Après la fermeture, en 1967, du charbonnage qui est à l'origine de la création du terril, le site a été laissé en l'état et n'a fait l'objet d'aucune exploitation des schistes, comme c'est souvent le cas pour plusieurs autres terrils de la région liégeoise. La végétation a donc pu s'y développer spontanément au fil du temps, bien que des plantations de robiniers y ont été pratiquées en vue de stabiliser le terrain sur les flancs nord, est et sud, en contact direct avec des rues densément bâties. C'est ainsi que durant les années 1950, l'imposant terril initial était déjà largement boisé sur sa portion orientale (d'après le plan du MET). Le petit terril ouest, érigé plus récemment, était totalement dépourvu de végétation en 1970 mais déjà en grand partie boisé vingt ans plus tard !
Flore et végétation
La flore du terril du Bonnier a été inventoriée pour la première fois entre 1983 et 1994, initialement dans le cadre d'un mémoire de licence consacré aux terrils de la région liégeoise (FRANKARD, 1984: site n° 32). Ces résultats ont aussi été analysés dans un travail ultérieur (FRANKARD, 2000), tandis qu'une actualisation des données a été publiée quelques années plus tard (FRANKARD et HAUTECLAIR, 2009).
Les relevés botaniques concernaient des végétations pionnières et de friche, des pelouses thermophiles, des boulaies pionnières et des boisements feuillus. A cette occasion, 102 espèces de plantes vasculaires ont été recensées, ce qui représente 1/3 de tous les taxons rencontrés sur les 29 terrils liégeois étudiés par FRANKARD (2000). Depuis lors, le site n'a quasiment plus été parcouru par des botanistes et seules quelques rares données ont été produites en dehors d'une prospection plus récente en fin avril 2024 (cf ci-après).
Dans la strate arborée, FRANKARD (1984) relève Robinia pseudoacacia, Betula pendula, Betula pubescens, Acer platanoides, Acer pseudoplatanus, Fraxinus excelsior, Prunus avium, Quercus robur, Salix alba, ...
La strate arbustive comprend Cornus sanguinea, Corylus avellana, Crataegus monogyna, Alnus glutinosa, Alnus incana, Clematis vitalba, Fraxinus excelsior, Pyrus communis, Rosa canina, Rubus fruticosus s.l., Salix caprea, Sambucus nigra (incl. var. laciniata), Sorbus aucuparia, Taxus baccata, ...
Parmi les herbacées, figurent:
- des espèces forestières comme Alliaria petiolata, Convallaria majalis, Dryopteris filix-mas, Epilobium montanum, Geranium robertianum, Glechoma hederacea, Luzula luzuloides, Poa nemoralis, Pteridium aquilinum, e.a.
- des espèces de friches et d'ourlets eutrophiles tels que Agrostis gigantea, Artemisia vulgaris, Brassica napus subsp. napus, Cirsium vulgare, Chaerophyllum temulum, Convolvulus arvensis, Dactylis glomerata, Daucus carota, Elymus repens, Epilobium angustifolium, Equisetum arvense, Lamium album, Linaria vulgaris, Galium aparine, Papaver rhoeas, Persicaria maculosa, Polygonum aviculare subsp. aviculare, Reseda lutea, Sonchus arvensis, Stellaria media, Fallopia japonica, Tanacetum vulgare, Thlaspi arvense, Vulpia myuros, etc.
- diverses espèces prairiales: Cerastium fontanum, Arrhenatherum elatius, Cirsium arvense, Heracleum sphondylium, Holcus lanatus, Hypochaeris radicata, Leontodon autumnalis, Lolium perenne, Phleum pratense, Plantago lanceolata, Poa pratensis, Potentilla anserina, Ranunculus acris subsp. acris, Ranunculus repens, Rumex acetosa, Rumex obtusifolius, Senecio jacobaea, Valerianella locusta, etc.
- des plantes d'ourlets mésophiles apparaissent ici et là, sur les lisières ensoleillées, dont Origanum vulgare et Agrimonia eupatoria.
- des espèces de pelouses sèches comme Cerastium arvense, Echium vulgare, Erigeron acris, Festuca nigrescens (= rubra subsp. commutata), Hypericum perforatum, Lepidium campestre, Poa compressa, Rumex acetosella, ...
- des espèces d'éboulis et secondairement de remblais schisteux, en particulier Rumex scutatus, Hieracium bauhinii, Senecio inaequidens, Senecio viscosus, Spergularia rubra.
Quelques plantes hygrophiles apparaissent également dans ces relevés: Epilobium hirsutum, Solanum dulcamara et Symphytum officinale.
Le 30 avril 2024, une visite préliminaire destinée à actualiser les données biologiques a été menée conjointement par Y. Henin et J. Dewilde (Fondation Rurale de Wallonie) et par J.-Y. Baugnée (DEMNA). La zone prospectée est assez réduite (± 3 ha) et comprend une petite partie du terril ouest, la bande herbeuse située au pied de son flanc sud-ouest, ainsi que la cuvette crayeuse boisée s'étendant au-delà.
La liste cumulative des différents relevés totalise 91 espèces de plantes vasculaires, soit 11 de moins que l'inventaire de P. Frankard (à noter que ce dernier n'a vraisemblablement pas prospecté la cuvette crayeuse ni la bande herbeuse). Par rapport à cette époque, la colonisation ligneuse des terrils est presque complète tandis que les espaces ouverts avec des schistes affleurants ne sont plus visibles que très localement.
Malgré son jeune âge relatif, le terril ouest est à présent entièrement couvert de bouleaux (Betula pendula et B. pubescens) mêlés à des robiniers, saules marsaults, érables et autres feuillus, dont Populus tremula qui compose des bouquets ici et là. Les espèces d'éboulis schisteux, en particulier Rumex scutatus et Epilobium lanceolatum, se maintiennent sous la boulaie, là où le sol est encore dénudé et instable. Au pied du flanc sud, un petit peuplement de roseaux (Phragmites australis) se développe en lisière et dans un boisement clair constituant une phragmitaie sèche, végétation non signalée précédemment.
La bande herbeuse sépare le terril ouest de la cuvette crayeuse boisée. S'étirant sur une longueur de 190 m pour 25 m de large au maximum, elle est traitée comme prairie de fauche et regroupe Heracleum sphondylium (abondant), Ranunculus acris, Holcus lanatus, Arrhenatherum elatius, Poa pratensis, Dactylis glomerata, Ranunculus bulbosus, Daucus carota, Rumex acetosa, Trifolium pratense, Taraxacum sp., Plantago lanceolata, Hypochaeris radicata, Bromus hordeaceus, Cerastium fontanum, Rumex obtusifolius, ...
A son extrémité sud, cette prairie est interrompue par un talus crayeux escarpé, en voie d'embroussaillement, et correspondant au rebord de la cuvette crayeuse. On y observe Origanum vulgare, Clematis vitalba, Fagus sylvatica, Inula conyzae, Pilosella (Hieracium) piloselloides, Picris hieracioides, Buddleja davidii, ...
La cuvette crayeuse à l'ouest du cimetière de Grâce occupe environ 3,5 ha et son origine n'est guère documentée. Délimitée par de hauts talus escarpés et souvent érodés, elle est actuellement boisée en totalité par les feuillus et la progression y est compliquée par l'entrelac des clématites, des cornouillers sanguins, des ronces et des saules, ainsi que par l'abondance des branchages et du bois mort au sol. Les saules marsaults y montrent une vigueur remarquable avec nombres de spécimens âgés et de grande taille. Ceux-ci constituent un habitat de choix pour les bryophytes épiphytes, les lichens et les champignons lignivores.
La strate muscinale est très développée au sol, surtout dans les cuvettes les plus fraîches. De beaux peuplements de fougères (Dryopteris filix-mas et Asplenium scolopendrium, principalement) s'installent sur les talus et d'anciens décombres ombragés.
Des plantes plus thermophiles poussent sur les quelques talus encore éclairés et épargnés par les ligneux : Carlina vulgaris, Inula conyzae, Origanum vulgare, Carex leersii, etc.
Intérêt faunistique
Avant 2024, le terril du Bonnier n'a été que très rarement visité par les naturalistes, ce qui explique le peu de données faunistiques disponibles pour ce site de 23 ha, certes assez isolé dans un secteur densément urbanisé.
Le crapaud calamite (Bufo calamita) était l'espèce phare à une époque où des espaces découverts, chauds et ensoleillés avec présence d'ornières occupaient encore des surfaces étendues. Cet amphibien pionnier est en effet connu pour sa dépendance aux eaux stagnantes temporaires dans les friches industrielles, sablières et terrils. Les dernières mentions du calamite sur le terril du Bonnier remontent à la fin des années 1990 et son occurrence actuelle mériterait d'être vérifiée.
Le seul reptile observé jusqu'ici est l'orvet (Anguis fragilis), discret quoique répandu dans toute la région liégeoise où il pourrait cependant souffrir d'une pression de prédation et de la disparition progressive des friches. L'observation la plus récente date de 2009 mais l'espèce est probablement sous-détectée.
Parmi les insectes, deux espèces emblématiques ont été signalées ces dernières années:
- le lucane cerf-volant (Lucanus cervus), espèce d'intérêt communautaire, a été noté à plusieurs reprises sur le pourtour nord du terril, en particulier en 2022 à l'occasion du monitoring wallon organisé par le DEMNA (F. Etienne et V. Fiévet). Ce grand coléoptère a une répartition fragmentée en Wallonie mais trouve en région liégeoise, et en basse Meuse plus généralement, son principal bastion. Sa larve se développe pendant plusieurs années dans du bois mort enterré, sur des versants boisés chauds et bien exposés, une biologie spécifique qui en fait une espèce indicatrice de premier ordre.
- le grand mars changeant (Apatura iris), papillon de jour remarquable et caractéristique des forêts riches en saules et en peupliers, a été observé sur le site en 2022. De façon inexpliquée, l'espèce est globalement en expansion en Wallonie mais demeure rare et localisé au nord du sillon sambro-mosan.
L'inventaire préliminaire du 30 avril 2024 a permis de recenser environ 220 espèces animales dont une majorité d'insectes (e.a. 50 coléoptères, 20 diptères, 36 hémiptères, 32 hyménoptères, 31 lépidoptères...) et 11 espèces de mollusques gastéropodes. Cet état des lieux n'est évidemment pas représentatif et seuls de nouveaux inventaires menés à différentes époques avec des méthodes variées contribueront à révéler la richesse réelle du Terril du Bonnier.