Vaste lande en forme de quadrilatère située au nord de la route Eupen-Montjoie, entre 620 et 590 m d'altitude, la Brackvenn nord comporte les sources du Getzbach et est cernée par des plantations d'épicéas. La description succincte de la végétation fournie ci-après est basée sur des observations étalées sur les vingt dernières années (P. Frankard - SPW/DEMNA).
Jusqu'à la fin des années 2000, il restait peu d'étendues dégagées dans ce secteur où les plantations d'aulne blanc (Alnus incana), les semis naturels et îlots d'épicéas (Picea abies) et le reboisement naturel des landes abandonnées (phénomène accéléré par l'incendie de tourbe de 1947) coupaient la vue pratiquement partout.
Le projet LIFE Hautes-Fagnes (2007-2012) y a mené d'importants travaux de restauration, encore amplifiés ensuite par des restaurations complémentaires réalisées grâce aux fonds du PwDR: coupe des épicéas, broyage d'une grande partie des aulnes blancs (sur plus de 25 ha !), fermeture d'exutoires creusés dans les remparts de lithalses en vue d'y restaurer des tourbières de transition, érection de digues dans certains secteurs de broyage d'aulnes afin de recréer des bas-marais.
L'installation du castor (Castor fiber) dans le nord du site a aussi provoqué l'ennoiement de vastes zones, notamment envahies par l'aulne blanc qui disparaît progressivement.
Ce secteur fagnard est aujourd'hui largement réouvert. Il y subsiste des végétations de grand intérêt:
- des landes tourbeuses à bruyère quaternée (Erica tetralix) riches en gentiane pneumonanthe (Gentiana pneumonanthe), principalement dans la partie ouest et autour des traces de lithalses;
- de nombreuses traces de lithalses avec une végétation de tourbière de transition dans les cuvettes et une végétation de lande sèche sur les remparts. C'est principalement la tourbière de transition à linaigrette à feuilles étroites (Eriophorum angustifolium) et sphaignes qui est présente, mais localement apparaît la variante à laîche à bec (Carex rostrata), à trèfle d'eau (Menyanthes trifoliata) ou celle à laîche des bourbiers (Carex limosa);
- des végétations des eaux oligo-dystrophes dans certaines traces de lithalses restaurées ou dans des zones ennoyées par le castor, avec la rarissime utriculaire citrine (Utricularia australis);
- de rares fragments de végétation sur tourbe nue à rhynchospore blanc (Rhynchospora alba), lycopode inondé (Lycopodiella inundata) et/ou rossolis à feuilles rondes (Drosera rotundifolia);
- des fragments de tourbières hautes plus ou moins dégradés par la molinie (Molinia caerulea);
- des bas-marais acides dans les zones de résurgences et de suintements d'eau, dans les zones restaurées par endiguement et dans les zones ennoyées par le castor;
- des fourrés de bouleaux (Betula div. sp.) et saules à oreillettes (Salix aurita) qui évoluent progressivement vers des boulaies sur tourbe ou des chênaies pédonculées à bouleaux (9190) en fonction de l'hydromorphie et de l‘épaisseur de tourbe;
- des bosquets de peupliers trembles (Populus tremula) sur des sols relativement secs.
Tout comme la tourbière voisine du Misten, la Brackvenn nord est un véritable réservoir de plantes rares! Citons parmi d'autres la laîche des bourbiers (Carex limosa), la laîche à deux nervures (Carex binervis), la laîche à fruits velus (Carex lasiocarpa), la laîche blanchâtre (Carex canescens), l'utriculaire citrine (Utricularia australis), l'orchis des sphaignes (Dactylorhiza sphagnicola), le lycopode inondé (Lycopodiella inundata), le rhynchospore blanc (Rhynchospora alba), le scirpe cespiteux (Trichophorum cespitosum), la trientale (Trientalis europaea), la gentiane pneumonanthe (Gentiana pneumonanthe), etc.
En revanche, plusieurs espèces sont régulièrement signalées sur le site (notamment au travers des portails naturalistes), mais ces mentions résultent le plus souvent de confusions et leur présence réelle demande donc confirmation. C'est le cas par exemple du piment royal (Myrica gale), de la laîche lisse (Carex laevigata), de la fougère des marais (Thelypteris palustris), de l'utriculaire commune (Utricularia vulgaris), du rossolis intermédiaire (Drosera intermedia), du colchique des prés (Colchicum autumnale), ...
La faune de la Brackvenn nord présente de fortes similitudes avec celle de la Brackvenn sud avec quelques particularités. Les espèces des milieux palustres y sont moins abondantes en raison d'une moins grande représentativité des plans d'eau et autres mares.
L'avifaune est représentée par une centaine d'espèces dont plusieurs sont emblématiques des paysages de landes et de tourbières parsemées de bouquets de bouleaux et d'épicéas et d'arbustes isolés. C'est le cas de la pie-grièche grise (Lanius excubitor), du tarier pâtre (Saxicola rubicola), du pipit farlouse (Anthus pratensis), du pipit des arbres (Anthus trivialis), de la locustelle tachetée (Locustella naevia), du sizerin flammé (Carduelis flammea cabaret), de différentes fauvettes (Sylvia spp.), du bruant des roseaux (Emberiza schoeniclus), etc.
Depuis quelques années, des espèces plus thermophiles se sont cantonnées sur le site, tels que l'hypolaïs polyglotte (Hippolais polyglotta) et la pie-grièche écorcheur (Lanius collurio). Le très discret torcol fourmilier (Jynx torquilla), grand amateur de fourmis, a été signalé à diverses reprises pendant la période de reproduction. Le coucou gris (Cuculus canorus) est également habituel.
Le grand corbeau (Corvus corax) est nicheur aux alentours et survole souvent le site, de même que le milan royal (Milvus milvus) et d'autres rapaces plus répandus.
La bécassine des marais (Gallinago gallinago) est régulièrement notée durant les migrations et en hiver, ainsi que la sarcelle d'hiver (Anas crecca) qui apprécie le calme régnant sur les quelques plans d'eau de la lande. Le pipit spioncelle (Anthus spinoletta) fréquente également l'endroit en petit nombre durant la saison hivernale.
Figurant sans doute parmi les insectes aquatiques les plus populaires auprès des naturalistes, les libellules de la Brackvenn peuvent être considérées comme assez bien connues et comptent au moins 30 espèces notées au cours des dix dernières années (période 2010-2020 - voir par ex. le bilan sur le portail Observations.be et inventaires DNE). Les plus fréquemment signalées sont aussi les plus représentatives des milieux tourbeux, soit l'orthétrum bleuissant (Orthetrum coerulescens), le sympétrum noir (Sympetrum danae) et l'aeschne des joncs (Aeshna juncea). Autres odonates également liés aux tourbières, l'aeschne subarctique (Aeshna subarctica), la cordulie arctique (Somatochlora arctica), la leucorrhine douteuse (Leucorrhinia dubia) et surtout la leucorrhine rubiconde (Leucorrhinia rubicunda) sont beaucoup plus localisées dans le site et passent donc facilement inaperçues sans recherches spécifiques.
Le leste dryade (Lestes dryas), espèce rare et recherchant les mares en cours d'atterrissement, n'a été vu qu'une seule fois en 2018. Sa reproduction sur le site reste à établir. Autre zygoptère peu banal, le leste verdoyant (Lestes virens) a fait l'objet de deux signalements incertains mais sa présence locale ne paraît pas invraisemblable.
Le cordulégastre annelé (Cordulegaster boltonii) est l'un des rares odonates rhéophiles signalé régulièrement sur le site. Assez curieusement, les mentions du caloptéryx vierge (Calopteryx virgo) s'avèrent beaucoup plus rares.
Les autres espèces qui composent le peuplement odonatologique de la Brackvenn sont communes à très communes partout et sont assez ubiquistes pour ce qui est de leurs sites de reproduction.
Les coléoptères aquatiques ont fait l'objet d'inventaires ponctuels en 2015-2016 (obs. K. Scheers) ayant conduit à l'identification de 15 espèces appartenant à trois familles: le Noteridae Noterus clavicornis; le Gyrinidae Gyrinus marinus et les Dytiscidae Agabus affinis, Agabus bipustulatus, Agabus melanarius, Agabus sturmii, Hydroporus erythrocephalus, Hydroporus gyllenhalii, Hydroporus incognitus, Hydroporus melanarius, Hydroporus memnonius, Hydroporus nigrita, Hydroporus obscurus, Hydroporus tristis, Hydroporus umbrosus.
En ce qui concerne les papillons de jour, les inventaires font état de la présence plus ou moins régulière d'au moins 47 espèces au cours des dix dernières années (2010-2020). Celles qui sont le plus souvent signalées sont deux éléments typiques des fagnes et marais tourbeux: il s'agit du petit collier argenté (Boloria selene) dont la chenille vit aux dépens de la violette des marais, et de l'échiquier (Carterocephalus palaemon) lié à différentes graminées et plus particulièrement à la molinie, omniprésente dans la région. Très typique des tourbières hautes, le nacré de la canneberge (Boloria aquilonaris) est très localisé sur le site.
On notera aussi la présence du demi-deuil (Melanargia galathea), du tabac d'Espagne (Argynnis paphia), de la mégère (Lasiommata megera), de l'argus vert (Callophrys rubi) et d'autres espèces moins souvent aperçues voire occasionnelles sur le site, comme le grand nacré (Argynnis aglaja), le nacré de la bistorte (Boloria eunomia), le petit nacré (Issoria lathonia), le cuivré écarlate (Lycaena hippothoe), ou encore l'azuré de l'ajonc (Plebejus argus) noté une seule fois en 2017 mais qui est peut-être sous détecté vu les potentialités d'accueil des landes de la Brackvenn.
Moins bien connue, la faune des papillons de nuit comprend de nombreux représentants dans la fagne, dont divers éléments rares confinés aux landes et tourbières et/ou réputés boréo-alpins.
Les orthoptères n'ont pas fait l'objet de recherches systématiques mais les naturalistes y ont déjà noté la présence de 12 espèces. La plus courant et typique des landes est la decticelle des bruyères (Metrioptera brachyptera). Les deux autres espèces le plus souvent signalées sont le criquet verdelet (Omocestus viridulus) et le criquet des clairières (Chrysochraon dispar).
Bien que rares, les observations du criquet palustre (Chorthippus montanus) sont remarquables, cette espèce étant en effet très exigeante du point de vue écologique et fort localisée en Région wallonne.
Non connue il y a encore une décennie, les mentions de la decticelle bariolée (Metrioptera roeselii) sont à replacer dans le contexte de l'expansion générale de cette sauterelle à l'échelle régionale, comme ce fut aussi le cas dans les années 1990 pour le conocéphale commun (Conocephalus fuscus). Par ailleurs, une observation du criquet des pelouses (Chorthippus mollis) en 2018 (obs. G. Vergauwen) reste à confirmer.
Dans le vaste ordre des Diptères, une seule famille, de plus en plus populaire auprès des naturalistes, a fait l'objet d'une certaine attention: il s'agit des Syrphidae comptant au moins 230 espèces recensées au sein de la Brackvenn dont de nombreuses l'ont été lors d'un seul inventaire réalisé en juin 2016 par F. Van de Meutter et W. Opdekamp. A cet égard, le site peut être considéré comme l'un des plus riches de la Région wallonne!
On y compte divers éléments remarquables, notamment parmi les espèces à larves saproxyliques comme Blera fallax, Xylota jakutorum, Xylota meigeniana, Chalcosyrphus valgus, Brachyopa vittata, Brachyopa testacea, Psilota exilistyla, Ferdinandea cuprea, Caliprobola speciosa, Brachypalpus laphriformis, Callicera rufa, Chalcosyrphus piger, Criorhina asilica, Sphegina sibirica, de même que des espèces à larves aquatiques ou semi-aquatiques des milieux tourbeux tels que Sericomyia lappona, Chrysogaster virescens, Eristalis jugorum, Eristalis picea, Eristalis pseudorupium, Eristalis rupium, Parhelophilus frutetorum, Orthonevra geniculata, ... A souligner aussi la présence confirmée de Microdon analis, syrphe rare dont les larves se développent dans les fourmilières.