La flore et la végétation du Ru des Fagnes sont d'un très grand intérêt mais aussi d'une grande complexité.
La zone de sources est occupée par une boulaie pubescente qui regroupe:
- dans la strate arborescente Betula pubescens (4.4), Alnus glutinosa (1.1), Populus tremula (1.1);
- dans la strate arbustive Salix aurita (2.2), Frangula alnus (+), Viburnum opulus (+);
- dans la strate herbacée Molinia caerulea (3.3), Equisetum sylvaticum (2.2), Lysimachia vulgaris (1.2), Persicaria bistorta (1.1), Solidago virgaurea (1.1), Vaccinium myrtillus (1.2), Agrostis canina (1.2), Dryopteris carthusiana (1.2), Lonicera periclymenum (1.1), Maianthemum bifolium (+);
- dans la strate muscinale Sphagnum sp. (3.3).
Le tremble peut parfois co-dominer avec le bouleau pubescent. On trouve alors au sol Deschampsia cespitosa (2.2), Deschampsia flexuosa (1.1), Molinia caerulea (3.3), Equisetum sylvaticum (1.2), Crepis paludosa (1.1), Valeriana repens (1.1), Valeriana dioica (+.2), Galium palustre (+), Ajuga reptans (+.2), Senecio ovatus (1.1), Solidago virgaurea (1.1), Angelica sylvestris (1.1), Filipendula ulmaria (1.1), Anemone nemorosa (1.2), Oxalis acetosella (1.2), Polygonatum verticillatum (1.1), Succisa pratensis (+), Veronica chamaedrys (+), Stachys officinalis (+), etc.
La boulaie marécageuse montre plusieurs suintements à Narthecium ossifragum qui abritent également Succisa pratensis, Scutellaria minor, ainsi que des vasques à Menyanthes trifoliata, Viola palustris, Crepis paludosa, Comarum palustre, Eriophorum angustifolium, Trientalis europaea, Erica tetralix, Vaccinium oxycoccos. En outre, Potamogeton cf. polygonifolius est également visible dans les filets d'eau qui sourdent dans la boulaie.
Des prairies à l'abandon existent dans le haut de la vallée. On y observe:
- une mégaphorbiaie à Filipendula ulmaria;
- une jonchaie acutiflore à Juncus acutiflorus (5.5), Valeriana repens (2.2), Juncus effusus (incl. var. compactus) (1.2), Viola palustris (1.2), Lotus pedunculatus (1.2), Holcus mollis (1.2), Rumex acetosa (1.1), Cirsium palustre (+), Achillea ptarmica (+), etc.;
- des prairies à Molinia caerulea, pauvres en espèces;
- des prairies à Molinia caerulea plus riches, avec Carex pulicaris, Valeriana dioica, Selinum carvifolia, Juncus acutiflorus, Danthonia decumbens, Crepis paludosa, Cirsium palustre, etc;
- des landes tourbeuses à molinie, éricacées et sphaignes, accueillant Erica tetralix, Calluna vulgaris, Vaccinium vitis-idaea, Vaccinium uliginosum, Trichophorum cespitosum;
- une prairie submontagnarde très intéressante, dans les zones un peu surélevées et en conditions plus mésophiles, avec Meum athamanticum (2.2), Sanguisorba officinalis (2.2), Festuca rubra subsp. commutata (3.3), Agrostis capillaris (1.2), Holcus mollis (2.2), Holcus lanatus (+), Briza media (1.2), Selinum carvifolia (1.2), Galium uliginosum (1.1), Stachys officinalis (1.2), Stellaria graminea, Veronica chamaedrys (1.2), Vicia sepium (1.2), Achillea millefolium (1.1), Campanula rotundifolia (+.2), Persicaria bistorta (+,) etc.;
- des pelouses du Nardo-Galion à Nardus stricta, Festuca filiformis, Danthonia decumbens, Polygala serpyllifolia, Galium saxatile, Arnica montana, Centaurea nigra, Lathyrus linifolius var. montanus, etc.;
- des fragments de landes à Calluna vulgaris et Vaccinium spp. (Calluneto-Vaccinietum).
Le long des chemins abondent Wahlenbergia hederacea et Pedicularis sylvatica.
Vers l'aval, le ruisseau coule dans une vallée relativement étroite. Il se faufile entre de gros blocs rocheux et il forme des vasques et des cascatelles. Il est bordé localement de belles aulnaies mêlées de bouleau pubescent avec au sol Luzula sylvatica (4.4), Deschampsia cespitosa (1.1), Pteridium aquilinum (1.1), Lamium galeobdolon subsp. montanum (1.1), Senecio ovatus (1.1), etc.
Un relevé linéaire le long des berges montre des espèces hygrophiles comme Crepis paludosa, Persicaria bistorta, Persicaria hydropiper, Caltha palustris, Veronica beccabunga, Ranunculus flammula, ...
De petites falaises rocheuses ombragées sont l'habitat de la fougère Phegopteris connectilis.
La végétation actuelle au niveau du Ru des Fagnes est relativement complexe du fait de la superposition, en de nombreux endroits, d'éléments floristiques des landes, des tourbières et des bas-marais acides aux espèces typiquement forestières des boulaies et des aulnaies. S'y ajoute une complexité au niveau des conditions hydrologiques, le site étant truffé d'innombrables sources et suintements.
Les groupements suivants, correspondant à une classification très grossière de la végétation, peuvent être distingués en pratique:
A) dans les cours d'eau: Potamogeton polygonifolius, Scapania undulata, Fontinalis antipyretica, F. squamosa.
B) le long des ruisselets, en situation alluviale, les espèces des bas-marais acides et des prés humides se développent sous un couvert d'aulnes et de saules: Filipendula ulmaria, Crepis paludosa, Angelica sylvestris, Valeriana repens, Juncus acutiflorus, Viola palustris, Persicaria bistorta, Deschampsia cespitosa, ... La rare Wahlenbergia hederacea est localement présente en bordure des ruisselets;
C) dans les dépressions humides se developpent diverses espèces de bas-marais acide comme Sphagnum spp., Menyanthes trifoliata, Carex rostrata, Equisetum fluviatile, ... ;
D) un groupement particulier est noté au niveau d'un suintement sur la parcelle cadastrale n° 262b: plusieurs centaines de mètres carrés sont ici occupés par une phragmitaie installée sur des sphaignes. Outre Phragmites australis, on y remarque la présence des espèces telles que Solidago virgaurea, Equisetum fluviatile, Comarum palustre, entre autres;
E) un groupement très complexe, dominé par Molinia caerulea, est présent sur de grandes surfaces en cours de recolonisation par la boulaie à Betula pubescens. Ce groupement est principalement composé d'espèces des bas-marais acides (Juncus acutiflorus, Viola palustris, Valeriana dioica, Carex canescens, Carex panicea, Carex echinata et Carex nigra) et des landes tourbeuses (Vaccinium oxycoccos, Erica tetralix, Narthecium ossifragum). Scutellaria minor y est localement présente, tout comme Trientalis europaea;
F) dans les zones plus sèches, sous un couvert de jeunes arbres (Betula pubescens et B. pendula, Frangula alnus, Sorbus aucuparia, Salix aurita, ...), la molinie est omniprésente. Elle est accompagnée ici de quelques espèces reliques de la lande sèche comme Potentilla erecta, Vaccinium myrtillus, Vaccinium vitis-idaea, Deschampsia flexuosa, ... S'y ajoutent les espèces forestières Anemone nemorosa, Maianthemum bifolium, Polygonatum verticillatum, Oxalis acetosella, et d'autres encore;
G) dans la partie nord de la réserve naturelle, la chênaie acidophile à Quercus robur abrite les espèces suivantes: Vaccinium myrtillus, Deschampsia flexuosa, Melampyrum pratense, Maianthemum bifolium, ...
H) plusieurs parcelles de la réserve sont occupées par une végétation de pré de fauche humide. On y rencontre notamment Angelica sylvestris, Cirsium palustre, Lotus pedunculatus, Persicaria bistorta, Selinum carvifolia, Achillea ptarmica, Lychnis flos-cuculi, Dactylorhiza maculata, Succisa pratensis, ... Dans une de ces prairies (parcelle n° 136), une dizaine de pieds de Scorzonera humilis ont été découverts récemment. Il s'agit, d'après nos informations, de la seule station de cette espèce actuellement connue en Haute Ardenne;
I) des prairies submontagnardes maigres, caractéristiques des bas de versants en Haute Ardenne orientale, ne sont présentes que dans quelques rares endroits de faible superficie. Ces prairies comportent notamment Meum athamanticum, Stachys officinalis, Lathyrus linifolius, Sanguisorba officinalis, etc.
La faune du Ru des Fagnes est d'une remarquable diversité et montre de multiples intérêts, d'ailleurs partiellement méconnus. En effet, peu de groupes taxonomiques ont été pris en compte jusqu'à présent.
Les mammifères sont bien représentés sur le site, certains n'y faisant que passer. Le chevreuil (Capreolus capreolus), le renard roux (Vulpes vulpes), le blaireau (Meles meles), le chat sauvage (Felis sylvestris), la martre (Martes martes), l'hermine (Mustela erminea), la belette (Mustela nivalis), le lièvre d'Europe (Lepus europaeus) et le sanglier (Sus scrofa) font partie des espèces régulièrement notées. Deux espèces exotiques, le raton laveur (Procyon lotor) et le rat musqué (Ondatra zibethicus), ont récemment été observées dans le site ou ses environs immédiats.
Les oiseaux regroupent diverses espèces intéressantes. Le Ru des Fagnes est propice au cincle plongeur (Cinclus cinclus). Les parties forestières hébergent le pic noir (Dryocopus martius), le pic épeiche (Dendrocopos major), le pic épeichette (Dendrocopos minor), la sittelle torchepot (Sitta europaea), le grimpereau des bois (Certhia familiaris), le grimpereau des jardins (Certhia brachydactyla), le pouillot siffleur (Phylloscopus sibilatrix), la bécasse des bois (Scolopax rusticola), le casse-noix moucheté (Nucifraga caryocatactes) ou encore l'épervier d'Europe (Accipiter nisus). La rare gélinotte (Bonasa bonasia) a également été observée à deux reprises au moins au cours de la dernière décennie!
Parmi l'herpétofaune, on note la présence régulière de la grenouille rousse (Rana temporaria), du triton alpestre (Ichthyosaura alpestris), du triton palmé (Lissotriton helveticus), du lézard vivipare (Zootoca vivipara) et de l'orvet (Anguis fragilis). L'occurrence de la couleuvre à collier (Natrix natrix) est fortement suspectée.
La présence de l'écrevisse à pattes rouges (Astacus astacus) a déjà été avérée mais elle devrait être vérifiée.
Globalement mal connue, la diversité de l'entomofaune s'exprime au travers des quelques groupes recensés jusqu'à présent, c'est-à-dire les Lépidoptères rhopalocères (ou papillons de jour) et les odonates. L'espèce phare du Ru des Fagnes est sans nul doute le nacré de la bistorte (Boloria eunomia), papillon lié aux prairies humides oligotrophes dans lesquelles la chenille trouve sa plante nourricière, la renouée bistorte.