Le contexte géographique et géologique du site est bien décrit par DELESCAILLE et al. (1990). La Roche Trouée s'étend en Calestienne occidentale, au sud-est du village de Nismes. Il est limité au sud par la route Couvin-Givet et à l'ouest par le ruisseau Saint-Joseph, affluent de l'Eau Noire (bassin du Viroin). Il doit son nom à la présence d'un éperon rocheux percé dont l'orifice correspond à un ancien conduit souterrain. Cet éperon se trouve à l'extrémité occidentale d'une colline orientée SO-NE.
La Roche Trouée a été utilisée comme abri ou refuge temporaire, comme en témoigne la découverte de vestiges datant du Paléolithique supérieur (Aurignacien) et du Néolithique final, de même que des traces d'occupation durant la période romaine (MARIEN, 1963). A une époque plus récente, quelques petites carrières furent exploitées artisanalement sur les flancs de la colline.
La colline repose sur des roches du Couvinien supérieur (Co 2b), visibles au niveau d'affleurements apparaissant ici et là (talus de route, carrière, etc.). Depuis la route jusqu'au sommet de la colline, on rencontre plusieurs unités stratigraphiques:
- un calcaire argileux et des schistes au niveau du talus de route;
- un hiatus de 15 à 20 m;
- un calcaire fin et sombre, bien lité, à débris organiques épars sur une épaisseur de 20 à 22 m, pouvant être interrompu par un banc de calcaire d'origine coralliaire (carrière);
- un calcaire massif montrant la faune caractéristique des récifs coralliaires couviniens, sur une épaisseur d'au moins 70 m.
La direction générale des couches fortement redressées détermine l'axe d'allongement de la colline.
La Roche Trouée présente un grand nombre de phénomènes karstiques d'origine et d'âges différents. Sur le plateau, on trouve des poches de dissolution dont l'origine est à rapprocher de celle du Fondry des Chiens ou des Abannets voisins, phénomènes datés du Tertiaire. Actuellement réduit à un petit filet d'eau, le ruisseau Saint-Joseph était jadis probablement bien plus important comme le laisse supposer la morphologie de sa vallée. On observe en effet une falaise semi-circulaire creusée dans le calcaire massif, poli et crevassé par l'érosion. Un amoncellement d'énormes blocs au pied de cette falaise correspond à l'effondrement d'une salle ou d'un porche fossile, pouvant être attribué à l'action érosive ancienne du ruisseau. En outre, le pied de la falaise est percée de petits conduits souterrains à développement réduit mais qui auraient pu constituer des points d'absorption du ruisseau. Ces phénomènes datent probablement du Pléistocène (EK et POTY, 1982).
Au sud de la falaise, à une altitude légèrement inférieure, on trouve également plusieurs pertes fossiles ainsi que des chantoirs actifs.
La Roche Trouée a fait l'objet d'une publication détaillée par DELESCAILLE et al. (1990) de laquelle sont extraites diverses informations données ci-après.
Le site renferme plusieurs types de végétations calcicoles.
Les rochers et les replats bien éclairés portent une pelouse ouverte à Arenaria serpyllifolia, Erophila verna subsp. spathulata, Teucrium botrys, Arabis hirsuta, Acinos arvensis, Sedum rupestre, Sedum album, Sedum acre, etc. Cette végétation se retrouve également sur le talus de la route.
Les zones rocailleuses à sol superficiel accueillent une pelouse xérique à Globularia bisnagarica, Sesleria caerulea, Melica ciliata, Teucrium chamaedrys, Hippocrepis comosa, Thymus praecox, Potentilla neumanniana, etc.
Un certain nombre de ces espèces se rencontrent également dans les pelouses plus mésophiles, sur sol plus profond, en compagnie de Carex caryophyllea, Carex flacca, Festuca lemanii, Briza media, Koeleria macrantha, Sanguisorba minor, Plantago media, Cirsium acaule, Scabiosa columbaria, Ophrys fuciflora, Himantoglossum hircinum, Pulsatilla vulgaris, ...
On observe également des pelouses mésophiles denses dominées par Brachypodium pinnatum, au sein desquelles seules quelques autres plantes arrivent à se maintenir, comme Centaurea scabiosa, Sanguisorba minor, Avenula pubescens. Au contact des lisières de fourrés, diverses espèces d'ourlet s'épanouissent: Bupleurum falcatum, Origanum vulgare, Platanthera chlorantha, Orchis mascula, Inula conyzae, Vincetoxicum hirundinaria, Digitalis lutea, Fragaria vesca, etc.
Les fourrés sont constitués de Prunus spinosa, Crataegus monogyna, Rosa canina, Cornus sanguinea, Viburnum lantana, Corylus avellana, Quercus robur, Euonymus europaeus, Rhamnus cathartica, ...
Le boisement feuillu s'apparente à la chênaie à charme calciphile avec notamment en sous-bois Orchis mascula, Primula veris, Ligustrum vulgare, ...
Une partie du site fut artificiellement reboisée avec des pins noirs d'Autriche (Pinus nigra subsp. nigra).
La faune de la Roche Trouée est d'une grande richesse, en raison de la diversité écologique et topographique du site.
Les données les plus abondantes concernent certains groupes entomologiques, et plus particulièrement les Lépidoptères rhopalocères, ou papillons de jour. DELESCAILLE et al. (1990) signalaient y avoir recensé plus de 40 espèces. A cette époque (fin des années 1980), le milieu était davantage boisé et des surfaces relativement restreintes de pelouses calcicoles étaient progressivement dégagées et restaurées. Les travaux de gestion, amplifiés durant les années suivantes, ont permis d'étendre considérablement les pelouses (> 4,5 ha), ce qui a eu un effet positif sur la faune lépidoptérologique. Ainsi, pas moins de 55 espèces ont été recensées entre 2000 et 2010, dont de nombreux éléments remarquables comme Boloria dia, Argynnis adippe, Satyrium ilicis, Thymelicus acteon, Plebejus argus, Lysandra coridon, Hamearis lucina, Iphiclides podalirius, Spialia sertorius, etc.
Ces mêmes auteurs mentionnent la présence de 14 espèces d'Orthoptères ainsi que plusieurs dizaines d'espèces de punaises et de mollusques gastéropodes.
Les pelouses sont fréquentées par deux sauterelles intéressantes, Metrioptera bicolor et Metrioptera brachyptera, cette dernière étant une espèce plus habituelle des landes à bruyères. La troisième espèce du genre, Metrioptera roeselii, a été observée récemment sur le site (obs. D. Testaert). Stenobothrus lineatus est également bien représenté, tout comme Chorthippus biguttulus, espèce très commune des milieux ouverts.
Les zones rocheuses hébergent notamment Chondrina avenacea, Abida secale et Pupilla muscorum, parmi les gastéropodes les plus typiques.
Les punaises sont représentées par diverses espèces peu communes comme Rhyparochromus phoeniceus, Copium clavicorne, Macroplax preyssleri, Tropidothorax leucopterus, Ischnocoris hemipterus, Catoplatus horvathi, Phymata crassipes, etc.
Les fourmis ont été étudiée récemment par DEKONINCK et al. (2007) sur base de piégeages effectués dans une pelouse méso-xérophile à Brachypodium pinnatum; le cortège spécifique rassemble Formica cunicularia, Formica fusca, Formica lusatica, Formica rufibarbis, Lasius alienus, Lasius flavus, Lasius mixtus, Lasius platythorax, Lasius sabularum, Temnothorax albipennis, Myrmica sabuleti, Myrmica scabrinodis, Myrmecina graminicola, Ponera coarctata, Tapinoma erraticum.
Les reptiles ont sans doute profité de l'ouverture du milieu. Le site abrite une population de lézard des murailles (Podarcis muralis) et on a signalé aussi la présence du lézard vivipare (Zootoca vivipara) (DELESCAILLE et al., 1990) ainsi que de l'orvet (Anguis fragilis) et de la coronelle lisse (Coronella austriaca).
Les cavités karstiques ne sont pas dépourvues d'intérêt biologique puisqu'au moins trois espèces de chauves-souris y ont été observées en hibernation, à savoir le murin à moustache ou de Brandt (Myotis mystacinus/brandtii), le grand murin (Myotis myotis) et le grand rhinolophe (Rhinolophus ferrumequinum) (obs. G. Motte 1999).