Le domaine provincial de Chevetogne s'étend sur près de 500 hectares, dont 375 ha de forêts. Il comprend une vaste zone dédiée aux loisirs, localisée dans la partie sud-ouest, ainsi qu'un camping occupant une partie du vallon du Molinia. Ce ruisseau alimente en aval du camping tout un chapelet d'étangs aux berges plus ou moins artificialisées.
Alors que, historiquement, le peuplement forestier devait être dominé par la hêtraie (comme en témoignent divers toponymes: Fays, Fawia, ...), le domaine est actuellement occupé par des chênaies-charmaies et des chênaies-frênaies traitées en futaie claire irrégulière sur taillis (voir projet d'aménagement, DNF-cantonnement de Rochefort, 2011).
Un inventaire des habitats selon la typologie Waleunis (T. Kervyn-DEMNA 2009) a permis de reconnaître, parmi les habitats forestiers:
- 256 ha de chênaies-frênaies subatlantiques neutrophiles,
- 65 ha de chênaies-charmaies faméniennes,
- 20 ha de plantations de conifères,
- 3,3 ha d'aulnaies-frênaies alluviales,
- 2,2 ha d'aulnaies marécageuses,
- 5 ha de hêtraies.
Hors zone de loisirs, les habitats ouverts couvrent des surfaces relativement réduites. Il s'agit soit de coupes à blanc, soit de prairies humides abandonnées, soit encore de prairies entretenues comme zone de gagnage, à proximité des maisons forestières. Très localement, notamment sur les talus de certaines voiries, on rencontre également des fragments de pelouses sèches.
Quelques habitats, parmi les plus remarquables du domaine de Chevetogne, sont décrits ci-dessous.
Réserve intégrale du Gros Bois
Dans le cadre du projet d'aménagement des bois du domaine provincial, le Cantonnement de Rochefort a proposé d'inclure en réserve intégrale une grande partie du «Gros Bois», soit une étendue de 72 hectares d'un seul tenant. Cette zone boisée, située dans la partie orientale du domaine, au nord du vallon du Molinia, se compose principalement d'une chênaie-charmaie à stellaire.
Son intérêt ornithologique est remarquable, comme le montrent les observations effectuées au cours des trois dernières années par Nicolas Pierrard et Pierre Hanse (Observations.be 2009-2011). En effet, durant la période de nidification, ont été notées diverses espèces peu communes comme le gobemouche gris (Muscicapa striata), le grimpereau des bois (Certhia familiaris), le grosbec casse-noyaux (Coccothraustes coccothraustes), le pic épeichette (Dendrocopos minor), le pic mar (Dendrocopos medius), le pic noir (Dryocopus martius), le pouillot siffleur (Phylloscopus sibilatrix), aux côtés d'oiseaux plus répandus tels que la grive draine (Turdus viscivorus), le pic vert (Picus viridis), la mésange nonnette (Poecile palustris) ou encore le roitelet à triple bandeau (Regulus ignicapilla).
Prairie de la maison forestière n° 1
Cette prairie maigre est située en face de la maison forestière n° 1, à l'entrée du domaine en venant du nord (Ychippe). Elle était occupée jadis par un verger, dont il ne subsiste que deux pommiers. Bordé au sud et à l'ouest par la forêt et à l'est par des cultures, le site est utilisé comme zone de campement par les groupements de jeunesse et est entretenu par fauche une ou deux fois par an.
Si une partie de la prairie présente un cortège assez diversifié, la flore devient plus banale en se rapprochant des lisières, probablement en raison d'un ombrage plus important. Un relevé effectué en septembre 2012 montre notamment Hypochaeris radicata (abondante, indicatrice du piétinement), Leontodon autumnalis, Plantago lanceolata, Plantago major, Bellis perennis, Taraxacum sp., Trifolium repens, Trifolium pratense, Lolium perenne, Achillea millefolium, Cerastium fontanum, Crepis capillaris, Dactylis glomerata, Poa pratensis, Poa annua, Festuca rubra, Hypericum perforatum, Polygonum aviculare, Rumex acetosa, Rumex obtusifolius, Veronica arvensis, Ranunculus repens, Ranunculus acris, Cirsium arvense, Galeopsis tetrahit, Arrhenatherum elatius, Sonchus asper, Senecio jacobaea, Stellaria graminea, Agrostis capillaris, Cerastium glomeratum, Prunella vulgaris, Veronica chamaedrys, Juncus tenuis, Juncus bufonius, etc.
La lisière renferme Quercus petraea, Fagus sylvatica, Corylus avellana, Carpinus betulus, Fraxinus excelsior, ...
Prairie de la maison forestière n° 5
Au niveau de la maison forestière n° 5 s'étend une prairie maigre enclavée, floristiquement très riche. Occupant une pente modérée d'exposition sud-ouest, elle n'a probablement jamais été amendée et est entretenue par fauche annuelle au fléau. La partie supérieure montre une physionomie de pelouse acidophile, tandis que la partie inférieure est plus mésophile, voire plus franchement hygrophile en bas de pente. De même, la partie sud de la prairie, vers la maison forestière, est davantage fréquentée par le public et présente d'ailleurs une flore plus nitrophile. On y observe également quelques vieux pommiers, vestige d'un ancien verger.
Le cortège floristique est très diversifié, malgré la faible étendue de la prairie.
Sous les pommiers évoluent notamment Ajuga reptans, Mentha arvensis, Veronica filiformis, Plantago major, Potentilla sterilis, Heracleum sphondylium, Rumex acetosa, Ranunculus acris, Trifolium repens, Lolium perenne, Taraxacum sp., Galeopsis tetrahit, Dactylis glomerata, Poa annua, Lysimachia nemorum, Geum urbanum, Sambucus nigra (épiphyte sur pommier!).
La partie supérieure de la prairie accueille Potentilla erecta, Polygala vulgaris, Luzula campestris, Danthonia decumbens, Hieracium pilosella, Lotus corniculatus, Thymus pulegioides, Euphrasia nemorosa, Galium verum, Campanula rotundifolia, Leucanthemum vulgare, Plantago lanceolata, Festuca rubra, Veronica officinalis, Prunella vulgaris, Lathyrus linifolius, Viola riviniana, Helianthemum nummularium, Trifolium medium, Anthoxanthum odoratum, Hypericum perforatum, etc.
La pente montre une abondance remarquable de Leontodon hispidus et regroupe, outre diverses espèces précitées: Knautia arvensis, Centaurea jacea, Holcus mollis, Holcus lanatus, Agrostis capillaris, Clinopodium vulgare, Hypericum dubium, Pimpinella saxifraga, Bellis perennis, Achillea millefolium, Veronica chamaedrys, Potentilla sterilis, Cerastium fontanum, Ranunculus bulbosus, Glechoma hederacea, Centaurium erythraea, Agrimonia eupatoria, Alchemilla glabra, etc. Au niveau de boutis de sangliers apparaissent en outre Anagallis arvensis, Gnaphalium uliginosum, Juncus tenuis.
Prairie alluviale en aval du monastère
Cette prairie humide abandonnée, reprise en zone centrale de conservation dans le plan d'aménagement du domaine, est située le long d'un petit cours d'eau au nord-ouest du monastère de Chevetogne. Elle est constituée surtout de plantes de mégaphorbiaies mélées d'éléments de jonçaies et de bas-marais: Filipendula ulmaria, Cirsium palustre, Lycopus europaeus, Mentha arvensis, Equisetum fluviatile, Angelica sylvestris, Scirpus sylvaticus, Juncus effusus, Juncus acutiflorus, Myosotis nemorosa, Lychnis flos-cuculi, Ranunculus repens, Ranunculus flammula, Achillea ptarmica, Galium uliginosum, Galium aparine, Urtica dioica, Valeriana repens, Lotus pedunculatus, Epilobium palustre, Carex hirta, Stachys palustris, Rumex acetosa, Rumex conglomeratus, Stellaria alsine, Persicaria amphibia, Hypericum tetrapterum, Holcus lanatus, Poa trivialis, Lysimachia nummularia, Cardamine amara, Glechoma hederacea, etc.
Quelques petits massifs de saules (Salix cf cinerea) se développent à plusieurs endroits de la prairie. Le ruisseau est bordé d'une galerie rivulaire étroite composée de l'aulne glutineux (Alnus glutinosa).
Un dôme sec en bordure de la zone humide porte une pelouse sèche de quelques mètres carrés, dominée par Bromus erectus, et comprenant aussi Briza media, Hypericum perforatum, Stachys officinalis, Pimpinella saxifraga, Hieracium pilosella, Veronica chamaedrys, Plantago lanceolata, Galium verum, Agrostis capillaris, Potentilla erecta, Silene nutans, ...
Bryoflore
Un inventaire bryologique a été réalisé dans plusieurs secteurs du domaine de Chevetogne le 28 décembre 2012 par André Sotiaux, Jean-Marc Couvreur et Patrick Degroote.
- talus rocheux, bordure de la route longeant les étangs près du barrage: Cephaloziella divaricata, Lophozia excisa, Bryoerythrophyllum recurvirostrum, Didymodon insulanus, Homalothecium sericeum, Schistidium apocarpum s.l., Syntrichia ruralis, Weissia controversa;
- réserve forestière intégrale, base du versant boisé en exposition nord: Hylocomium splendens, Pleurozium schreberi, Polytrichastrum formosum, Hypnum jutlandicum, Dicranum scoparium, Thuidium tamariscinum, Polytrichastrum longisetum, Rhytidiadelphus triquetrus, Isothecium myosuroides, Lophocolea bidentata, Kindbergia praelonga, Eurhynchium striatum, Brachythecium rutabulum, Pogonatum aloides, Dicranella heteromalla, Mnium hornum, Atrichum undulatum, Plagiomnium affine, Plagiothecium succulentum, Metzgeria furcata, Radula complanata, Rhytidiadelphus loreus (sur bois mort,très peu fréquent dans le site), Dicranum montanum, Plagiochila asplenioides, Pellia epiphylla, Pseudotaxiphyllum elegans, Plagiomnium undulatum, Fissidens bryoides, Hypnum cupressiforme, ainsi que les épiphytes Hypnum andoi, Frullania dilatata, Platygyrium repens, Dicranum tauricum;
- maçonnerie du pont sur le ruisseau de Mivaux: Didymodon luridus, Brachythecium albicans, Bryum capillare, Rhynchostegium murale, Orthotrichum anomalum, Schistidium apocarpum s.l., Tortula muralis;
- affleurements rocheux en exposition nord: Diplophyllum albicans, Lepidozia reptans, Scapania nemorea, Plagiothecium undulatum, Sphagnum quinquefarium;
- chemin empierré calcarifère, humide près des étangs: Calliergonella cuspidata, Cratoneuron filicinum, Drepanocladus aduncus, Oxyrrhynchium hians;
- montée vers les crêtes: Calypogeia fissa, Pseudotaxiphyllum elegans, Fissidens bryoides, Homalia trichomanoides, Brachytheciastrum velutinum;
-chemin forestier pentu descendant vers le camping: Jungermannia gracillima, Campylopus introflexus, Leucobryum glaucum, Pleuridium acuminatum, Pogonatum nanum;
- camping: Ctenidium molluscum (sur affleurement rocheux), Rhizomnium punctatum, Cratoneuron filicinum, Phascum cuspidatum (sur remblais), Tortula truncata (id), Barbula unguiculata (id), Barbula convoluta (id), Dicranella staphylina (id), Marchantia polymorpha (rudérale), Bryum argenteum (rudérale), Orthotrichum obtusifolium (sur érable), Platygyrium repens (id);
- barrage, maçonnerie humide en béton: Grimmia pulvinata, Syntrichia virescens.
Fonge
La fonge - c'est-à-dire les champignons - du domaine de Chevetogne ne semble pas avoir fait l'objet de recensement exhaustif. En raison de la diversité des habitats présents, on peut cependant prévoir que la richesse spécifique doit y être fort élevée.
Ainsi lors d'une excursion menée en novembre 2015 dans des conditions de sècheresse peu favorables au développement de ces organismes, des membres des Naturalistes de la Haute Lesse y ont recensé pas moins de 78 taxons, parmi lesquels certains montrent un intérêt particulier (GELIN, 2016). C'est le cas notamment des rares Phaeotellus griseopallidus et Hygrocybe fornicata, mais aussi de Psathyrella cotonea, une espèce montagnarde peu commune, considérée par l'auteur du compte rendu comme la trouvaille du jour.