Le terril Sainte-Barbe et Tonne, ou Molinvaux, a été décrit en détail par COMPERE & FRANKARD (1992). Situé au nord du centre-ville de Liège, dominant les quartiers de Sainte-Walburge et Xhovémont, ce terril occupe la bordure du plateau hesbignon à une altitude de 180 m. Il est donc visible de loin et apparaît comme l'une des rares collines boisées en rive gauche de la Meuse.
Malgré une hauteur relativement modeste (50 m), il s'agit d'un terril de grande taille occupant une surface de près de 17 hectares pour un volume estimé à 4.500.000 m3. Sa forme est celle d'un tronc de cône légèrement allongé selon un axe est-ouest. Le sommet du terril se présente comme un vaste plateau (env. 2 ha) auquel on accède par un sentier en pente douce qui emprunte une ancienne voie d'accès pour les camions. Deux mares temporaires y sont présentes, l'une située à peu près au centre du plateau, en situation ombragée, l'autre, plus petite, dans l'angle nord-est en un endroit ouvert. Ces mares déterminent chacune une zone humide même durant les périodes les plus sèches de l'été.
Les pentes sud et ouest du terril sont relativement abruptes et difficilement accessibles. Les versants nord et est, en revanche, présentent plusieurs replats facilitant la circulation. Le replat le plus important (1,2 ha) est situé au bas du versant nord et s'étend jusqu'à la rue du Sergent Merx. Il comporte plusieurs suintements issus du terril et entretenant de petites zones humides, y compris une mare permanente d'environ 50 m2. Les deux autres replats, de moindre superficie, sont localisés sur le flanc est, de part et d'autre du chemin d'accès.
Le sol du terril est constitué d'un substrat non brulé riche en éléments fins; les particules d'un diamètre inférieur à 5 mm représenteraient jusqu'à 27% du poids du sol (d'après les données granulométriques fournies par l'INIEX, à l'époque). Le pH est très variable d'un endroit à l'autre, variant de 4,4 à 7,5, le versant sud présentant les valeurs les plus basses, tandis que le flanc nord montre un pH neutre ou légèrement basique (FRANKARD, 1984).
Ces sols apparaissent plus tassés et compacts que sur d'autres terrils liégeois. Cela s'explique par le fait que le chargement du terril a été effectué principalement par des camions, dont les passages répétés entrainent un tassement plus important que par wagonnets. Le tassement du sol et la relative abondance d'éléments fins conduisent à une diminution de la perméabilité et à la présence de mares.
La fin de l'exploitation du terril Sainte-Barbe et Tonne date de 1965. Il est actuellement largement boisé, par plantations et colonisations spontanées.
La végétation et la flore du terril Sainte-Barbe et Tonne ont été décrites par FRANKARD (1984) et les données complétées quelques années plus tard par COMPERE & FRANKARD (1992).
Cette dernière étude signale la présence de quelque 129 espèces de plantes vasculaires, se répartissant en 40 ligneux et 92 espèces herbacées, parmi lesquelles trois sont rares à très rares dans le district brabançon: le camérisier (Lonicera xylosteum), arbuste calcicole dont l'indigénat sur le site est cependant à confirmer, la petite pyrole (Pyrola minor) qui occupe les boulaies de colonisation, et la callitriche à crochets (Callitriche hamulata), plante aquatique rarissime dans la région. Ces 129 espèces végétales représentent presque la moitié de la richesse spécifique globale de l'ensemble des terrils liégeois (FRANKARD, 1984).
Cette diversité remarquable s'explique directement par la variété des situations rencontrées sur le terril. L'un des facteurs déterminants est l'amplitude du pH du substrat qui permet, selon les endroits, l'installation de plantes calciphiles, neutrophiles ou acidiphiles, en mélange avec diverses espèces ubiquistes et indifférentes. La coexistence de parties boisées et de zones ouvertes, la présence de secteurs plus humides, de suintements et de mares, entraînent également une forte diversification du couvert végétal.
Cependant, comme c'est le cas de beaucoup de sites d'origine anthropique, en particulier ceux localisés en zones urbaines et périurbaines, on soulignera la présence de diverses plantes exotiques, souvent naturalisées, parfois plantées volontairement (par ex. le robinier) ou échappées des jardins, mais toujours susceptibles de montrer un caractère envahissant.
COMPERE & FRANKARD (1992) ont distingué cinq secteurs sur le terril: le versant ouest, le versant sud, le versant est, le versant nord et le plateau sommital (rem.: dans cette étude, les versants est et ouest ont été inversés, tant dans le texte que sur le plan de la fig. 1).
Le versant ouest:
Ce versant est essentiellement occupé par une boulaie de colonisation à pâturin des bois (Poa nemoralis). La strate arborée est exclusivement constituée par le bouleau verruqueux (Betula pendula). Le sous-bois, étonnamment pauvre en ronce (Rubus sp.), renferme divers autres ligneux tels que le cotonéaster horizontal (Cotoneaster horizontalis), le cotonéaster à feuilles de saule (Cotoneaster salicifolius), l'aubépine à un style (Crataegus monogyna), le mahonia (Mahonia aquifolium), le groseillier rouge (Ribes rubrum), l'aulne glutineux (Alnus glutinosa), le bouleau pubescent (Betula pubescens), le hêtre (Fagus sylvatica), le merisier (Prunus avium), le cerisier tardif (Prunus serotina), le chêne pédonculé (Quercus robur), le sorbier des oiseleurs (Sorbus aucuparia). Dans la strate herbacée, outre le pâturin des bois, on reconnaît l'alliaire (Alliaria petiolata), l'armoise vulgaire (Artemisia vulgaris), l'épilobe à feuilles étroites (Epilobium angustifolium), l'eupatoire chanvrine (Eupatorium cannabinum), le gaillet gratteron (Galium aparine), le galéopsis tétrahit (Galeopsis tetrahit), l'épervière vulgaire (Hieracium lachenalii), l'épervière de Savoie (Hieracium sabaudum), le lamier blanc (Lamium album), le fromental (Arrhenatherum elatius), la houlque velue (Holcus lanatus), la linaire commune (Linaria vulgaris), la véronique de Perse (Veronica persica), la carline commune (Carlina vulgaris), l'épervière de Bauhin (Hieracium bauhinii), c'est-à-dire un mélange d'espèces sylvatiques, prairiales, rudérales et de pelouses sèches. La strate muscinale y est très réduite.
Le versant sud:
La boulaie de colonisation du flanc occidental se prolonge sur le versant sud, en s'enrichissant toutefois en espèces ligneuses, tout en voyant l'importance de la strate herbacée diminuer. Ainsi, aux côtés du bouleau verruqueux apparaissent notamment l'érable plane (Acer platanoides), l'érable sycomore (Acer pseudoplatanus) et le robinier faux-acacia (Robinia pseudoacacia). En sous-bois, les ronces (Rubus sp.) y sont nettement plus présentes, aux côtés du sureau noir (Sambucus nigra), mais aussi du coudrier (Corylus avellana), du frêne commun (Fraxinus excelsior), du lierre (Hedera helix), du houx (Ilex aquifolium), du troène commun (Ligustrum vulgare), du pommier sauvage (Malus sylvestris), de l'églantier (Rosa canina), etc. Il s'agit d'une des parties les plus anciennement boisées du terril et son accès y est malaisé en raison d'une forte déclivité et de la densité de la strate arbustive. Cette zone joue donc un rôle important comme refuge pour certaines espèces animales sensibles aux dérangements humains.
Le versant est:
Parcouru par le chemin d'accès principal, le flanc oriental apparaît comme la zone la plus riche du terril en ce qui concerne la variété de plantes ligneuses. On y observe un bois de colonisation dans lequel le bouleau verruqueux (Betula pendula) est certes prédominant mais tend à reculer au profit d'autres essences forestières comme les érables (Acer spp.), l'aulne glutineux (Alnus glutinosa), le frêne commun (Fraxinus excelsior), le sorbier des oiseleurs (Sorbus aucuparia), etc. La strate arbustive est riche en espèces et comprend, outre celles citées précédemment, une espèce rare au nord de la Meuse, le camérisier ou chèvrefeuille des haies (Lonicera xylosteum), arbrisseau calcicole et plutôt xérophile. On peut y ajouter la présence de jeunes ifs (Taxus baccata) et chênes rouges (Quercus rubra), espèces ligneuses naturalisées sur nombre de terrils de la région. Dans le sous-bois, la flore herbacée est relativement pauvre, au contraire de la strate muscinale. Elle est par contre très développée aux abords du chemin d'accès, plus ouverts, où l'on observe principalement des plantes de friches et de prairies: achillée millefeuille (Achillea millefolium), fromental (Arrhenatherum elatius), aster à feuilles de saule (Aster salignus), dactyle aggloméré (Dactylis glomerata), carotte sauvage (Daucus carota), géranium herbe à Robert (Geranium robertianum), benoîte commune (Geum urbanum), linaire commune (Linaria vulgaris), compagnon blanc (Silene latifolia subsp. alba), compagnon rouge (Silene dioica), mélilot blanc (Melilotus albus), mélilot officinal (Melilotus officinalis), plantain lancéolé (Plantago lanceolata), etc. Différentes acidophiles sont présentes également dont la canche flexueuse (Deschampsia flexuosa), le pâturin des bois (Poa nemoralis), la petite oseille (Rumex acetosella), la vulpie queue-de-rat (Vulpia myuros), la violette de Rivin (Viola riviniana) mais également la petite pyrole (Pyrola minor) qui forme une très belle station dans le sous-bois du replat au sud du chemin d'accès.
Le versant nord:
Alors que sur la majorité des terrils, le flanc exposé au nord est le plus rapidement colonisé par la végétation forestière, la situation est inverse sur le terril Sainte-Barbe et Tonne où il subsistait, du moins à la fin des années 1980 et début des années 1990, d'importantes zones ouvertes occupées par des groupements végétaux pionniers des pentes mobiles, tandis que les autres versants étaient déjà largement boisés. Ces groupements sont caractérisés par la prédominance, selon les endroits, de l'oseille ronde (Rumex scutatus), du tussilage (Tussilago farfara) ou de la clématite des haies (Clematis vitalba). En raison d'un pH élevé du substrat, plusieurs plantes calcicoles s'y développent, comme la picride fausse-épervière (Picris hieracioides), la vipérine (Echium vulgare), la carline commune (Carlina vulgaris), mais aussi d'autres espèces typiques des pentes mobiles, tel que le réséda jaune (Reseda lutea). Dans la partie ouest, une boulaie pionnière s'installe progressivement, pauvre en arbustes mais à strate herbacée fournie. La végétation du replat inférieur diffère fortement de celle du reste de la pente nord: elle est constituée, d'une part, par une vaste friche riche en plantes nectarifères, s'étendant jusqu'à la rue du Sergent Merx, et d'autre part, par un boisement pionnier qui renferme la principale zone humide du site, incluant une mare bordée de roseau commun (Phragmites australis), de massette à larges feuilles (Typha latifolia) et d'iris jaune (Iris pseudacorus). Le sous-bois accueille d'autres espèces hygrophiles dont l'épilobe hirsute (Epilobium hirsutum), l'eupatoire chanvrine (Eupatorium cannabinum), le lierre terrestre (Glechoma hederacea), etc.
Le plateau sommital:
Cette partie montre une couverture végétale très variée et hétérogène, partagée entre des bosquets de bouleaux à pâturin des bois, des éléments de pelouses sèches, des zones de prairies et de friches ainsi que deux mares temporaires. Au début des années 1990, la colonisation ligneuse occupait à peine 20% du plateau, le reste de sa surface étant occupée par les pelouses sèches et autres formations herbacées. Celles-ci rassemblent de nombreuses plantes à fleurs dont diverses caractéristiques des pelouses sèches: achillée millefeuille (Achillea millefolium), épervière de Bauhin (Hieracium bauhinii), orpin âcre (Sedum acre), carline commune (Carlina vulgaris), liondent d'automne (Leontodon autumnalis), millepertuis perforé (Hypericum perforatum), sabline à feuilles de serpolet (Arenaria serpyllifolia), inule conyze (Inula conyzae), drave printanière (Erophila verna), herniaire glabre (Herniaria glabra), luzerne lupuline (Medicago lupulina), céraiste des champs (Cerastium arvense), vipérine (Echium vulgare), etc. Les deux mares temporaires abritent des herbiers aquatiques à callitriche à crochets (Callitriche hamulata) et leurs abords sont occupés par des plages de jonc articulé (Juncus articulatus).
Les données relatives à la faune du terril Sainte-Barbe et Tonne sont très lacunaires, le site n'ayant jamais fait l'objet d'inventaires particuliers, contrairement à la flore. Les quelques observations disponibles jusqu'au début des années 1990 ont été rassemblées par COMPERE & FRANKARD (1992). Peu de données se sont ajoutées depuis.
Seuls quelques mammifères ont été aperçus sur les lieux: divers petits rongeurs, le hérisson d'Europe (Erinaceus europaeus), le lapin de garenne (Oryctolagus cuniculus) et la fouine (Martes foina), l'écureuil roux (Sciurus vulgaris), le renard (Vulpes vulpes).
Les oiseaux constituent le groupe animal le mieux connu sur le site, avec 23 espèces recensées à l'époque, la plupart étant communes au niveau régional et habituelles sur les terrils boisés, dont le pic épeiche (Dendrocopos major), le geai des chênes (Garrulus glandarius), le pic vert (Picus viridis), la fauvette des jardins (Sylvia borin), le pouillot fitis (Phylloscopus trochilus), la grive musicienne (Turdus philomelos), le pigeon ramier (Columba palumbus). La présence de la chevêche d'Athéna (Athene noctua), mérite d'être soulignée, ce petit rapace nocturne étant particulièrement rare en région liégeoise. Plus récemment, la chouette hulotte (Strix aluco) et l'épervier d'Europe (Accipiter nisus) y ont été notés en période de nidification; leur installation est probablement favorisée par le caractère davantage forestier du terril.
Deux espèces d'amphibiens peu communes sont signalées sur le terril: il s'agit du crapaud calamite (Bufo calamita) et de l'alyte accoucheur (Alytes obstetricans). Le premier, dont la reproduction est lié à la présence de mares temporaires en situation ensoleillée, s'y rencontrait encore jusqu'à la fin des années 1990 (dernière observation connue 1999, M. Pirson), mais il a probablement déserté l'endroit suite à la fermeture du milieu par boisement spontané. Quant à l'alyte, sa reproduction a été attestée dans la mare située au pied du versant nord et des observations d'animaux adultes ont encore eu lieu récemment au nord du terril.
Parmi l'entomofaune, les quelques espèces notées à ce jour sont banales et communes en Région wallonne. Elles appartiennent à deux groupes classiquement abordés par les naturalistes, à savoir les papillons (6 espèces) et les odonates (4 espèces).
Récemment, un criquet à ailes bleues (Oedipoda caerulescens), orthoptère peu commun et légalement protégé en Région wallonne, a été découvert en bordure du site, sur le trottoir de la rue Naniot (obs. J.-P. Rolin). Cette observation laisse penser que cette espèce thermophile, fréquemment trouvée sur les parties les plus ouvertes et chaudes des terrils, existe probablement sur le plateau, en dépit d'une forte extension de la couverture forestière.