Le site de Terretelle - Plome Mohon regroupe une mosaïque remarquable d'habitats typiques des sols schisteux et argileux de la Famenne centrale. Ces habitats ont été cartographiés précisément dans le cadre de la désignation du site Natura 2000 BE34004 (Massifs forestiers famenniens entre Hotton et Barvaux-sur-Ourthe), sur base de relevés botaniques datant de 2014. La description suivante n'a pas une prétention d'exhaustivité mais tente d'offrir un aperçu des habitats et des végétations les plus spécifiques ou qui présentent un intérêt particulier pour la région.
Selon P. Goffart (avis site interne au SPW, 2006), les végétations des zones ouvertes comprennent cinq types d'habitats Natura 2000:
- des pelouses sèches du Mesobromion sur schistes sur les sols les plus superficiels, voire squelettiques, "pelouses sèches semi-naturelles et faciès d'embuissonnement sur calcaire (Festuco-Brometalia)" (habitat prioritaire codé 6210); elles sont surtout représentées le long du chemin dans la montée (où elles sont d'ailleurs localement affectées par le piétinement intensif...);
- des "pelouses rupicoles calcaires à basiphiles de l'Alysso-Sedion albi" (code 6110), présentes à l'état relictuel sur les schistes affleurant le long du chemin, dans la partie basse surtout, en mosaïque avec les pelouses sèches;
- des prairies du Molinion sur les sols plus lourds et argileux du replat sommital en bordure des peuplements forestiers ("prairies à Molinia sur sols calcaires, tourbeux ou argilo-limoneux du Molinion caeruleae" - code 6410);
- des fragments de landes sèches mésotrophes ("landes sèches européennes" - code 4030), sur les bosses plus sèches à proximité des éléments de prairie du Molinion;
- des prés mésophiles non amendés de l'Arrhenatherion ("pelouses maigres de fauche de basse altitude" – code 6510), dans un bocage assez dense, sur le versant orienté au sud-est.
Tous ces habitats comportent des faciès d'embroussaillement plus ou moins importants, qui se sont progressivement étendus, du fait de l'absence de gestion depuis une dizaine d'années. Hormis ces zones de recrûs, les milieux forestiers sont constitués uniquement de vieilles plantations de pins ou d'épicéas, ainsi qu'une plantation récente de chênes d'Amérique et de robiniers faux-acacias.
L'ensemble du site est donc bien reconnu pour ses intéressantes pelouses ouvertes sur schistes calcarifères, ses prés humides oligotrophes, ses prairies de fauche peu ou non amendées et ses landes mésotrophes, milieux en forte raréfaction partout en Wallonie et qui ne subsistent plus que fragmentairement dans la plupart des cas.
Mais de belles chênaies-charmaies famenniennes couvrent la partie nord du site. Outre leur richesse botanique intrinsèque et leur désignation comme habitat d'intérêt communautaire, elles répondent bien à la définition de forêt subnaturelle ancienne et revêtent ainsi une haute valeur patrimoniale.
En outre, le réseau de haies vives et de fourrés contribue également à une forte structuration du milieu en créant des clairières et des lisières très favorables à l'entomofaune notamment.
Une mare historique, située en contrebas du site, vers la rue de Naive, et les sources et ruisselets ajoutent encore à cette diversité écologique, sans compter encore d'autres aménagements à vocation écologique (e.a. deux mares creusées entre 2019 et 2021 dans une zone débroussaillée le long du petit affluent du Ri de Naive).
Comme en témoignent les multiples inventaires menés sur le site depuis le début des années 2000 par des botanistes chevronnés, la flore locale se révèle d'une exceptionnelle diversité avec au moins 415 espèces de plantes vasculaires au compteur! De plus, elle comporte de nombreuses espèces protégées, rares et/ou menacées à des degrés divers. Cette flore se compose d'un mélange d'espèces aux exigences variées: thermophiles, hygrophiles, calcicoles, neutrophiles, acidophiles, oligotrophiles, sylvicoles, etc.
Ainsi, dans son compte-rendu d'excursion des Naturalistes de la Haute Lesse, GIOT (2002) note sur les zones prospectées (milieux ouverts essentiellement):
- des espèces de pelouses et d'ourlets calcicoles comme Bromus erectus, Genista tinctoria, Thymus pulegioides, Carex flacca, Helianthemum nummularium, Anthyllis vulneraria, Campanula rotundifolia, Echium vulgare, Ononis repens, Linum catharticum, Centaurea jacea subsp. timbalii, etc.
- des espèces des prés oligotrophes du molinion: Silaum silaus, Selinum carvifolia, Colchicum autumnale, Achillea ptarmica, etc.
- des plantes messicoles comme Anagallis arvensis, Melampyrum arvense, Centaurium pulchellum, etc.
- des espèces de prairies mésophiles dont Phleum pratense, Trisetum flavescens, Agrostis capillaris, Anthoxanthum odoratum, etc.
Les prairies de fauche non amendées accueillent le cortège floristique le plus riche avec une forte représentation des dicotylées. Elles s'étendent essentiellement dans la moitié sud du site, de part et d'autre de la bande boisée centrale.
S'étendant à l'est de la rue du Thier, la prairie de Plome Mohon est particulièrement remarquable mais a bien failli disparaître quand elle fut visée par un projet de lotissement, au début des années 2000. C'est la présence d'une importante population d'orchis bouffon (Orchis morio), une espèce d'orchidée rare et menacée, qui a conduit à son rachat par la Région wallonne puis son classement en 2006 comme réserve naturelle domaniale (2,5ha). A noter que jusqu'au milieu des années 1990, la parcelle était pour moitié plantée de résineux, qui ont été éliminés par la suite.
Située à une altitude de 200 m, cette prairie semi-naturelle installée sur schistes famenniens est surtout représentée dans la partie nord de la parcelle, le long de la rue du Thier. Un relevé initial réalisé le 13/5/1999 par J.-L. Gathoye (SPW) compte une quarantaine d'espèces: Anthoxanthum odoratum, Ranunculus bulbosus, Achillea millefolium, Potentilla reptans, Orchis morio (1000-1500 pieds en fleur), Luzula campestris, Festuca rubra, Plantago lanceolata, Primula veris, Rumex acetosa, Trifolium pratense, Bellis perennis, Rhinanthus minor, Briza media, Carex caryophyllea, Myosotis discolor, Pimpinella saxifraga, Hypericum perforatum, Cerastium fontanum, Leontodon hispidus, Lotus corniculatus, Poa pratensis, Alopecurus pratensis, Dactylis glomerata, Centaurea sp., Arenaria serpyllifolia, Colchicum autumnale, Bromus hordeaceus, Poa trivialis, Ranunculus acris, Carex flacca, Sanguisorba minor, Vicia sp., Trifolium dubium, Erophila verna, Plantago media, Veronica serpyllifolia, Taraxacum sp., Lolium perenne, Cynosurus cristatus, Bromus erectus. En 2014, un autre relevé montre en outre Tragopogon pratensis, Centaurea jacea, Arrhenatherum elatius, Crepis biennis, Lathyrus hirsutus, Leucanthemum vulgare, Cardamine pratensis, Holcus lanatus, Avenula pubescens, ... (obs. R. Cors).
Une flore intéressante et variée colonise aussi le talus de la route, avec notamment la rare Lathyrus nissolia, Allium oleraceum, Koeleria macrantha, Festuca lemanii, Potentilla neumanniana, Thymus pulegioides, Lathyrus pratensis, Agrimonia eupatoria, Hieracium pilosella, Medicago lupulina, Viola hirta, Cerastium arvense, Daucus carota, Galium mollugo, Vicia cracca, etc.
Au centre de la parcelle, à l'emplacement des anciennes plantations résineuses, figure une friche herbeuse abritant des espèces frugales dont Selinum carvifolia et Silaum silaus, mais davantage colonisée par des plantes plus eutrophiles comme Linaria vulgaris, Glechoma hederacea, Anthriscus sylvestris, Carex spicata, Cirsium arvense, Cirsium vulgare, Convolvulus arvensis, Carex hirta, Senecio jacobaea, Hypericum perforatum, Tanacetum vulgare, Oenothera deflexa, Odontites vernus subsp. serotinus, Verbascum thapsus, Knautia arvensis, etc.
La marge sud correspond à un vallon humide avec une petite mare en lisière d'une bande boisée. Début des années 2000, s'y observent notamment Lotus pedunculatus, Lycopus europaeus, Lythrum salicaria, Valeriana officinalis, Eleocharis palustris, Alisma plantago-aquatica, Typha latifolia, Juncus inflexus, Sparganium erectum, Hypericum tetrapterum, Hypericum dubium, Eupatorium cannabinum, Epilobium palustre, Epilobium hirsutum, Cirsium palustre, Carex cuprina, Juncus effusus, Lychnis flos-cuculi, ...
Dans la bande boisée, on note Quercus robur, Rhamnus cathartica, Sambucus nigra, Dryopteris dilatata, Dryopteris filix-mas, Ulmus minor, Athyrium filix-femina, Brachypodium pinnatum, ...
Depuis les premiers relevés, la prairie de Plome Mohon a fait l'objet de nombreuses observations qui confirment au fil des ans son grand intérêt botanique. Elle a d'ailleurs été désignée comme prairie de haute valeur biologique faisant l'objet de mesures agri-environnementales.
A l'ouest du circuit de motocross, une autre prairie méso-hygrophile de haute valeur biologique est suivie depuis 2018 (obs. S. Rouxhet - Natagriwal). Les relevés regroupent plus de 80 espèces herbacées dont Arrhenatherum elatius, Festuca pratensis, Heracleum sphondylium, Phleum pratense, Knautia arvensis, Hypericum maculatum, Tragopogon pratensis, Achillea millefolium, Holcus lanatus, Lathyrus pratensis, Rumex acetosa, Vicia cracca, Agrostis capillaris, Anthoxanthum odoratum, Sanguisorba minor, Briza media, Centaurea jacea, Galium verum, Leucanthemum vulgare, Potentilla anserina, Lotus corniculatus, Trisetum flavescens, Pimpinella saxifraga, Prunella vulgaris, Ononis repens, Campanula rapunculus, Luzula campestris, Veronica chamaedrys, Primula veris, Selinum carvifolia, Achillea ptarmica, Stellaria graminea, Genista tinctoria, Carex panicea, Succisa pratensis, Carex flacca, Potentilla reptans, Silaum silaus, Danthonia decumbens, Odontites vernus, Stachys palustris, Ranunculus bulbosus, Trifolium campestre, Bromus racemosus, Trifolium medium, Anthriscus sylvestris, Dianthus carthusianorum, etc.
Des dépressions y accueillent d'autres espèces plus nettement hygrophiles sont présentes plus localement comme Carex hirta, Galium palustre, Lysimachia vulgaris, Phalaris arundinacea, Ranunculus flammula, Filipendula ulmaria, Lychnis flos-cuculi, Glyceria fluitans, Carex disticha, Juncus effusus, Lycopus europaeus, Juncus inflexus, Persicaria amphibia, Carex cuprina, Myosotis nemorosa, Mentha aquatica, Alisma plantago-aquatica, Iris pseudacorus, Lythrum salicaria, ...
TANGHE (2017) décrit un habitat semi-naturel rare et quasiment endémique de Fagne-Famenne, la lande mésotrophe. Présent partout sous forme de reliquat, il s'agit ici d'une variante calcicole où les groupes écologiques du Calluno-Genistion (Calluna vulgaris, Genista pilosa) et du Molinion (Succisa pratensis, Selinum carvifolia, Calamagrostis epigejos, Senecio erucifolius, Achillea ptarmica, Colchicum autumnale, Silaum silaus, ...) sont associés à un contingent plus ou moins fourni d'espèces du Bromion, comme Carex flacca, Lotus corniculatus, Galium pumilum, Galium verum, Briza media, Pimpinella saxifraga, Dactylorhiza fuchsii, Carlina vulgaris, Ononis repens, Koeleria macrantha, Avenula pubescens, Leontodon hispidus, etc.
Dans la région, ce type de végétation est également présent dans le Bois de Grandhan, au lieu-dit Tortereau, mais avec une représentation moindre des espèces du Bromion (TANGHE, 2017).
La mare située à 75 m au nord de la rue de Naive a été recreusée en 2018 après une période d'atterrissement d'une dizaine d'années. Une mare plus petite a été créée au même moment à proximité lors du Life Papillons. On y observe notamment Glyceria fluitans, Lemna minor, Alisma plantago-aquatica, Mentha arvensis, Eleocharis palustris, Persicaria amphibia (obs. L.-M. Delescaille, 2018).
Intérêt faunistique
Le peuplement faunistique du site de Terretelle est d'une richesse particulièrement élevée avec de nombreuses composantes remarquables. Des inventaires et observations naturalistes y sont menés dès le début des années 1990 (époque à laquelle on commence à percevoir réellement l'intérêt du site) si bien que les données disponibles sont actuellement fort abondantes, tout au moins pour les groupes les plus populaires. Mais d'une manière générale, l'entomofaune, qui constitue une part importante de la biodiversité, reste insuffisamment documentée.
L'avifaune nicheuse comprend de belles densités d'espèces du bocage comme la pie-grièche écorcheur, les grives draine et litorne, le pipit des arbres, le rossignol, la locustelle tachetée, les fauvettes grisette et babillarde, le gros-bec, la linotte mélodieuse, le bruant jaune, le tarier pâtre et l'hypolaïs polyglotte. Depuis au moins 1997, le site héberge également un des derniers couples nicheurs d'alouette lulu de la région.
Le lézard vivipare (Zootoca vivipara) et l'orvet fragile (Anguis fragilis) sont les deux reptiles les plus fréquemment notés à Terretelle. La couleuvre à collier (Natrix natrix) est également présente mais moins souvent contactée. Une population de coronelle lisse (Coronella austriaca) est cantonnée au niveau de la voie ferrée mais aucune observation n'a encore été signalée sur le site même, malgré la pose de plaques censée augmenter la détection de ce serpent discret. Plus étonnant, une petite population de lézard des murailles (Podarcis muralis) semble présente le long du chemin schisteux qui parcourt la crête, comme l'indique plusieurs observations récentes validées; ces individus y ont peut-être été amenés accidentellement via des matériaux de construction ou des grumes entreposés dans le zoning industriel (E. Graitson, comm.).
Parmi les insectes, comme c'est le cas pour la plupart des autres sites, les groupes les mieux connus sont les papillons diurnes (ou rhopalocères), suivis par les odonates et les orthoptères.
Les papillons diurnes y sont représentés par au moins 61 espèces recensées depuis le début des années 2000, ce qui porte Terretelle au rang des sites les plus riches de Wallonie. De plus, nombre d'entre-elles sont des éléments rares à semi-rares qui sont souvent étroitement liés aux mosaïques végétales complexes qui caractérise l'endroit. Citons entre autres Callophrys rubi, Carcharodus alceae, Boloria euphrosyne, Melitaea diamina, Coenonympha arcania, Erebia medusa, Hamearis lucina, Pyrgus malvae, Apatura ilia, Spialia sertorius, Satyrium pruni, Cupido minimus, Argynnis aglaja, ... Certaines espèces semblent cependant avoir déserté le site, en particulier l'emblématique Euphydryas aurinia, le damier de la succise, dont la petite population locale est éteinte même si des individus erratiques sont parfois encore aperçus (comme en 2021). A noter aussi qu'Erebia medusa, autre espèce très menacée, semble avoir disparu depuis quelques années. D'un autre côté, certains papillons ont fait leur apparition récemment, tel Brenthis daphne, espèce d'origine méridionale notée pour la première fois en Gaume en 2006 et dont la dissémination a ensuite été fulgurante sur l'ensemble du territoire wallon.
Les pelouses et prairies sèches, près humides et fourrés de Terretelle hébergent un riche cortège d'orthoptères, avec au moins 18 espèces recensées dont Metrioptera bicolor, Phaneroptera falcata, Nemobius sylvestris, Chrysochraon dispar, Gomphocerippus rufus, Omocestus rufipes, Stenobothrus lineatus, Oedipoda caerulescens, Stethophyma grossum, ...
Les rares points d'eau présents sur le site accueillent une faune aquatique malgré tout assez riche même si elle n'a pas encore fait l'objet d'études détaillées. La mare principale est celle située un peu au nord de la rue de Naive, restée atterrie de 2007 à 2016 puis recreusée dans le cadre du Life Papillons. La grenouille rousse (Rana temporaria), la grenouille verte (Pelophylax kl. esculentus) et les quatre espèces de tritons s'y reproduisent, dont le rare triton crêté, sans oublier une quinzaine d'espèces de libellules, dont le rare Lestes dryas, connu sur le site depuis au moins les années 1980 (comm. P. Goffart). On y a aussi noté les punaises aquatiques Ranatra linearis et Nepa cinerea.
Les données concernant les autres groupes animaux sont plus fragmentaires et pour l'heure largement insuffisantes pour être significatives. La présence de certaines espèces rares notées sur le site au début des années 2000 mériterait d'être confirmée par de nouvelles recherches. C'est le cas du syrphe Callicera rufa, détecté à l'occasion d'une étude de la biodiversité des lisières forestières menée par la Faculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux, ainsi que de la coccinelle Coccinella hieroglyphica, trouvée une seule fois sur un des lambeaux de lande à callune.