La vallée de la Hulle est localisée en Ardenne Occidentale, sur le rebord septentrional du plateau de la Croix Scaille (district phytogéographique ardennais). Elle résulte de la fusion du ruisseau des Rousseries et du ruisseau du Moulin, au sud-est de Willerzie. Elle forme la frontière avec la France en aval des Prés à l'Eau (réserve naturelle RNOB). Son affluent de rive gauche, le ruisseau de Stole, provenant du plateau d'Hargnies (Ardenne cambrienne), constitue également frontière sur environ 5 km.
Le site englobe le cours supérieur de la Hulle ainsi que celui de ses deux principaux affluents belges, le ruisseau du Moulin et le ruisseau des Rousseries, au SO du village de Willerzie. Il s'étend vers l'aval jusqu'à la frontière française, à la confluence de la Hulle avec le ruisseau de Stole. Le site est quasi totalement enclavé dans les bois feuillus communaux et privés du plateau de la Croix Scaille. Une grande partie de la plaine alluviale est enrésinée.
D'amont en aval, les terrains inclus dans la réserve de la vallée de la Hulle s'étirent sur environ 3 kilomètres. La dénivellation y décroit de 340 à 295 mètres environ. Une grande partie de la vallée, en particulier le long du ruisseau du Moulin et de la Hulle, présente un profil assez encaissé.
La vallée de la Hulle et ses alentours se situent dans une zone géologique particulière puisqu'elle se situe dans la zone de contact entre les terrains du bord Sud du Synclinorium de Dinant et du bord nord-est du massif de Rocroi. On y observe donc côte à côte les sédiments calédoniens surmontés des sédiments hercyniens. Les premiers sont fortement plissés, faillés et fracturés de sorte que la stratification y est difficile à reconnaître, à l'inverse des seconds, dont l'allure est plus régulière, les couches présentant des directions sensiblement est-ouest. La discordance entre les deux cycles tectoniques est soulignée par la présence de roche de type conglomératique appelée 'Pouldingue ou Arkose' d'âge Gedinnien (environ 409 Ma) reposant sur les phyllades (schistes ardoisiers à grains très fins) et quartzites (roches siliceuses constituées de cristaux de quartz intimement soudés) blancs du Revinien (Cambrien Supérieur, 520 Ma).
Enfin, signalons à titre plus anecdotique que la région de Willerzie n'est pas seulement particulière pour sa position géologique, mais également par la présence de métaux ou minéraux particuliers. Dans le cadre d'une prospection alluvionnaire, NONNON (1983) rapporte en effet deux découvertes étonnantes: la présence d'or natif et de monazite.
L'essentiel des sols de la vallée de la Hulle sont des sols fortement à très fortement gleyifiés à horizon réduit, sur matériaux limoneux ou limono-caillouteux. Une couverture tourbeuse peu à moyennement profonde caractérise les terrains les plus amonts de la réserve, au Fossage Henri et sur la bordure Est du ruisseau des Rousseries.
Au niveau de la typologie des eaux, une distinction bien nette peut être faite (visible en particulier au Gué des Deux Ponts) entre le ruisseau des Rousseries et les ruisselets intermittents du Fossage Henri d'une part, le ruisseau du Moulin d'autre part et enfin la Hulle. Les premiers, issus de zones tourbeuses du plateau de la Croix Scaille, se caractérisent par des eaux acides et rougeâtres. La végétation aquatique est absente et la faune peu diversifiée. Le ruisseau du Moulin provient quant à lui des abords du village de Willerzie; ces eaux, claires et riches en végétation aquatique traduisent très probablement un pH plus élevé et une charge plus importante en matière organique. La Hulle nait de la confluence des ruisseaux cités ci-avant et présente très probablement des eaux de qualités intermédiaires.
La vallée de la Hulle est entièrement incluse dans la Zone de Protection Spéciale 'Croix Scaille' désignée par le Gouvernement wallon, en exécution de l'article 4 de la Directive Européenne 79/409 relative à la protection des oiseaux.
DUVIGNEAUD (1970): Dans les "Prés d'Hulle", anciens prés de fauche situés en France, dans un élargissement de la plaine alluviale, on pouvait observer naguère:
- sur les sols les plus secs, une prairie à Festuca rubra ou même à Nardus stricta et diverses espèces propres à ce type de milieu comme Scorzonera humilis, Carex panicea, C. pilulifera, C. caryophyllea, Polygala vulgaris, Lathyrus linifolius var. montanus, etc.;
- sur les sols humides, une mégaphorbiaie à Filipendula ulmaria, Persicaria bistorta, Anemone nemorosa, Deschampsia cespitosa, Angelica sylvestris, Cirsium palustre, Narcissus pseudonarcissus, etc.;
- un bas-marais à Carex rostrata, Menyanthes trifoliata, Comarum palustre, Sparganium emersum, Carex canescens, C. echinata, Juncus acutiflorus,...;
- un groupement à Potamogeton polygonifolius, Juncus bulbosus, Viola palustris, Carex demissa, Wahlenbergia hederacea, dans les fossés.
Ces groupements ont vraisemblablement disparu sous des plantations d'épicéas.
La forêt de la plaine alluviale, développée surtout sur les bords de la rivière et sur les îlots, est dominée par Alnus glutinosa accompagné par Fraxinus excelsior, Salix aurita, Viburnum opulus, Corylus avellana, Carpinus betulus, Sorbus aucuparia,... sur une strate herbacée formée de Deschampsia cespitosa, Ranunculus platanifolius, Phyteuma nigrum, Narcissus pseudonarcissus,...
En amont, un autre élargissement de la plaine alluviale portait jadis des prairies de fauche. Ce sont les "Prés à l'Eau", en partie rachetés par les RNOB. Ils sont occupés par une immense coupe forestière réalisée dans les plantations d'épicéas qui y avaient été établies. Dans cette coupe, encombrée des branches coupées des épicéas, on note une flore assez composite avec:
- des espèces hygrophiles comme Deschampsia cespitosa, Phalaris arundinacea, Angelica sylvestris, Cirsium palustre, Myosoton aquaticum, Persicaria bistorta, Scrophularia auriculata, Lotus pedunculatus, Valeriana repens, Raunculus flammula, Juncus effusus, Lycopus europaeus, Scirpus sylvaticus, Galium uliginosum, Lychnis flos-cuculi, Achillea ptarmica, Stachys palustris, Filipendula ulmaria;
- des espèces prairiales comme Holcus lanatus, H. mollis, Rumex acetosa, Linaria vulgaris, Rumex obtusifolius, Achillea millefolium, Urtica dioica, Galium mollugo, Carex ovalis, Agrostis canina, Succisa pratensis;
- de rares espèces du Bidention, surtout Persicaria hydropiper;
- des plantes de coupes forestières telles Senecio sylvaticus, S. ovatus, Digitalis purpurea, Sedum telephium subsp. telephium, Epilobium angustifolium, Galeopsis tetrahit, etc.;
- une galerie forestière à Alnus glutinosa, Salix aurita, Viburnum opulus, Betula pubescens,...
- des espèces fontinales colonisant le cours d'eau, comme Glyceria fluitans, Veronica beccabunga, Apium nodiflorum, Cardamine amara, Lemna minor et, sur ses rives, Scutellaria galericulata, Potentilla erecta, Juncus bulbosus, Sparganium erectum, Wahlenbergia hederacea...;
- de petites espèces d'ornières humides telles Juncus bufonius, Isolepis setacea, Gnaphalium uliginosum,...
L'évolution de ces coupes forestières est à suivre et constituent une expérience intéressante de reconversion de pessières en prairies "naturelles".
Des champignons intéressants ont été observés dans la vallée de la Hulle comme Hymenochaere corrugata, Boletus chrysenteron, Russula violacea, R. parazurea, Bovista nigrescens.
D'après HUYSECOM (1999), les terrains concernés par la réserve naturelle RNOB regroupent les habitats suivants:
- boulaie pubescente sur sphaignes: Une frange de bouleaux pubescents (Betula pubescens) occupe les abords tourbeux du ruisseau des Rousseries et du ruisselet traversant les parcelles au lieu dit "Fossage Henri". Au sol, la molinie (Molinia caerulea) et les sphaignes sont largement dominantes et accompagnées par la canche flexueuse (Deschampsia flexuosa), la myrtille (Vaccinium myrtillus), la callune (Calluna vulgaris), le polytric commun (Polytrichum commune) et le blechnum (Blechnum spicant). La bourdaine (Frangula alnus) est présente en sous bois. Sur la parcelle cadastrale 733d, un très vieux pied de genévrier (Juniperus communis) est un des derniers témoins de l'époque où le paysage était beaucoup plus ouvert et partiellement occupé par une végétation de landes. De même, quelques pieds de piment royal (Myrica gale) sont présents non loin des limites de la réserve. Cette espèce n'est présente en Wallonie qu'en Ardenne occidentale, au niveau de la Croix Scaille.
- aulnaie riveraine: Le long de la Hulle en aval des "Deux Ponts" (lieu de confluence des ruisseaux du Moulin et des Rousseries), les bouleaux cèdent progressivement la place aux aulnes glutineux (Alnus glutinosa) formant, en particulier aux Prés à l'Eau, une fort belle aulnaie riveraine. La végétation herbacée y comprend de nombreuses espèces également présentes dans les prairies environnantes comme la canche cespiteuse (Deschampsia cespitosa), la baldingère (Phalaris arundinacea), la renouée bistorte (Persicaria bistorta), l'angélique sauvage (Angelica sylvestris), la reine des prés (Filipendula ulmaria), la lysimaque commune (Lysimachia vulgaris), le séneçon de Fuchs (Senecio ovatus). Dans les zones de suintements on rencontre aussi la dorine à feuilles alternes (Chrysosplenium alternifolium), la cardamine amère (Cardamine amara), le rubanier rameux (Sparganium erectum), le populage des marais (Caltha palustris), la laîche aigue (Carex acuta).
- chênaie acidophile: La futaie de chênes sur taillis de sorbiers (Sorbus aucuparia), bouleaux verruqueux (Betula pendula), noisetier (Corylus avellana), hêtre (Fagus sylvatica) et chèvrefeuille (Lonicera periclymenum) s'observe en quelques endroits (parcelles 34 et 726a). En sous bois on y trouve: la canche flexueuse (Deschampsia flexuosa), la houlque molle (Holcus mollis), la myrtille (Vaccinium myrtillus), le muguet (Convallaria majalis), le melampyre des prés (Melampyrum pratense), le sceau de salomon (Polygonatum multiflorum), la stellaire holostée (Stellaria holostea), la fougère aigle (Pteridium aquilinum).
- taillis mélangés: Des taillis dominés par le noisetiers (Corylus avellana) et/ou les bouleaux verruqueux (Betula pendula) occupent des parcelles ayant probablement subi des coupes plus intensives pour le bois de chauffage. La plupart des espèces du sous-bois de la chênaie acidophile se retrouvent également dans ces taillis. Sur les parcelles 725a et b, la présence de quelques pieds d'aubépine (Crataegus monogyna), de prunellier (Prunus spinosa) et du pommier sauvage (Malus sylvestris) indique que les terrains étaient autrefois davantage soumis à l'ensoleillement et sans doute situés en lisières.
- plantations résineuses: Une surface importante des terrains inclus dans la réserve naturelle de la Vallée de la Hulle, anciennement occupée par des prairies ou des landes, a été l'objet de plantations résineuses (épicéas ou pins sylvestres) à partir de la moitié du 20ème siècle. Beaucoup de résineux subsistent par ailleurs encore dans le fond de la vallée, sur les terrains non protégés. Dans la réserve naturelle, la plupart de ces plantations ont été abattues, mais quelques boisements résineux sont toujours en place. Sur ces terrains, les arbres sont généralement morts ou mourants. Les chablis et les bois mort sont parfois importants. Quelques plantations de pins sylvestres, installées sur sol très humide, ont également été laissées en place. Les arbres y sont souvent clairsemés, grêles ou mourants. Ils semblent toutefois résister mieux à ces conditions que l'épicéa.
- prairies de fonds de vallée: La réserve naturelle comprend également diverses parcelles de prairies humides ayant échappé à la reconversion en plantations résineuses. L'usage de ces prairies a souvent disparu depuis de nombreuses années. Ainsi, une jonchée acutiflore bien conservée et des éléments de bas-marais acide sont présents au "Fossage Henri".
Le plus souvent, la mégaphorbiaie à reine des prés (Filipendula ulmaria) est dominante avec la renouée bistorte (Persicaria bistorta), la canche cespiteuse (Deschampsia cespitosa), la jonquille (Narcissus pseudonarcissus), l'anémone sylvie (Anemone nemorosa) et la cardamine des prés (Cardamine pratensis). Les endroits plus humides sont occupés par la baldingère (Phalaris arundinacea), le populage des marais (Caltha palustris), la laîche aigue (Carex acuta), le scirpe des bois (Scirpus sylvaticus). Aux Prés à l'Eau, plusieurs parcelles ont également échappé aux plantations. Leur végétation ne se distingue toutefois dèjà plus beaucoup des parcelles directement voisines, exploitées il y a une dizaine d'années. Dans ces prairies, on trouve par exemple la canche cespiteuse (Deschampsia cespitosa), la baldingère (Phalaris arundinacea), le lotier des fanges (Lotus pedunculatus), ... On y observe par ailleurs des fossés colonisés par les sphaignes (Sphagnum sp), le comaret (Comarum palustre), le trèfle d'eau (Menyanthes trifoliata), la Wahlenbergie (Wahlenbergia hederacea), la laîche à bec (Carex rostrata) et le potamot à feuilles de renouée (Potamogeton polygonifolius). Le saule à oreillettes (Salix aurita) et le bouleaux verruqueux (Betula pendula) sont les principaux ligneux qui recolonisent ce milieu.
- coupes forestières en voie de recolonisation: Les prairies de la vallée de la Hulle ont été largement enrésinées. Les plantations installées sur beaucoup de parcelles appartenant à la réserve naturelle ont été coupées et évacuées avant ou juste après l'achat des terrains, c'est à dire entre 1987 et 1995. Différents stades de recolonisation sont actuellement observés selon les caractéristiques de chaque terrain (nature du sol, exposition, drainage) et l'ancienneté de l'exploitation des épicéas ou pins sylvestres qui y avaient été plantés:
- sur les sols humides et tourbeux, le long du ruisseau des Rousseries et au Fossage Henri, une recolonisation très encourageante et rapide est constatée. Beaucoup d'espèces caractéristiques des landes humides, des prairies tourbeuses et des bas-marais réapparaissent en quelques années, essentiellement sur base du stock grainier conservé dans le sol. On observe par exemple, 3 ou 4 années après l'exploitation : le bouleau pubescent (Betula pubescens), la callune (Calluna vulgaris), la laîche à pilules (Carex pilulifera), la laîche étoilée (Carex echinata), la laîche noire (Carex nigra), la laîche à bec (Carex rostrata), la laîche bleuâtre (Carex panicea), le genêt d'Angleterre (Genista anglica), le jonc raide (Juncus squarrosus), la molinie (Molinia caerula), le potamot à feuilles de renouée (Potamogeton polygonifolius), la potentille tormentille (Potentilla erecta), la renoncule flammette (Ranunculus flammula), la myrtille (Vaccinium myrtillus), la violette des marais (Viola palustris), la Wahlenbergie (Wahlenbergia hederacea), les sphaignes (Sphagnum spp.), etc. Ces espèces sont mélangées avec des plantes temporairement présentes et caractéristiques des coupes forestières comme le genêt à balais (Cytisus scoparius), le séneçon des bois (Senecio sylvaticus), la digitale pourpre (Digitalis purpurea), l'épilobe en épi (Epilobium angustifolium), etc. Sans intervention, les premiers stades de la boulaie tourbeuse se réinstallent après quelques années.
- sur sol humide mais non tourbeux (parcelles le long du ruisseau du Moulin et de la Hulle), les coupes forestières voient réapparaître rapidement un mélange d'espèces des mégaphorbiaies, jonçaies et bas-marais caractéristiques des fonds de vallées ardennaises, avec le jonc aggloméré (Juncus conglomeratus), le jonc épars (Juncus effusus), le jonc acutiflore (Juncus acutiflorus), la baldingère (Phalaris arundinacea), la reine des prés (Filipendula ulmaria), la canche cespiteuse (Deschampsia cespitosa), l'angélique sauvage (Angelica sylvestris)... , des fossés ou anciennes ornières colonisés par les sphaignes (Sphagnum spp.), le comaret (Comarum palustre), la laîche à bec (Carex rostrata) et le potamot à feuilles de renouée (Potamogeton polygonifolius). Quelques années après leur exploitation, ces parcelles se reboisent progressivement avec l'apparition des bouleaux verruqueux (Betula pendula) et des saules à oreillettes (Salix aurita).
- en périphérie de la réserve le sol est localement plus sec, les espèces recolonisatrice sont sensiblement différentes et souvent dominées par le genêt à balai (Cytisus scoparius), le sureau à grappes (Sambucus racemosa), etc.
La faune est d'une diversité exceptionnelle et comprend nombre d'espèces rares et menacées. Le site présente un intérêt entomologique particulier. Ainsi, parmi les papillons, deux espèces phares des prairies humides des fonds de vallées s'y reproduisent, à savoir le cuivré de la bistorte (Lycaena helle) et le nacré de la bistorte (Boloria eunomia).
La dernière mention remarquable en date concerne un longicorne nouveau pour la faune de la Belgique, Agapanthia dahli, trouvé en 2001 dans une prairie humide aux environs du Pont Collin (DRUMONT et LEDUC, 2010). Ces auteurs y signalent également la présence de Leptura aurulenta, une espèce rare en Ardenne et plus fréquente en Lorraine.