Intro
Brève description
La Fagne de Jalhay s'étend sur le plateau des Hautes Fagnes en bordure occidentale de la Grande Fange, à environ 6 km au sud-est de Jalhay, dans une région pratiquement inhabitée. Couvrant une centaine d'hectares, elle est constituée de trois sites qui étaient plus ou moins enclavés dans des pessières jusqu'à la fin des années 2000. Sur le flanc ouest du plateau, la Wihonfagne, propriété communale située entre 560 et 580 m d'altitude, en tête de source du ruisseau des Nûtons, repose sur des sols tourbeux de plus d'1,5 m d'épaisseur partiellement exploités et est occupée par une végétation de tourbière dégradée à molinie (Molinia caerulea), quelques fragments de landes tourbeuses et des bas-marais acides dans les zones de résurgences. Se trouvant en position centrale, entre 570 et 610 m d'altitude, à la source de la Statte, la Haie Henquinet est inscrite comme zone naturelle au plan de secteur et était à l'origine entièrement privée; avant son enrésinement total dans les années 1970, elle abritait diverses associations végétales plus ou moins imbriquées, qui s'allongeaient en bandes orientées du sud-ouest au nord-est, notamment des chênaies pédonculées à bouleaux, des boulaies sur tourbe, des aulnaies marécageuses oligotrophes, des bas-marais acides. Culminant à 650 m d'altitude, le Sart Lurô est une petite fagne communale directement attenante à la Grande Fange et comportant des sols tourbeux ou paratourbeux. On y observe surtout des tourbières dégradées à molinie et des landes tourbeuses plus ou moins dégradées, piquetées de semis naturels. Les travaux de restauration menés lors du projet LIFE Hautes Fagnes de 2007 à 2012 ont fortement modifié la situation: en effet, la majeure partie des plantations d'épicéas ont été éliminées, une ouverture du paysage importante qui a permis de rétablir le contact entre les trois sites initiaux. En outre, différents habitats patrimoniaux ont pu être reconstitués et/ou étendus, en particulier les landes humides à bruyère quaternée (Erica tetralix), les bas-marais acides et les communautés de tourbe nue à rossolis à feuilles rondes (Drosera rotundifolia) et lycopode inondé (Lycopodiella inundata). On y observe également la présence plus curieuse d'une phragmitaie sur tourbe. Outre ses habitats remarquables, la Fagne de Jalhay héberge un grand nombre d'espèces végétales et animales rares et de grand intérêt. Il n'est donc pas étonnant qu'elle ait été entièrement intégrée au réseau Natura 2000 et qu'elle bénéficie, depuis 2016, du statut de réserve naturelle domaniale, dite la "Fagne de la Haie Henquinet et du Sart Lurô".
Conservation
Objectifs de conservation
Restauration et protection de remarquables zones de tourbières et de landes humides en bordure du plateau des Hautes Fagnes.
Recommandations
Inventaires faunistiques recommandés
Plan de gestion
Un plan de gestion est disponible au Cantonnement DNF de Verviers. Il a été rédigé dans le cadre du projet LIFE Hautes Fagnes.
Les objectifs globaux du plan de gestion sont la restauration des tourbières et des landes humides et et le rétablissement de forêts feuillues indigènes afin d'aboutir à une mosaïque d'habitats variés mais majoritairement ouverts.
Les mesures de gestion viseront à:
- éliminer périodiquement les semis spontanés d'épicéas dans les zones tourbeuses en cours de restauration ainsi que dans les peuplements feuillus.
- anneler les gros épicéas présents au sein de la roselière sur tourbe.
- favoriser les semis spontanés de feuillus indigènes.
- faucher périodiquement les surfaces étrépées.
- entretenir les clôtures mises en place pour le pâturage par des Highlands (à Wihonfagne).
- éviter l'apparition d'espèces invasives.
Accès du public
La circulation dans la Fagne de Jalhay n'est autorisée que sur les chemins empierrés ou balisés. L'accès est interdit en dehors de ces chemins.
Détails
Description physique
La Fagne de Jalhay s'étend sur le plateau des Hautes Fagnes, en bordure occidentale de la Grande Fange, à environ 6 km au sud-est de Jalhay, dans un secteur largement inhabité (on n'y compte aucune habitation à trois kilomètres à la ronde!).
D'est en ouest le périmètre comprend trois sites jadis enclavés dans les pessières:
- le Sart Lurô, parcelle communale directement attenante à la Grande Fange (réserve naturelle domaniale des Hautes Fagnes), à une altitude comprise entre 630 et 650 m.
- la Haie Henquinet, inscrite comme zone naturelle au plan de secteur se trouve entre 570 et 610 m d'altitude, en tête de source de la Statte, un affluent de la Hoëgne.
- la Wihonfagne, propriété communale renfermant une importante lentille de tourbe (1,5 m d'épaisseur) située entre 560 et 580 m d'altitude, en tête de source du ruisseau des Nûtons, petit affluent de la Statte.
La Fagne de Jalhay appartient à la région continentale et, du point de vue phytogéographique, au district de la Haute Ardenne.
Le climat est à l'image du reste des Hautes Fagnes, le toit de la Belgique: de type continental, il est plus rude que partout ailleurs. La température moyenne annuelle pour les mois d'été est d'à peine 6,7° C. On compte en moyenne 230 jours de précipitations (pluie, neige, brouillard), 113 jours accompagnés de gelées et 78 jours de couverture neigeuse par an. En hiver, il n'est pas exceptionnel que la température nocturne chuter à - 20 °. Les premières gelées surviennent souvent dès septembre et les dernières jusqu'à la fin mai.
Description biologique
La Fagne de Jalhay est située en bordure sud-ouest de la Grande Fagne (réserve naturelle domaniale des Hautes Fagnes), au sein d'une zone jadis largement enrésinée. Elle est constituée de plusieurs petites fagnes couvrant au total une centaine d'hectares et qui étaient plus ou moins isolées au sein de vastes plantations résineuses avant les travaux de restauration menés dans le cadre du projet LIFE Hautes Fagnes de 2007 à 2012.
Avant ces travaux, trois sites principaux pouvaient être distingués (P. Frankard – SPW/DEMNA):
Wihonfagne: cette propriété communale d'une trentaine d'hectares se présente comme un quadrilatère irrégulier situé à 560-580 m d'altitude, sur le flanc ouest du haut plateau, en tête de source du ruisseau des Nûtons. Essentiellement constituée de sols tourbeux de plus d'1,5 m d'épaisseur qui ont été partiellement exploités, la Wihonfagne est principalement couverte par une végétation de tourbière dégradée à molinie (Molinia caerulea), quelques fragments de landes tourbeuses sur les sols plus faiblement tourbeux et des bas-marais acides dans les zones de résurgences. Ce secteur est enclavé dans des peuplements d'épicéas installés sur tourbe. Son désenclavement permettrait de le relier au grand bloc de milieux ouverts de la réserve naturelle domaniale, via la Haie Henquinet.
Haie Henquinet: zone naturelle au plan de secteur, entièrement privée, située en tête de source de la Statte entre 610 et 570 m d'altitude, la Haie Henquinet abritait diverses associations végétales plus ou moins imbriquées, qui s'allongeaient en bandes orientées du sud-ouest au nord-est. On y observait notamment des chênaies pédonculées à bouleaux, des boulaies sur tourbe, des aulnaies marécageuses oligotrophes, des bas-marais acides. Le site a malheureusement été totalement enrésiné dans les années 1970-80. Aujourd'hui, divers secteurs de la Haie Henquinet ont été débarrassés des plantations d'épicéas dans le cadre du projet Interreg III, mais une partie des peuplements encombre encore le site et de nombreux drains et semis naturels de résineux parsèment les zones dégagées. Ces premiers travaux ont toutefois permis de reconstituer des tourbières à molinie, des landes tourbeuses dégradées, des bas-marais acides, un peuplement de roseau (Phragmites australis) sur tourbe.
Sart Lurô: il s'agit d'une petite fagne communale s'étageant entre 650 et 630 m d'altitude, attenante au sud de la Grande Fange (réserve naturelle domaniale) et couverte de sols tourbeux ou paratourbeux. La végétation y est constituée de tourbières dégradées à molinie et de landes tourbeuses plus ou moins dégradées, piquetées de semis naturels.
La situation a fortement changé depuis lors: en effet, pratiquement tous les résineux ont été exploités sur l'ensemble du site, différents habitats ont été reconstitués ou sont en cours de restauration, et le site est depuis 2016 officiellement une réserve naturelle domaniale (Fagne de la Haie Henquinet et du Sart Lurô).
A la Haie Henquinet, en plus des habitats déjà restaurés avant le LIFE, s'ajoute également la boulaie tourbeuse.
A Sart Luro, il y a eu des étrépages qui ont permis de reconstituer des landes tourbeuses et de petits éléments de bas-marais acides. Le lycopode inondé (Lycopodiella inundata) est apparu en 2019 dans un de ces étrépages (obs. P. Frankard).
Outre ses différents habitats patrimoniaux (landes sèches et humides, landes tourbeuses, tourbières dégradées, bas-marais acides, ...), la Fagne de Jalhay héberge un grand nombre d'espèces végétales et animales rares et de grand intérêt.
Histoire du site
Les fagnes ont commencé à se former il y a environ 10.000 ans, à la fin du dernier épisode glaciaire. Il y a 2.000 ans, la majeure partie du plateau des Hautes Fagnes est couverte d'une forêt composée essentiellement de feuillus (hêtres, aulnes, bouleaux, chênes, etc.). Quelques étendues de tourbières sont présentes ici et là mais cette végétation n'est certainement plus dominante à cette époque.
Dès le Moyen Age, l'exploitation humaine vient bouleverser complètement le paysage : les coupes de bois, le pâturage par des troupeaux de moutons, la mise en culture d'essarts, ou encore l'extraction de la tourbe engendrent peu à peu de vastes espaces de landes et de marais.
Au 19ème siècle, l'introduction de l'épicéa apporte un nouveau bouleversement du paysage et du sol. La plantation en masse de cet arbre originaire des montagnes d'Europe centrale, bien adapté au climat des Hautes Fagnes, a en effet entrainé une fermeture du paysage et une forte acidification des sols, en même temps qu'une réduction drastique des landes et des tourbières ainsi que des espèces végétales et animales associées.
Au 20ème siècle, l'avènement du tourisme apporte une nouvelle forme d'exploitation du haut plateau fagnard.
De 2007 à 2012, la région a bénéficié des moyens du projet LIFE Nature "Hautes Fagnes" durant lequel de nombreux travaux de restauration ont été entrepris, en collaboration avec le DNF, le SPW et divers autres partenaires. Ces travaux, qui ont consisté en particulier en l'élimination des plantations d'épicéas sur sols tourbeux, ont permis de dégager à nouveau le paysage tout en connectant des sites auparavant enclavés.
Dans le secteur de la Fagne de Jalhay, les parcelles qui ont été traitées lors de ce LIFE ont obtenu le statut de réserve naturelle domaniale par Arrêté du Gouvernement wallon du 21 avril 2016, pour un total de 97,8 ha.