La fagne de Malchamps est située en haute Ardenne, à l'ouest du plateau des Hautes-Fagnes, à une altitude comprise entre 485 m et 575 m. Elle présente deux types de reliefs bien distincts:
- une crête longue (3 km) mais très étroite, constituant la partie médiane de la ligne de faîte, de direction générale NE-SW, qui s'étend de Botrange aux contreforts de la vallée de l'Amblève;
- un versant exposé au N-NW, en pente douce (3 à 6 %) en bordure de la crête, puis présentant une déclivité de plus en plus importante (6 à 12 %) à mesure que l'on s'éloigne de cette crête.
La fagne fait partie du massif cambrien de Stavelot et repose sur des quartzites, quartzophyllades et phyllades appartenant à l'étage revinien. Un lambeau d'argile à silex d'âge maastrichtien (Crétacé) est présent sur l'ensemble du plateau et une grande partie du versant. Des limons éoliens mélangés à des éléments du substratum constituent le reste de la couverture superficielle.
Deux grands types de sols se rencontrent dans la fagne de Malchamps:
- les sols limono-caillouteux à charge schisto-gréseuse, se différenciant par leur degré d'hydromorphie et la présence ou l'absence d'une couverture tourbeuse superficielle;
- les sols tourbeux, constitués d'une couverture tourbeuse de plus de 40 cm d'épaisseur.
Les sols limono-caillouteux, souvent fortement hydromorphes, sont localisés sur le versant, tandis que les sols tourbeux sont présents surtout sur la crête.
Le site renferme près de 200 cicatrices de lithalses (ou palses minérales), formations géomorphologiques les plus caractéristiques de la région des Hautes-Fagnes et fort rares à l'échelle de l'Europe. Ces cuvettes souvent bien différenciées sur le terrain, appelées localement "viviers", se présentent comme des dépressions généralement entourées d'un rempart (ou butte) surélevé. Ces remarquables formations, bien étudiées notamment par PISSART (1974-1983), sont les témoins de processus périglaciaires qui se sont déroulés voici 9000 à 12000 ans.
Le climat régional, particulièrement rigoureux en hiver, est de type continental, avec notamment une température moyenne annuelle de 7,5°C, des précipitations annuelles de 1200 mm, un nombre moyen de 61 jours de neige au sol par an (données pour la période 1951-1966).
(toutes ces informations sont tirées de la synthèse de MARTINY, 1990).
La flore et la végétation de la fagne de Malchamps sont bien connues et ont fait l'objet de différentes études, dont une synthèse est donnée par MARTINY (1990).
Le site renferme une multitude de groupements végétaux d'un très grand intérêt patrimonial.
La végétation des cuvettes des lithalses est formée par une mosaïque complexe de groupements de bas-marais acide et de tourbière haute active. Leur composition floristique est souvent remarquable, avec par exemple Eriophorum vaginatum, Eriophorum angustifolium, Rhynchospora alba, Narthecium ossifragum, Andromeda polifolia, Vaccinium oxycoccos, Menyanthes trifoliata, Drosera rotundifolia, Drosera intermedia, Sphagnum magellanicum, Sphagnum rubellum, Sphagnum papillosum, Polytrichum strictum, Kurzia pauciflora, Cladopodiella fluitans, Odontoschisma sphagni, etc.
La crête recèle encore de très belles landes tourbeuses anciennement fauchées, avec comme espèces caractéristiques Trichophorum cespitosum subsp. germanicum, Erica tetralix, Juncus squarrosus, Sphagnum compactum, Sphagnum tenellum, Leucobryum glaucum, Gymnocolea inflata. D'autres espèces intéressantes sont présentes dans ces landes comme Dactylorhiza sphagnicola, Dactylorhiza maculata, Trientalis europaea, Nardus stricta, Carex panicea, Carex binervis, Juncus filiformis, Juniperus communis, etc.
Les landes sèches colonisent les remparts des lithalses et les anciens billons d'essartage, formant des massifs buissonneux plus ou moins denses et étendus, d'aspect mammelonné. Elles sont constituées d'éricacées telles que Vaccinium uliginosum, Vaccinium vitis-idaea, Vaccinium myrtillus, Calluna vulgaris et des genêts Genista pilosa, Genista anglica et Cytisus scoparius. Bien que relativement pauvres en espèces, ces landes abritent parfois des plantes rarissimes, par exemple le lycopode Diphasiastrum tristachyum, découvert en 1975 et revu encore fin des années 1980 (SCHUMACKER, 1978). La fagne de Malchamps constitue d'ailleurs l'ultime station connue en Belgique de cette plante submontagnarde en voie de disparition en Europe occidentale.
Les zones de résurgences naturelles des nappes phréatiques, que l'on rencontre sur le versant de la fagne, sont occupées par des groupements de suintement de sources: plages de Narthecium ossifragum, jonchaies à Juncus acutiflorus et cariçaies à Carex rostrata.
La bryoflore, inventoriée partiellement par A. Sotiaux et A. Vanderpoorten en 2009, comprend diverses espèces remarquables dont de très nombreuses sphaignes: Cladopodiella fluitans, Kurzia pauciflora, Odontoschisma sphagni, Sphagnum angustifolium, Sphagnum auriculatum, Sphagnum compactum, Sphagnum cuspidatum, Sphagnum fallax, Sphagnum fimbriatum, Sphagnum magellanicum, Sphagnum palustre, Sphagnum papillosum, Sphagnum russowii, Sphagnum subnitens, etc.
La faune de la fagne de Malchamps comprend de nombreuses espèces rares et prestigieuses.
L'avifaune est représentée, d'après les observations des ornithologues locaux, par une soixantaine d'espèces nicheuses ou visiteuses plus ou moins régulières, dont le tétras lyre (Tetrao tetrix), actuellement très occasionnel, l'engoulevent d'Europe (Caprimulgus europaeus), l'alouette lulu (Lullula arborea), le torcol fourmilier (Jynx torquilla), le tarier pâtre (Saxicola torquata), la pie-grièche grise (Lanius excubitor), la locustelle tachetée (Locustella naevia), le faucon hobereau (Falco subbuteo), le pic cendré (Picus canus), le pipit farlouse (Anthus pratensis) etc.
L'entomofaune est remarquable mais encore imparfaitement connue pour de nombreux groupes taxonomiques.
Le site présente un intérêt exceptionnel pour les odonates qui ont été étudiés dès les années 1950 par BARVAUX (1954-1987) et font depuis l'objet de suivis réguliers par les observateurs du groupe de travail Gomphus. Plusieurs milliers de données ont été recueillies jusqu'à présent dans la fagne et ses environs, totalisant 39 espèces dont plusieurs montrent des populations importantes et stables comme Leucorrhinia dubia, Coenagrion hastulatum, Aeshna juncea, Sympetrum danae, Libellula quadrimaculata et probablement aussi Somatochlora arctica. D'autres espèces apparaissent par contre plus occasionnelles comme Calopteryx spp., Somatochlora flavomaculata, Sympecma fusca, Orthetrum coerulescens, Orthetrum brunneum, Ischnura pumilio, ... L'espéce boréo-alpine Aeshna subarctica est présente en très petit nombre et n'est pas observée chaque année. Le rare Lestes virens a été observé pour la première fois en 2006 puis en 2007 sur un étang situé en périphérie de la fagne (GOFFART et al., 2009), où sa reproduction a été constatée en 2010. L'espèce est revue dans la fagne en 2013 (C. Devillers et S. Bertrand in litt.) et en début octobre 2015 (obs. L. Simon).
Les coléoptères Coccinellidae sont représentés par 15 espèces dont Myrrha octodecimguttata, Myzia oblongoguttata, Coccinella hieroglyphica, Exochomus nigromaculatus.
Au cours des deux dernières décennies (1990-2011), près de 30 espèces de Lépidoptères rhopalocères ont été notées, les éléments les plus typiques étant Callophrys rubi, Celastrina argiolus, Carterocephalus palaemon et Boloria aquilonaris, cette dernière étant l'espèce phare du site étant donné sa rareté et son écologie particulièrement spécialisée.
Les Hyménoptères aculéates ont fait l'objet d'une étude détaillée par REMACLE & JACOB (1983) qui signalent 66 espèces dont les éléments boréo-alpins Anoplius tenuicornis, Crossocerus leucostoma, Andrena clarkella, Andrena lapponica, Andrena ruficrus, Andrena praecox, Lasioglossum fratellum, Nomada leucophthalma, Megachile alpicola, et d'autres espèces peu communes comme Vespula austriaca (parasite des nids de Vespula rufa), Bombus jonellus, Dolichurus corniculus, ...
Chez les Orthoptères, l'espèce la plus typique des landes humides est Metrioptera brachyptera. On signalera aussi l'observation - non renouvelée - de Stethophyma grossum en 2006, espèce rarissime en Haute Ardenne.
Les landes à bruyères constituent également le biotope d'élection d'une punaise prédatrice peu commune, Rhacognathus punctatus (obs. C. Devillers et S. Bertrand).