Le site considéré ici se trouve entre Jemelle et Rochefort, en rive gauche de la Lomme, en Calestienne centrale. Il s'articule principalement autour du promontoire calcaire du Tier au Fond des Valennes et de l'ancienne voie ferrée qui reliait les deux localités et qui est maintenant transformée en piste cyclable et piétonne (voie lente du réseau RAVeL). Il est limité au nord par la Lomme et au sud par le Fond des Valennes, en incluant la partie aval du vallon du ruisseau du Fond des Valennes, qui passe sous l'assise de la voie ferrée à son premier tiers oriental, ainsi que la zone de confluence du ruisseau de la Haie Lagaisse, plus à l'ouest.
Ouvert en 1880, le tronçon de la ligne ferroviaire 150 compris entre la gare de Jemelle et celle de Rochefort s'étendait à l'origine sur 3,8 km. Le trafic passagers s'est arrêté en 1959 et après sa suppression en en 1978 la ligne est restée à l'abandon jusqu'à la fin des années 1990. L'aménagement de l'assise en voie lente a eu lieu vers 2001. La partie concernée par le présent site s'étale sur 2,4 km depuis le pont du Congo qui enjambe la Lomme à Jemelle, jusqu'au pont de la Lomme situé près du croisement de l'Avenue de Ninove (N86), à l'entrée de Rochefort. Le tiers oriental du chemin de fer a été réalisé en tranchée, à peu près jusqu'au ruisseau du Fond des Valennes, tandis que les deux-tiers ouest sont en talus. L'axe général du tronçon est orienté est-ouest. L'altitude varie de 180 m au niveau de la Lomme, à 230 m au sommet du Tier au Fond des Valennes.
Le contexte géologique de la région a été décrit par VAN DE POEL (1968) et plus récemment par DELVAUX DE FENFFE (1985), LEURQUIN (2002) et MARION et al. (2011). Très schématiquement, le site repose sur les calcaires dévoniens de la Calestienne, région située au bord sud du synclinorium de Dinant et séparant l'Ardenne de la dépression de la Famenne. L'anticlinal de Sainte-Odile constitué principalement de schistes du Couvinien forme la limite sud de notre site. Correspondant en surface aux lieux-dits Beauregard et Fond des Valennes, c'est cet anticlinal qui été entamé par le creusement de la tranchée ferroviaire sur les 1000 premiers mètres depuis Jemelle. Vers le nord et l'ouest se succèdent ensuite, jusqu'à la vallée de la Lomme, des calcaires et calcschistes à calcéoles du Couvinien, des calcaires de Charlemont et des calcaires de Fromelenne du Givetien. Le long du RAVeL, un affleurement de calcaire givétien est visible en particulier à hauteur d'une ancienne cabine électrique. La tranchée de l'ancienne voie ferrée est considérée comme l'un des deux sites de référence de la Formation de Jemelle et de la Formation de la Lomme (BULTYNCK et al., 1991).
Ces calcaires renferment les phénomènes karstiques les plus importants de Wallonie (WILLEMS et al., 2011). La Lomme entre Jemelle et Rochefort est particulièrement affectée par ce karst comme en témoigne les nombreuses grottes, dolines, pertes... Citons en l'occurrence, dans les limites du site, la grotte du Pré-au-Tonneau, une cavité importante s'ouvrant dans le versant de rive gauche de la rivière, à 180 m d'altitude. Ce gouffre est bien visible en contrebas du RAVeL, à gauche en allant vers Rochefort, à peu près à l'endroit où la Lomme rejoint l'ancienne voie ferrée après son passage au-delà de la colline du Tier au Fond des Valennes. D'après WILLEMS et EK (2011) qui ont synthétisé les informations à son sujet, c'était une des pertes principales de la Lomme avant d'en être séparée par la construction du talus du chemin de fer en 1880. Présentant un développement d'environ 215 m, la cavité s'ouvre dans la Formation de Mont d'Haurs et donne accès à des passages suivant la stratification (axe des plis ou pendage). On y observe des passages étroits, par endroit de section circulaire, des diaclases, des éboulements, et le sol y est jonché de galets ronds et d'argiles issus de dépôts d'une rivière souterraine qui se manifeste en période de hautes eaux. Cette rivière peut alors surgir hors de la grotte et inonder la zone entre le versant et le talus du chemin de fer (fonctionnement temporaire de type résurgence).
Du point de vue biogéographique, le site se localise en région continentale et dans le district phytogéographique mosan.
Le site présente des groupements calcicoles diversifiés en relation avec l'exposition et la topographie. Il est connu historiquement suite à la découverte du rarissime Polystichum lonchitis en 1959 par L. Delvosalle et revu à plusieurs reprises, notamment en 1984 par J.E. De Langhe et R. D'Hose (voir ROBERFROID et SAINTENOY-SIMON, 2013). Cette fougère n'a cependant pas été notée récemment et elle devrait y être recherchée.
Les observations botaniques décrites ci-après ont été réalisée principalement en 2008 (J.-Y. BAUGNEE).
A l'est du pont du cimetière de Jemelle, la pente rocheuse exposée au sud est couverte d'une végétation thermophile intéressante:
* pelouses ouvertes à Melica ciliata, Silene nutans, Sanguisorba minor, Arrhenatherum elatius, Sedum album, Sedum rupestre, Thlaspi perfoliatum, Geranium dissectum, Bromus erectus, Potentilla neumanniana, Hieracium pilosella, Echium vulgare, Senecio inaequidens, etc.
* groupement d'éboulis à Rumex scutatus, Geranium robertianum, Vincetoxicum hirundinaria, ...
* groupement de fougères rupestres avec Ceterach officinarum, Asplenium ruta-muraria, Asplenium trichomanes, etc.
* fourrés à Clematis vitalba, Rosa canina s.l., Prunus spinosa, Cytisus scoparius, Rubus spp., Viburnum opulus, Salix caprea, ... nappes de Hedera helix et recolonisation forestière par Quercus robur, Acer pseudoplatanus, Fraxinus excelsior.
Les bermes montrent diverses espèces de friches, comme Senecio jacobaea (abondant), Arrhenatherum elatius, Poa compressa, Fragaria vesca, Geranium robertianum, Geum urbanum, Taraxacum sp., Equisetum arvense, Carex flacca, Hypericum perforatum, Poa pratensis, Dactylis glomerata, Holcus lanatus, Prunella vulgaris, Galium mollugo, Bromus hordeaceus, Hieracium pilosella, Pimpinella saxifraga, Vicia hirsuta, Lapsana communis, Picris hieracioides, Epilobium angustifolium, Cardamine hirsuta, Anthoxanthum odoratum, Hypericum hirsutum, Poa pratensis, etc., ainsi que des éléments de pelouses ouvertes, dans les zones piétinées ou de cendrées: Poa annua, Erophila verna, Thlaspi perfoliatum, Vulpia myuros, Herniaria glabra, Sagina procumbens, Geranium columbinum, Echium vulgare, Veronica arvensis, etc.
La renouée du Japon Fallopia japonica se développe sur la berme au pied du versant nord, sur environ 30 m (en 2008).
Partiellement sous eau une grande partie de l'année, les fossés de part et d'autre de la piste cyclable renferment Epilobium hirsutum, Calystegia sepium, Equisetum fluviatile, Nasturtium officinale, Veronica beccabunga, Typha latifolia (quelques pieds), Glyceria sp., Valeriana repens, Alisma plantago-aquatica, etc. Sous l'ombre du pont est présent un petit peuplement de Chara sp. (non fertile).
De très nombreuses larves de salamandre tachetée Salamandra salamandra ainsi que des tétards de crapaud accoucheur Alytes obstetricans ont été observés dans ces fossés.
Toujours à ce niveau de la tranchée, le versant exposé au nord, encore davantage escarpé, est couvert d'un taillis frais et ombragé. Les mousses Hylocomium splendens et Rhytidiadelphus triquetrus y forment d'épais tapis. Un beau peuplement de fougères peuple la paroi: Polystichum aculeatum, Gymnocarpium robertianum, Dryopteris filix-mas, Asplenium trichomanes subsp. quadrivalens, etc.
Plus à l'ouest, en direction de Rochefort (à hauteur de la cabine électrique), un petite zone rocheuse bien éclairée sur le flanc sud porte une pelouse calcicole xérique à Carex humilis, Geranium sanguineum, Anthericum liliago, Teucrium chamaedrys, Hippocrepis comosa, Sedum album, Sesleria caerulea, Melica ciliata, Sanguisorba minor, Helianthemum nummularium, Stachys officinalis, Euphorbia cyparissias, Scabiosa columbaria, etc. Certaines de ces plantes, comme G. sanguineum et S. caerulea, se retrouvent en contrebas, sur la berme de la piste cyclable. Dans la lisière évolue Cotoneaster integerrimus, Vincetoxicum hirundinaria, Rhamnus cathartica, Cornus sanguinea, Viburnum lantana, Digitalis lutea, Viola hirta, Hedera helix, Quercus robur, Prunus spinosa, etc.
De nos jours, la zone vallonnée du Tier au Fond des Valennes qui surplombe la Lomme entre Jemelle et Rochefort apparaît particulièrement sauvage et indemne de construction, mais certains vestiges témoignent pourtant d'une occupation humaine très ancienne. Le plus remarquable est sans nul doute l'Oppidum de Jemelle, aussi appelé le Vieux Château. Installée sur le haut de la colline, dans le Bois du Fayt, cette fortification gallo-romaine fut édifiée au 1er siècle avant notre ère et constitue un bel exemple de refuge en éperon barré à fossés.
Plus récemment, le fait majeur qui est intervenu dans ce secteur est le creusement d'une tranchée pour l'aménagement du tronçon de la voie ferrée entre Houyet et Jemelle de la ligne 150, au tout début des années 1880. La raison d'être de la réalisation d'une telle infrastructure était la mise en jonction du bassin industriel de la basse Sambre avec celui des Ardennes françaises.
Les 3,8 kms de voies entre Jemelle et Rochefort ont été ouverts le 15 septembre 1880 tandis que la fermeture du trafic voyageurs est intervenue le 13 avril 1959 (source: Wikipedia).
En 1988, ce tronçon fut partiellement aménagé pour y accueillir le G.L.T. (Guided Light Transport), une sorte de bus monorail testé par l'entreprise canadienne Bombardier, mais le projet fut un fiasco et abandonné. Au début des années 2000, l'assise fut convertie en voie lente du réseau RAVeL.