Reconnu comme site de grand intérêt biologique dans le cadre du PCDN de la ville de Namur (REMACLE et JACOB, 2001), la zone humide de la Poudrière a été parcourue plus récemment dans le cadre d'un projet de zone humide d'intérêt biologique (ZHIB) par A. WEISERBS (en 2008: rapport Aves-Natagora), ensuite par E. BISTEAU et J.-Y. BAUGNEE (en 2009). Ces récents inventaires confirment la grande valeur du site sur le plan régional.
Selon E. BISTEAU et J.-Y. BAUGNEE (2009): Deux visites ont été menées dans le courant du mois de juillet 2009. Les prospections ne se sont pas limitées au seul périmètre concerné par l'actuel projet de ZHIB et ont notamment été étendues à la prairie humide située plus au sud, jugée faire partie du même ensemble écologique.
Les groupements végétaux suivants y ont été observés et cartographiés:
1. - Lisières feuillues et fourrés
- Les feuillus présents au nord du site, le long du Ruisseau d'Orjo, correspondent plutôt à une saulaie de colonisation. La lisière arbustive est relativement peu développée et cède la place à un peuplement d'orties (Urtica dioica).
- Les fourrés riverains (saussaie riveraine) présents en bordure est du site se composent de diverses espèces de saules (Salix caprea, S. viminalis, S. alba) et constituent un habitat clé pour l'avifaune nicheuse, en particulier pour la Gorgebleue à miroir (Luscinia svecica) cantonnée en 2008 (Aves-Natagora).
- Les alignements d'arbres (Populus nigra var. italica) bordant le sud de la roselière s'accompagnent d'une série d'arbustes (Betula pendula, Corylus avellana, Frangula alnus, Salix sp.).
2. - Prairie de fauche
Cet ensemble a été subdivisé en quatre unités d'habitat distinctes:
- Au nord: une transition entre végétation rudérale et prairie de fauche de basse altitude. Une série d'espèces des friches d'origine anthropique y ont été recensées, telles que Capsella bursa-pastoris, Sisymbrium officinale, Matricaria discoidea, Matricaria maritima subsp. inodora, Rumex crispus, … Ces espèces se sont plus que probablement installées suite aux apports récents de terres de remblais et autres inertes liés à la construction des immeubles à appartements voisins. A celles-ci viennent s'ajouter quelques espèces caractéristiques des prairies de fauche (Arrhenatherum elatius, Daucus carota, Medicago lupulina, Holcus lanatus, …). Cette friche, bien que diversifiée (31 espèces recensées), ne présente toutefois pas d'espèce d'intérêt patrimonial. Elle ne fait pas partie du projet de ZHIB mais a été incluse au périmètre du SGIB en tant que "zone de développement".
- Au centre: la prairie de fauche proprement dite, dans laquelle viennent s'imbriquer des éléments de mégaphorbiaie, selon les niveaux hydriques rencontrés (humidité du sol croissante suivant un gradient nord-est - sud-ouest). La partie nord-est de la parcelle est constituée à 99% de fromental (Arrhenatherum elatius). La partie ouest est plus diversifiée, avec entre autres Holcus lanatus, Agrostis gigantea, Ranunculus repens, Phleum pratense comme espèces dominantes. De ci de là se retrouvent une série d'espèces caractéristiques des mégaphorbiaies: Cirsium palustre, Epilobium hirsutum, Angelica sylvestris, Lythrum salicaria, …
- Au sud: une partie plus humide de transition, située à la jonction de la prairie de fauche et de la typhaie. Celle-ci se caractérise notamment par la présence d'une ceinture de Jonc épars (Juncus effusus) à laquelle se mêlent les espèces caractéristiques des mégaphorbiaies: Valeriana repens, Filipendula ulmaria, Cirsium palustre, Juncus articulatus, Angelica sylvestris, Lotus pedunculatus, … qui témoignent de la qualité trophique du milieu (peu eutrophisé).
- Sur la bordure est: une zone moins intéressante et nettement plus rudérale, en pente, envahie par les ronces (Rubus sp.) et les orties (Urtica dioica), ou se mêlent des éléments de prairie de fauche (Arrhenatherum elatius) et quelques ligneux bas (Crataegus monogyna).
3. - Roselière à massettes
On distingue:
- La typhaie proprement dite, située dans la partie la plus humide du site (entre 10 et 20 cm d'eau apparente au moment de notre visite). Elle couvre une portion conséquente du périmètre concerné par le projet de ZHIB (0,8 ha, soit un peu plus de 40% de sa superficie) et consiste en une formation végétale largement dominée par la Massette à larges feuilles (Typha latifolia). A cette dernière se mêlent diverses espèces caractéristiques des mégaphorbiaies : Epilobium hirsutum, Cirsium palustre, Lythrum salicaria, Valeriana repens, Scrophularia auriculata, … On notera également l'abondance d'une hélophyte remarquable et très localisée: Berula erecta, non reprise dans le rapport d'expertise Natagora, ainsi que la présence de Ranunculus flammula, renseignée comme assez rare à rare dans le district phytogéographique mosan. De ci de là émergent enfin quelques petits massifs de Phalaris arundinacea, ainsi que quelques jeunes ligneux (Salix sp.) pionniers.
- La bordure sud-ouest du massif, située le long de la clôture délimitant le terrain militaire voisin et séparée de la typhaie par les massifs de saules décrits plus haut. Même si on retrouve encore de ci de là quelques pieds de Typha latifolia, cette zone plus sèche correspond à une mégaphorbiaie, plus nitrophile au nord (abondance d'Urtica dioica). Ailleurs ce sont les grandes hygrophiles qui dominent: Filipendula ulmaria, Valeriana repens, Lysimachia vulgaris, Lythrum salicaria, etc., entrecoupées de ronciers (Rubus sp.), à l'arrière des massifs de saules.
4. - Prairie humide
Cette prairie, non concernée par le projet de ZHIB, présente un grand intérêt biologique et s'insère parfaitement dans le continuum écologique de la zone humide. Elle est constituée d'une partie centrale très humide, s'étendant le long du Ruisseau d'Orjo, et d'une partie plus sèche, de part et d'autre du même ruisseau. Au moment de notre visite (juillet 2009), elle était pâturée par deux génisses (probablement de race Limousine). Il conviendrait de maintenir une gestion extensive de la zone. Des contacts devraient être pris avec les propriétaires en ce sens (convention de gestion).
On y distingue:
- La zone humide centrale, constituée d'une mosaïque de formations végétales diverses, allant des communautés d'hélophytes à Iris pseudacorus, Sparganium erectum, Phalaris arundinacea, Glyceria fluitans, Veronica beccabunga, Nasturtium officinale, Ranunculus flammula… à la mégaphorbiaie naturelle à Valeriana repens, Filipendula ulmaria, Scirpus sylvaticus, Equisetum palustre, Lysimachia vulgaris, … Quelques espèces caractéristiques des sources pauvres en bases sont également présentes, telles que Stellaria alsine ou Carex remota. On peut encore souligner la présence de Scutellaria galericulata, localisée dans la région namuroise, et surtout de Carex vesicaria, laîche caractéristique du bord des eaux, des marais ou des aulnaies, renseignée comme rare dans le district mosan.
Le Ruisseau d'Orjo, au cours quasi nul, s'élargit au nord de la pâture en une mare allongée d'un peu moins d'un are, où vient s'abreuver le bétail. D'après REMACLE et JACOB (2001), une source ferrugineuse prendrait naissance au nord de la pâture, contre la clôture. Lemna minor a été retrouvée dans la zone de mare. Un total de 36 espèces ont été recensées en 2009 dans la zone humide hors plan d'eau.
- La pâture proprement dite, située en bordure ouest de la zone humide : cette formation végétale correspond aux prairies pâturées permanentes peu fertilisées. Elle est essentiellement constituée d'un tapis graminéen à Anthoxanthum odoratum, Phleum pratense, Cynosurus cristatus, Agrostis capillaris, Holcus lanatus et Festuca pratensis, auquel se mêlent des espèces telles que Ranunculus repens, Trifolium repens ou encore Lotus pedunculatus et Juncus articulatus, caractéristiques de la variante (très légèrement) humide de l'habitat.
- La bordure est de la zone humide. Cette dernière est également pâturée mais constitue un habitat nettement plus fermé du fait de l'ombrage apporté par la parcelle forestière voisine. Elle est d'ailleurs fortement colonisée par les ronciers (Rubus sp.) et sert essentiellement d'abri pour le bétail. On peut également noter de ce côté la présence de trois vieux pommiers (ancien verger ?) et un début de régénération naturelle par le charme (Carpinus betulus).
La faune a été peu inventoriée jusqu'à présent. On dispose actuellement d'un certain nombre de données ornithologiques et des données plus fragmentaires en ce qui concerne l'entomofaune.
La Gorgebleue à miroir (Luscinia svecica), espèce phare de la zone humide, a été signalée comme cantonnée en 2008 (Aves-Natagora) mais n'a pas été observée lors de notre passage sur le site en juillet 2009. L'espèce est toutefois extrêmement discrète hors période de chant, et sa présence a donc pu passer inaperçue.
D'autres espèces d'oiseaux ont été observées dans la typhaie ou dans les fourrés de saules proches: le Bruant des roseaux (Emberiza schoeniclus), la Rousserolle verderolle (Acrocephalus palustris), la Fauvette des jardins (Sylvia borin), la Fauvette à tête noire (Sylvia atricapilla), le Merle noir (Turdus merula). La Fauvette grisette (Sylvia communis) a également été mentionnée (Aves-Natagora). Une série d'espèces plus forestières ont vues sur le site ou en vol: le Pic vert (Picus viridis), le Pic épeiche (Dendrocopos major), le Geai des chênes (Garrulus glandarius), la Buse variable (Buteo buteo), le Pigeon ramier (Columba palumbus), la Pie bavarde (Pica pica), le Verdier d'Europe (Carduelis chloris). Des canards colverts (Anas platyrhynchos) ont également été aperçus dans la zone humide.
Trois espèces d'amphibiens sont connues sur le site (REMACLE et JACOB, 2001): le Crapaud commun (Bufo bufo), la Grenouille rousse (Rana temporaria) et le Triton palmé (Lissotriton helveticus). Au moment de notre passage sur le site, en juillet 2009, seule la Grenouille rousse a été observée. La présence des deux autres espèces ne peut être infirmée pour autant, compte tenu de leur discrétion et de leur période d'activité, essentiellement nocturne et crépusculaire en cette période de l'année. Des recensements appropriés au printemps permettraient probablement de découvrir d'autres espèces d'amphibiens (dont le triton crêté, à rechercher activement !) voire de reptiles.
Malgré l'absence d'inventaires exhaustifs, l'entomofaune du site apparaît diversifiée, ce qui s'explique par la variété des milieux et des espèces végétales qu'il abrite.
Parmi les 16 espèces de Lépidoptères rhopalocères observées en 2009, il faut citer plus particulièrement le Demi-deuil (Melanargia galathea) qui atteint ici la limite nord de son aire de distribution wallonne. Cette espèce, peu commune dans la région, est liée aux prairies maigres, aux prairies humides, aux pelouses sèches et autres friches herbeuses et sa chenille se nourrit de diverses graminées.
Le site est particulièrement favorable au maintien et à la reproduction des Odonates, notamment grâce à la présence du plan d'eau (Ruisseau d'Orjo élargi) dans la prairie humide non concernée par le projet actuel de ZHIB. Il est évident que les potentialités d'accueil du site seront accrues après le creusement d'une nouvelle mare (Aves-Natagora). En l'absence de recherches particulières, seules trois espèces de demoiselles très courantes ont pu être observées lors de notre passage sur le terrain: l'Agrion élégant (Ischnura elegans), l'Agrion à larges pattes (Platycnemis pennipes) et l'Agrion jouvencelle (Coenagrion puella), auxquelles s'ajoute la libellule déprimée (Libellula depressa) notée plus récemment.
Une dizaine d'Orthoptères ont été recensés ces dernières années, dont le Criquet des clairières (Chrysochraon dispar), peu commun en région namuroise, mais apparemment en expansion, et surtout le criquet des marais (Stethophyma grossum), une grande espèce sténotope trouvée en 2011 (obs. G. SAN MARTIN) et auparavant inconnue dans le sillon mosan.
Le site abrite une population de Macropis fulvipes, petite abeille de la famille des Melittidae, considérée comme menacée en Wallonie et d'ailleurs légalement protégée. Cette espèce, fortement oligolectique, est spécialisée dans la récolte du pollen des lysimaques (en particulier Lysimachia vulgaris) et est assez étroitement liée aux milieux humides. Par ailleurs, elle semble se rencontrer rarement en compagnie de sa proche voisine Macropis labiata.
De nombreuses Argiopes fasciées (Argiope bruennichi) ont été observées dans la prairie de fauche. Cette araignée affectionne plus particulièrement les endroits ensoleillés, secs à frais, pourvus d'une couverture herbacée dense mais hétérogène. D'origine méridionale, elle a colonisé au cours des dernières décennies la plupart de nos régions, bien au-delà du sillon sambro-mosan.
La présence d'un mollusque rare a été observée dans la typhaie et dans la jonchaie voisine, il s'agit du Maillot de Desmoulin (Vertigo moulinsiana). Ce minuscule escargot de la famille des Vertiginidae est lié aux marais, plus particulièrement alcalins, du système alluvial. Espèce visée par le décret Natura 2000, Vertigo moulinsiana est connu en Wallonie du bassin de l'Escaut (Dyle, Haine, …), de la Haute Sambre et de la Lorraine belge (Landbruch), mais n'a jamais été signalé dans la vallée de la Meuse (voir KERVYN et al. 2004)!