Malgré la proximité de la ville de Thuin, le Bois de l'Abbaye conserve un aspect sauvage en raison de son relatif isolement et des dénivelés importants. Il a fait l'objet d'une description botanique détaillée par DUVIGNEAUD (1966), qui a souligné les multiples intérêts du site et a rappelé les remarquables observations, notamment bryologiques, effectuées jadis par le Dr Culot.
Une série d'habitats bien différenciés y ont été reconnus à cette époque:
A. La chênaie sessiliflore occupe le plateau, sous de nombreuses variantes. Quercus petraea domine la strate arborescente et est accompagné par Fagus sylvatica, Sorbus aucuparia, Castanea sativa (naturalisé), Mespilus germanica, Lonicera periclymenum, Frangula alnus, Ilex aquifolium. Dans le sous-bois évoluent Molinia caerulea, Holcus mollis, Deschampsia flexuosa, Luzula sylvatica, Teucrium scorodonia, Hypericum pulchrum, Vaccinium myrtillus, Calluna vulgaris, Leucobryum glaucum, etc. A la faveur de coupes apparaissent Rubus idaeus, Sambucus racemosa, Senecio ovatus, Digitalis purpurea ou encore Pteridium aquilinum.
B. Un groupement de grève humide apparaît en fin de saison sur un chemin forestier, avec Epilobium obscurum, Lythrum portula, Isolepis setacea.
C. La frênaie de ruisseau est bien développée le long de certains petits cours d'eau qui dévalent la pente jusqu'à la Sambre. Elle comporte Fraxinus excelsior, Alnus glutinosa, Carex remota, Rumex sanguineus, Glyceria notata (= plicata), Circaea lutetiana, Ribes rubrum, Carex pendula, Chrysosplenium oppositifolium, Lysimachia nemorum, etc.
D. La forêt de ravin à fougères est présente dans certains vallons encaissés, avec Acer pseudoplatanus, Fraxinus excelsior et Tilia cordata dominants dans la strate arborée, et de nombreuses fougères en sous-bois: Athyrium filix-femina, Dryopteris filix-mas, Dryopteris x tavelii, Dryopteris dilatata, Polystichum setiferum, accompagnées de Luzula sylvatica (sur les sols les plus acides), Lamium galeobdolon, Moehringia trinervia, Festuca altissima, Scrophularia nodosa, Mercurialis perennis, Cardamine pratensis.
E. Des éboulis gréseux s'accumulent en bas de versant et sont colonisés par divers arbustes dont Carpinus betulus, Tilia cordata, Corylus avellana, Acer pseudoplatanus, Acer campestre, Prunus spinosa, Rosa arvensis, Ligustrum vulgare, et par des herbacées comme Mercurialis perennis, Lamium galeobdolon, Hypericum hirsutum, Scrophularia nodosa, ...
F. Des suintements forestiers, en amont du barrage du Grand Courant, qui accueillent une flore constituée d'espèces acidophiles habituelles sur ces terrains de l'Emsien, auxquelles se mêlent très localement quelques espèces calcicoles. On y trouve notamment Alnus glutinosa, Viburnum opulus, Carex sylvatica, Eupatorium cannabinum, Juncus inflexus, Carex pendula, Lysimachia vulgaris, Cardamine pratensis, Primula elatior, Deschampsia cespitosa, Carex flacca et jadis aussi Carex pulicaris. De nombreux bryophytes des suintements acides ou indifférentes au substrat s'y rencontrent tels que Hookeria lucens, Trichocolea tomentella, Plagiomnium undulatum, Mnium hornum, Rhizomnium punctatum, Plagiomnium rostratum, Dicranum scoparium, Dicranum bonjeanii, Plagiothecium succulentum, Lophocolea bidentata, Calliergonella cuspidata, Bryum capillare, Thuidium tamariscinum, Plagiochila asplenioides, Cirriphyllum piliferum, Pellia endiviifolia (= fabbroniana). Elles sont accompagnées d'indicatrices de suintements calcaires comme Palustriella commutata, Cratoneuron filicinum, Ctenidium molluscum, Tortella tortuosa var. fragilifolia, Fissidens adianthoides.
G. Des prairies de fauche à l'abandon occupent la plaine alluviale de la Sambre, en rive droite. Diverses plantes nitrophiles y prospèrent: Cirsium arvense, Arctium minus, Picris hieracioides, Torilis japonica, Galium aparine, Tanacetum vulgare, Artemisia vulgaris, Rumex obtusifolius, Anthriscus sylvestris, Urtica dioica, Chenopodium bonus-henricus. Des peupliers ont été plantés aux endroits les plus humides et plusieurs types de prairies s'y développent, selon les endroits:
- prairie à Glyceria maxima dans les fonds toujours humides dans laquelle apparaissent aussi Equisetum fluviatile, Mentha aquatica, Lycopus europaeus, Calystegia sepium, Rumex hydrolapathum, Galium palustre (= elongatum), etc.;
- prairie à Carex riparia avec Eupatorium cannabinum, Persicaria amphibia, Symphytum officinale, Filipendula ulmaria, Angelica sylvestris, Lathyrus pratensis, Stachys palustris, Scutellaria galericulata, Lythrum salicaria, Calystegia sepium, Rubus caesius, etc.;
- prairie à Phalaris arundinacea accompagné d'Equisetum palustre, Solanum dulcamara, Rumex x heterophyllus (Rumex hydrolapathum x obtusifolius), Carex riparia, Eupatorium cannabinum, Stachys palustris, etc.;
- prairie à Carex acuta, Scirpus sylvaticus, Lotus pedunculatus, Juncus acutiflorus (= sylvaticus), etc.;
- prairie fraîche à Carex disticha;
- prairie fraîche à Festuca arundinacea, Angelica sylvestris, Cirsium oleraceum, Juncus inflexus, Carex muricata (= otrubae);
Dans les parties les mieux drainées s'étend la prairie à Arrhenatherum elatius, Leontodon hispidus, Pimpinella major, Hypochaeris radicata, Festuca rubra, Alopecurus pratensis, Centaurea jacea, Convolvulus arvensis, Lotus corniculatus, Dactylis glomerata, Holcus lanatus, Elymus repens, Anthoxanthum odoratum, Phleum pratense, Heracleum sphondylium, Cruciata laevipes, etc.
Une partie de ces groupements correspond vraisemblablement à l'actuelle réserve naturelle domaniale du Grand Courant, située juste en amont du barrage.
H. Un groupement bryophytique colonisant les moellons calcaires du bord de Sambre avec Cinclidotus fontinaloides, Cinclidotus riparius et Platyhypnidium riparioides au niveau normal des eaux, et Dialytrichia mucronata (= Cinclidotus mucronatus) dans les zones moins souvent touchées par les flots.
Aucune étude faunistique n'a encore été menée dans ce site peu accessible et qui n'est que rarement parcouru par les naturalistes.
L'avifaune forestière est mal connue et seules quelques rares données semblent disponibles. Parmi les espèces intéressantes figurent notamment le pouillot siffleur (Phylloscopus sibilatrix), le pic noir (Dryocopus martius), le pic mar (Dendrocopos medius). Les abords des ruisselets et suintements sont fréquentés par la bécasse des bois (Scolopax rusticola). La gallinule poule d'eau (Gallinula chloropus) est présente sur la berge de la Sambre.
La faune des petits ruisseaux de versant mériterait d'être inventoriée. Des observations ponctuelles en mars 2015 ont permis d'établir la présence de deux plécoptères, Nemoura cinerea, espèce commune et tolérante, et Leuctra pseudosignifera, perle très rarement notée en Wallonie, exigeante d'un point de vue écologique et spécifique aux petits ruisselets à eaux bien oxygénées. Un diptère méconnu, Thaumalea testacea, a également été trouvé au stade larvaire sur des rochers éclaboussés, sous les thalles de l'hépatique Conocephalum conicum. C'est une espèce caractéristique des petites ruisseaux de pente aux eaux pures, comme beaucoup d'autres Thaumaleidae, famille comprenant seulement deux autres espèces belges mais beaucoup plus diversifiée dans les montagnes d'Europe centrale. Le crustacé amphipode Gammarus fossarum est abondant, l'espèce étant typique des zones de sources et des ruisselets. On a également pu constater la présence de larves de salamandre terrestre (Salamandra salamandra).
Les roselières à Glyceria maxima occupant la banquette alluviale, en amont de la RND du Grand Courant, accueillent une population du maillot de Desmoulins (Vertigo moulinsiana), minuscule escargot d'intérêt communautaire présent par ailleurs dans quelques autres sites de la région de Thuin. Avant sa découverte en 2006, l'espèce était connue d'un seul site de la vallée de la Sambre, les Marais de Labuissière (KERVYN, 2004).