulignera toutefois la présence du demi-argus (Polyommatus semiargus) assez abondant dans les années 2000 (obs. A. Remacle) mais plus guère signalé depuis lors, peut-être suite au reboisement des friches bordant le plan d'eau. L'observation de la piéride de la moutarde (Leptidea sinapis s.l.), du collier de corail (Aricia agestis) et de l'hespérie de l'alcée (Carcharodus alceae) est également intéressante, de même que celle du petit nacré (Issoria lathonia) mais cette dernière datant de 2009 correspond probablement à un individu erratique.
Quant aux libellules, la diversité spécifique observée est assez moyenne, avec 20 espèces recensées depuis le début des années 2000, dont le leste brun (Sympecma fusca), l'anax napolitain (Anax parthenope), l'agrion à longs cercoïdes (Erythromma lindenii).
On y signale en outre l'un ou l'autre insecte peu commun, comme l'eucère noirâtre (Eucera nigrescens), une abeille solitaire légalement protégée en Région wallonne capturée en 2014 (coll. ISA La Reid), ou encore l'oedipode turquoise ou criquet à ailes bleues (Oedipoda caerulescens).