L'intérêt biologique des anciennes carrières du Boyou s'est révélé peu de temps après l'arrêt des activités, en 2015, lors d'une visite du DNF de Liège durant laquelle a pu être démontrée la présence d'une petite colonie d'hirondelle de rivage (Riparia riparia) et d'une population moyenne de crapaud calamite (Bufo calamita), pour ce qui est des espèces phares.
Les inventaires ultérieurs, principalement effectués en 2019-2020 dans le cadre d'un projet de réhabilitation du site, ont largement confirmé cet intérêt en établissant la présence notamment du grand-duc d'Europe, de six espèces d'amphibiens, d'une vingtaine d'espèces d'insectes et de sept espèces de plantes protégées et/ou menacées à des degrés divers. La plupart de ces observations ont été décrites dans un avis interne au SPW-DEMNA ainsi que dans l'Etude des incidences environnementales du projet, réalisée en 2020 par les bureaux d'études TER Consult et Aquaconseil.
Les informations présentées dans les lignes qui suivent ont été recueillies au cours de deux visites (J.-Y. Baugnée - DEMNA) menées respectivement le 16/07/2019 dans la carrière Simon (carrière orientale) et le 22/08/2019 dans la carrière du Boyou proprement dite (carrière occidentale). Elles sont complétées le cas échéant par des données issues d'une visite effectuée le 12/06/2020 dans cette dernière.
Carrière Simon
Cette ancienne carrière de craie située à l'est du chemin du Thier de l'Abbaye est de dimensions modestes (175 m dans l'axe sud-nord et 135 m dans l'axe est-ouest) et est largement reboisée actuellement. Le fond de l'excavation s'étend sur une longueur de 65 m pour une largeur d'une vingtaine de mètres à peine et a été transformé récemment en champ de maïs par un chasseur. Elle est limitée au nord et à l'est par des falaises de craies surmontées d'une couche d'argiles, très instables. La partie sud se prolonge par une sorte de ravin boisé au relief chaotique. La partie ouest, en contrebas du chemin, a été retalutée par remblaiement (avec des scories notamment) et se présente comme une pente sèche exposée à l'est, très fleurie en cours de colonisation arbustive.
Aucune donnée biologique ne semblait disponible avant 2019 pour ce site. L'essentiel des observations a été réalisé dans la partie ouest de l'excavation, au niveau de la pente sur remblais. La végétation peut être assimilée à une friche calcicole dominée en de nombreux endroits par l'origan (Origanum vulgare) avec aussi la grande marguerite (Leucanthemum vulgare), le lotier corniculé (Lotus corniculatus), la carotte sauvage (Daucus carota), l'inule conyze (Inula conyzae), la picride fausse-épervière (Picris hieracioides), divers épilobes (Epilobium spp.), le fromental (Arrhenatherum elatius), la fléole des prés (Phleum pratense), la vesce hérissée (Vicia hirsuta), la vesce à quatre graines (Vicia tetrasperma), la luzerne lupuline (Medicago lupulina), l'odontite rouge (Odontites vernus), l'eupatoire chanvrine (Eupatorium cannabinum), l'épervière des murs (Hieracium murorum), le lin purgatif (Linum catharticum), le millepertuis perforé (Hypericum perforatum), le séneçon sud-africain (Senecio inaequidens), etc. La colonisation ligneuse est déjà bien avancée, en particulier dans le bas du versant. Elle est due essentiellement à des espèces pionnières classiques comme le bouleau verruqueux (Betula pendula), le peuplier tremble (Populus tremula), le saule marsault (Salix caprea), le saule blanc (Salix alba), l'églantier (Rosa canina), etc. On observe également quelques plants spontanés de l'exotique cornouiller soyeux (Cornus sericea) en provenance de la haie plantée le long du chemin du Thier de l'Abbaye.
Du point de vue faunistique, cette pente paraît très favorable à l'entomofaune en particulier, ce qui devrait être confirmé par de nouveaux inventaires. Plusieurs espèces intéressantes y ont déjà été notées dont trois abeilles solitaires protégées en Région wallonne, à savoir la panurge du calcaire (Panurgus calcaratus), la dasypode à culotte (Dasypoda hirtipes) et la macropède commune (Macropis europaea). Elles nidifient toutes trois dans le sol, les deux premières sont inféodées aux astéracées à fleurs jaunes, tandis que la troisième butine essentiellement les lysimaques (Lysimachia vulgaris et L. punctata) pour alimenter les "pains" de pollen destinés aux larves. A noter aussi la présence d'une libellule, le leste brun (Sympecma fusca), une autre espèce protégée en provenant des plans d'eau de la carrière ouest.
Une autre espèce d'insecte mérite une mention spéciale: il s'agit du coléoptère Elateridae Brachygonus megerlei dont un mâle a été collecté sur fleurs d'origan, et qui est resté longtemps inaperçue après les captures de Glain en 1889 et de Stavelot avant 1920 (JEUNIAUX, 1996), mais qui est réapparu depuis dans de rares localités belges (Richelle en 1970, leg. J.-M. Warlet; Bois de Mortroux en 1990, leg. J.-M. Warlet; et Kolmontbos en 2010, leg. L. Crèvecoeur). Selon DELNATTE et al. (2011), les Brachygonus sont des coléoptères saproxyliques à tendance thermophile apparaissant très localisés et généralement capturés dans des milieux arborés où subsistent encore des arbres à cavités (vieux arbres, arbres têtards, arbres tortueux, moribonds, remarquables...) et/ou du bois mort carié (souches, branches, troncs sur pied ou au sol...). On les trouve principalement dans les vieilles forêts ainsi que dans les vieux bocages comprenant encore des arbres matures ou surmatures et aussi dans les vieilles plantations (châtaigneraie par ex.). Les larves sont prédatrices (polyphages) et leur développement nécessite plusieurs années ; elles affectionnent particulièrement les terreaux humides des cavités et les diverses caries d'arbres caducifoliés, notamment les caries rouges et/ou blanches de chênes indigènes.
Les falaises qui cernent l'excavation n'ont pas été approchées pour des raisons de sécurité (éboulements fréquents) mais une inspection aux jumelles n'a pas révélé l'existence d'éléments floristiques ou faunistiques particuliers. On y observe surtout des plantes de friches dont l'origan et l'inule conyze, mais aussi des arbustes pionniers tels que le buddléa (Buddleja davidii) et le cotonéaster horizontal (Cotoneaster horizontalis), deux espèces exotiques habituelles dans ce genre de situation. Point de vue faune, on mentionnera tout au plus l'observation d'une écaille chinée (Euplagia quadripunctaria) au sommet de la falaise.
Le ravin qui prolonge vers le sud la carrière est en grande partie boisé et comporte dans le sous-bois un beau peuplement de langue de cerf (Asplenium scolopendrium), en compagnie de la fougère mâle (Dryopteris filix-mas), l'épipactis à larges feuilles (Epipactis helleborine), le lierre (Hedera helix), le groseillier rouge (Ribes rubrum), etc. Certains talus sont percés de terriers de lapin (Oryctolagus cuniculus).
Carrière du Boyou
Cette ancienne carrière de craie est constituée de deux parties, la fosse orientale visitée en 2019 et 2020, et la fosse occidentale, prospectée seulement en 2020. La fosse orientale a un développement d'environ 260 sur 170 m et est limitée au nord, à l'ouest et à l'est par de hautes falaises surmontées de pans d'argiles. Vers le sud elle se prolonge par des remblais en partie colonisés par les ligneux. Elle comporte un plan d'eau peu profond d'environ 50 ares. Une mare plus profonde mais nettement plus petite se trouve également à une quinzaine de mètres au sud-ouest, séparée par un merlon de remblais.
Avant les inventaires de 2019, les données biologiques disponibles pour cette carrière se limitaient à une vingtaine d'observations faunistiques relatives à 11 espèces seulement (4 mammifères, 2 oiseaux, 3 amphibiens et 2 odonates) et à 13 données botaniques relatives à 12 espèces; elles ont été réunies entre 2012 et 2018 par 5 observateurs indépendants (J. Quartier, R. Barendse, N. Delhaye, T. Kinet et A. Laudelout).
Par rapport à la période 2012-2015, la grande mare s'est vue fortement colonisée par la végétation, en particulier par les massettes à larges feuilles (Typha latifolia), le myriophylle en épi (Myriophyllum spicatum) et la pesse d'eau (Hippuris vulgaris). La présence de la pesse d'eau, déjà notée en 2017, est remarquable en raison de sa rareté en Région wallonne et son inscription sur la liste rouge comme espèce en danger (Saintenoy-Simon et al. 2006). De plus, cette plante aquatique y est très abondante, y compris dans la petite mare proche. On peut se demander si cette population ne serait pas issue d'une introduction, la plante étant commercialisée dans les jardineries et utilisée en aquaculture ; cependant, d'après le propriétaire il n'y aurait eu aucune plantation ou introduction volontaire sur le site. D'autres plantes intéressantes ont été notées comme le plantain d'eau (Alisma plantago-aquatica), le potamot pectiné (Potamogeton pectinatus), le jonc des chaisiers (Schoenoplectus lacustris), le scirpe des marais (Eleocharis palustris), la renoncule scélérate (Ranunculus sceleratus), ainsi qu'une algue du genre Chara (difficilement identifiable car à l'état stérile).
Cette végétation exubérante n'est plus guère favorable à la reproduction du crapaud calamite, qui recherche des eaux plus temporaires et pionnières. Des pontes ont d'ailleurs été observées dans une flaque sur la piste qui mène vers l'ouest de la carrière. En revanche, la mare est attractive pour les oiseaux d'eau comme la foulque macroule (Fulica atra), la gallinule poule d'eau (Gallinula chloropus), le râle d'eau (Rallus aquaticus) et le grèbe castagneux (Tachybaptus ruficollis) nicheur sur le site cette année. En outre, les franges d'hélophytes sont l'habitat privilégié de deux espèces de coccinelles spécialisées et très localisées: il s'agit de la coccidule à quatre taches (Coccidula scutellata) et de la coccinelle des roseaux (Anisosticta novemdecimpunctata), cette dernière étant par ailleurs strictement protégée en Région wallonne. On ajoutera qu'au moins 10 espèces d'odonates étaient cantonnées en août 2019 autour de ce plan d'eau, qui sert très probablement de site de reproduction pour le leste brun (Sympecma fusca), dont une vingtaine d'individus ont été vus ailleurs dans les friches et les boisements clairs environnants.
Au sud de cette zone humide, sur un palier supérieur de la carrière, une friche s'est développée sur un remblai calcaire déjà relativement ancien et enclavée dans un boisement pionnier. Richement fleurie, elle renferme diverses graminées comme le pâturin comprimé (Poa compressa), le fromental (Arrhenatherum elatius) et la fétuque rouge (Festuca rubra) ainsi que de nombreuses dicotylées dont le millepertuis perforé (Hypericum perforatum), la tanaisie (Tanacetum vulgare), le cirse des champs (Cirsium arvense), l'origan (Origanum vulgare), la campanule raiponce (Campanula rapunculus), l'aigremoine eupatoire (Agrimonia eupatoria), l'odontite rouge (Odontites vernus), l'inule conyze (Inula conyzae), l'achillée millefeuille (Achillea millefolium), le bouillon blanc à grandes fleurs (Verbascum densiflorum), le compagnon blanc (Silene latifolia subsp. alba), la centaurée jacée (Centaurea jacea), etc. On y observe également la présence de quelques touffes de la laîche écartée (Carex divulsa), plante calcarifère considérée comme très rare dans la région limoneuse.
Du point de vue faunistique, cette friche abrite notamment deux orthoptères thermophiles, l'oedipode bleue (Oedipoda caerulescens) et le grillon d'Italie (Oecanthus pellucens), plusieurs abeilles protégées dont la dasypode à culotte (Dasypoda hirtipes), l'épéole tricolore (Epeolus variegatus), l'anthidie ponctuée (Anthidium punctatum) et le célioxe roussi (Coelioxys rufescens), ainsi qu'une population fournie de collier de corail (Aricia agestis), etc.
Dans la fosse occidentale de la carrière, une abeille solitaire rarissime et en danger critique en Belgique a été notée en 2020, à savoir l'andrène polie (Andrena polita), qui ne subsiste plus qu'à la Montagne Saint-Pierre. Les femelles butinent les composées à fleurs jaunes et nidifient dans le sol dans les endroits chauds et secs.
Du point de vue ornithologique, une espèce prestigieuse s'est manifestée à plusieurs reprises en 2019 et 2020: c'est le grand-duc d'Europe (Bubo bubo), super prédateur qui semble bien cantonné sur le site et qui pourrait même y nicher sur les falaises.