Cette réserve naturelle domaniale de près de 25 ha, créée en 2015 à la suite du projet LIFE Lomme, se trouve en Ardenne centrale, environ 6,5 km au nord-est de Libramont, au sein du vaste massif forestier qui s'étend entre cette petite ville et la localité de Libin. Il englobe deux sites auparavant distingués, la Fange de Tailsus et la Fange Bubu située plus en aval.
Le site comprend la totalité du vallon du ruisseau de la Fange de Tailsus (ou ruisseau dit de la Fontaine des Tachus), depuis sa source au lieu-dit «Devant Contranhé» située à 435 m d'altitude, jusqu'à sa confluence avec la Lomme, à proximité de la ligne de chemin de fer Bruxelles-Arlon, à l'altitude de 380 m. Le ruisseau, d'une longueur d'à peine 1,9 km, coule selon un axe sud-ouest/nord-est. La réserve est complétée par une longue (550 m) et étroite parcelle s'étendant dans la vallée du Serpont, en contrebas de la voie ferrée. L'ensemble du site fait partie du sous-bassin hydrographique de la Lesse.
Le vallon repose essentiellement sur des terrains du Gedinnien supérieur. Les sols y sont majoritairement de type tourbeux, hydromorphes à nappe temporaire.
Du point de vue phytogéographique, le vallon appartient au district ardennais. Le climat est de type continental, avec des hivers longs et rigoureux.
Avant les travaux de déboisement et de restauration du LIFE Lomme, les deux sites reconnus initialement, la Fange de Tailsius et la Fange Bubu, étaient séparés par des massifs résineux. Ce n'est plus le cas à présent et ils forment ensemble une zone humide de grand intérêt biologique abritant une remarquable mosaïque d'habitats. Le célèbre site tourbeux des Troufferies de Libin ne se trouve qu'à quelques centaines de mètres au sud!
D'après relevés de NOIRFALISE & CLAESSENS (1989) et des observations plus récentes, la Fange de Tailsus abrite:
- une jonçaie acutiflore;
- une lande sèche acidophile à Nardus stricta avec Carex panicea, Agrostis capillaris, Galium saxatile, Festuca rubra s.l., ...;
- une tourbière dégradée à Molinia caerulea;
- une cariçaie à Carex paniculata avec, entre les touradons: Sphagnum recurvum, Viola palustris, Myosotis scorpioides, Caltha palustris, Epilobium palustre, Scutellaria galericulata, Comarum palustre,...;
- une cariçaie à Carex nigra;
- une aulnaie rivulaire à Wahlenbergia hederacea;
- des recolonisations forestières de chênes, bouleaux, saules et résineux;
- des suintements acides à Montia fontana.
Quant à la Fange Bubu, toujours d'après CLAESSENS & NOIRFALISE, elle se présente à la fin des années 1980 comme une mosaïque complexe de groupements de bas-marais, avec en particulier:
- une tourbière flottante à Sphagnum spp., Vaccinium oxycoccos, Drosera rotundifolia, Menyanthes trifoliata, Comarum palustre, Hydrocotyle vulgaris, Epilobium palustre, Galium palustre, G. uliginosum, Molinia caerulea, Succisa pratensis, Pedicularis sylvatica, Carex rostrata, Carex nigra, Eriophorum angustifolium, ...;
- un bas-marais acide à Carex echinata, Carex canescens, Viola palustris, etc.;
- une jonçaie acutiflore;
- un groupement de source à Montia fontana;
- une cariçaie à Carex paniculata;
- une moliniaie à Molinia caerulea et Succisa pratensis;
Le long du ruisseau, de type salmonicole, on observe par ailleurs une roselière frangeante à Phalaris arundinacea, ainsi que des fourrés rivulaires à Salix aurita.
La faune est d'une richesse importante avec la présence de diverses espèces rares à écologie spécialisée.
L'isolement et la tranquillité du site et son environnement forestier attirent une avifaune diversifiée comprenant un mélange d'espèces typiques de milieux semi-ouverts et boisés comme le pipit des arbres (Anthus trivialis), le pouillot fitis (Phylloscopus trochilus), la fauvette babillarde (Sylvia curruca), le tarier pâtre (Saxicola torquatus), le bruant jaune (Emberiza citrinella), la locustelle tachetée (Locustella naevia), la pie-grièche écorcheur (Lanius collurio), ... La pie-grièche grise (Lanius excubitor), de plus en plus rare en Région wallonne, a été signalée à plusieurs reprises comme nicheuse probable sur le site. La cigogne noire (Ciconia nigra) est aussi cantonnée dans le secteur et fréquente les abords des ruisseaux en quête de nourriture. Un hôte de marque, la nyctale de Tengmalm (Aegolius funereus), a été noté en 2012 dans une vieille pessière en périphérie de la zone tourbeuse.
L'herpétofaune comporte au moins le lézard vivipare (Zootoca vivipara), omniprésent sur les fagnes de la région, ainsi que 5 espèces d'amphibiens dont la petite grenouille verte (Pelophylax lessonae).
Les papillons diurnes regroupent 30 espèces dont le nacré de la canneberge (Boloria aquilonaris) en représente certainement le fleuron; il faut aussi mentionner le cuivré écarlate (Lycaena hippothoe), lycénidé typiquement ardennais mais en voie de raréfaction généralisée, le petit collier argenté (Boloria selene), encore assez répandu et lié surtout à la violette des marais, le nacré de la bistorte (Boloria eunomia), localisé aux prairies humides à bistorte, l'échiquier (Carterocephalus palaemon), à chenille se développant entre autre sur la molinie, ou encore le grand nacré (Argynnis aglaja).
Durant les années 1990-2000, 13 espèces d'odonates étaient recensées sur le site, en particulier l'orthétrum bleuissant (Orthetrum coerulescens), espèce pionnière des suintements acides, et surtout de la cordulie arctique (Somatochlora arctica), libellule très rare et lié aux zones tourbeuses. Une troisième espèce intéressante, Aeshna juncea, fut signalée en 1990 mais non revue depuis lors (elle a été retrouvée en 2017 aux Troufferies, après 17 ans sans observations - G. Motte, in litt.).
Depuis l'intervention du LIFE Lomme (voir BALTUS, 2015), le nombre de libellule a nettement augmenté (20 spp.) suite à la création de petits plans d'eau, notamment par colmatage de drains. Le sympétrum noir (Sympetrum danae) a particulièrement bien réagi à ces travaux, et une autre espèce particulièrement intéressante, la leucorrhine douteuse (Leucorrhinia dubia), semble être (ré)apparue récemment (une observation en 2015).
Parmi les orthoptères, il faut souligner plus particulièrement la decticelle des bruyères (Metrioptera brachyptera), sauterelle à distribution très localisée et typique des landes, le criquet ensanglanté (Stethophyma grossum), en expansion et spécifique aux prairies marécageuses, et la sauterelle cymbalière (Tettigonia cantans), espèce proche de la grande sauterelle verte mais beaucoup plus localisée en Région wallonne (vallées de la Semois et de la Haute Lesse, essentiellement).