Le site fait partie de l'Ardenne centrale. Il s'étend le long du ruisseau de la Barrière, petit affluent de la Lomme (Bassin hydrographique de la Meuse) prenant sa source dans le Bois de Séviscourt non loin du Tier du Mont, vers 560 m d'altitude. Le vallon, peu encaissé, est orienté d'abord vers l'ouest, ensuite vers le nord. Jusqu'à sa confluence, le cours d'eau parcourt à peine 3 km.
D'après ROSILLON (1985), la région présente un grand intérêt géologique, du fait de sa situation dans le massif cambrien du Serpont et par la présence du poudingue gedinnien de Bras. La partie amont de la vallée du ruisseau de la Barrière correspond à des terrains dévoniens de l'étage gedinnien, constitués principalement de grès, d'arkoses et de quartzites traversées par des veines de quartz. La partie aval de la vallée est située quant à elle principalement sur des roches cambriennes de l'étage revinien, composées surtout de schistes, phyllades et quartzophyllades noirs. Une falaise de poudingue pugillaire de Bras, haute d'environ 8 m et s'étalant sur une longueur de 80 m, est visible à plus ou moins 500 m de la confluence avec la Lomme, en rive droite. Il s'agit d'un des rares affleurements de ce poudingue grossier dans la région.
Par ailleurs, GAIBAR-PUERTAS et HOGE (1952) ont signalé à l'époque de très fortes anomalies dans le champ magnétique en plusieurs points du massif de Serpont. C'est d'ailleurs à ces auteurs que revient l'appelation de 'ruisseau des Anomalies', laquelle ne figure sur aucune carte topographique.
Dans l'ensemble de la vallée les sols tourbeux sont prédominants, comme le souligne ROSILLON (1985). Toutefois, le développement et l'épaisseur de la tourbe est variable et c'est dans la partie amont, à l'est de la route Recogne-Saint-Hubert, qu'elle est la plus importante, avec une profondeur dépassant les 80 cm. Au contact de ces zones tourbeuses s'étendent des substrats limoneux à charge schisto-gréseuse très fortement gléyifiés (Gixr). Le drainage déficient rend ces sols humides voire marécageux suivant les endroits. Un horizon d'argile blanche hydromorphe, pouvant atteindre une épaisseur de 80 cm, s'est développé sous les horizons humifères noirâtres et peu décomposés. Des taches de couleur rouille apparaissent à divers endroits de la cuvette alluviale : elles proviennent de l'oxydation des composés ferreux en composés ferriques qui a lieu lorsque la surface du sol n'est pas inondée.
Toujours selon ROSILLON (1985), l'eau du ruisseau, à hauteur de la fagne, est très acide (pH moyen 4,4 à 4,8) avec une faible teneur ionique. Elle renferme très peu de calcium et peu de bicarbonates. De même les eaux stagnantes sont caractérisées par une acidité élevée (pH 3,6) à faible teneur ionique mais une teneur en sulfate plus importante que dans le cours d'eau.
Le climat local est de type continental. La température moyenne en juillet est de 16,3°C et en janvier de -0,2°C ; la pluviométrie moyenne annuelle est de 1150 mm (chiffres donnés par ROSILLON 1985). Il s'agit donc d'un climat particulièrement rude, avec de fréquents et persistants brouillards dans les vallées.
La flore et la végétation de la Fagne des Anomalies ont été décrites par ROSILLON (1985). D'après cet auteur, on peut y distinguer, de part et d'autre de la rivière, quatre grandes entités avec, du sud au nord: une tourbière à sphaignes, un bas-marais, un groupement à narthécie et une tourbière boisée.
I. La tourbière bombée à sphaignes est caractérisée par un microrelief chaotique du à l'alternance de bosses et de dépressions. On y rencontre les espèces typiques telles que Vaccinium oxycoccos, Drosera rotundifolia, Eriophorum vaginatum, Rhynchospora alba, ainsi que des éléments de bas-marais comme Carex rostrata, Carex nigra, Carex echinata, Carex canescens, Eriophorum angustifolium. Plusieurs espèces de sphaignes y ont été reconnues : Sphagnum palustre, Sphagnum fimbriatum, etc. Des éléments de landes comme Calluna vulgaris ou Vaccinium myrtillus apparaissent sur les buttes sèches. Molinia caerulea forme partout des touradons plus ou moins élevés.
La présence du rhynchospore blanc est remarquable. Avec les rossolis, cette petite plante est l'un des éléments caractéristiques de l'association du Rhynchosporion albae, un groupement pionnier s'installant sur la tourbe ou les sables tourbeux acides. Jadis assez largement représenté en Ardenne, en Lorraine ainsi que dans le bassin de la Haine, le rhynchospore blanc a subi un recul catastrophique suite à l'abandon de la pratique de l'étrépage et ne subsiste plus aujourd'hui que dans trois noyaux de populations (Hautes-Fagnes, Fagne de Malchamps et camp de Lagland). Fait étonnant, ROSILLON (1985) ne signale nullement cette rareté dans la fagne des Anomalies ! Des observations anciennes sont cependant connues dans la région (Séviscourt, vallée du Serpont, ...).
II. Le groupement des bas-marais acides regroupe Juncus bulbosus, Eriophorum angustifolium, Carex rostrata, Carex echinata, Viola palustris ainsi que les éléments de tourbières précités. On note également Molinia caerulea, omniprésente, et Juncus acutiflorus, Juncus effusus, Betula pubescens, Vaccinium myrtillus, Polytrichum commune, ...
III. Un peuplement homogène de Narthecium ossifragum installé sur des tapis de sphaignes indique l'emplacement d'une tourbière tremblante où prennent place également d'autres plantes déjà mentionnées comme Drosera rotundifolia, mais aussi le champignon Mitrula paludosa, lié aux sphaignes et très bien représenté localement.
IV. La partie boisée de la fagne est occupée par une boulaie sur sphaignes. Selon ROSILLON (1985), cette dénomination serait exagérée car Betula pubescens s'y rencontre surtout sous la forme d'un taillis très clair. De plus, sa répartition est fragmentée à la suite des plantations d'épicéas qui ont sévit ici comme partout ailleurs en Ardenne. Dans le "sous-bois", on trouve de nombreux semis spontanés d'épicéas ainsi que diverses espèces des bas-marais ou des tourbières (dans les dépressions). Pinus sylvestris est également présent ici et là.
Les versants de la vallée sont couverts de hêtraies acidophiles et de pessières, celles-ci étant également présentes dans la zone alluviale partiellement drainée. Le sous-bois est généralement assez pauvre. On y trouve notamment Blechnum spicant, Vaccinium myrtillus, Polytrichum commune, Sphagnum spp., et, dans les fossés et aux suintements, Carex rostrata, Carex echinata, Carex remota, Mitrula paludosa, ...
Au cours de ces dernières années, le vallon du ruisseau de la Barrière a été parcouru au moins à deux reprises par les Naturalistes de la Haute Lesse, le 28 août 2010 et tout récemment le 15 juin 2014 (LEBRUN, 2014).
Ces visites ont permis de constater que la végétation et le cortège floristique de la fagne des Anomalies avaient très peu évolué, les deux joyaux que sont le rhynchospore blanc et la narthécie étant toujours bien présents. Cependant l'environnement a sensiblement changé suite à la coupe de nombreux résineux effectuée dans le cadre des travaux de restauration des tourbières du projet Life Lomme.
Diverses observations ont également été réalisées dans la portion aval du cours d'eau, entre la Nationale 89 et la confluence avec la Lomme, où subsiste une intéressante mosaïque de groupements de bas-marais acides et de landes mais où très peu d'inventaires ont été menés auparavant. Ainsi, dans les secteurs pas trop envahis par la molinie et la canche cespiteuse, se maintiennent diverses laîches comme Carex ovalis, Carex echinata, Carex panicea, Carex viridula var. viridula, Carex demissa, Carex pallescens ou encore Carex pilulifera, des peuplements de Juncus acutiflorus, Juncus conglomeratus et Juncus effusus, quelques touffes de Danthonia decumbens ainsi qu'une belle collection de plantes à fleurs: Hypericum pulchrum, Galium saxatile, Galium uliginosum, Ranunculus flammula, Valeriana dioica, Comarum palustre, Myosotis nemorosa, Viola palustris, Lotus pedunculatus, Potentilla erecta, Mentha arvensis, Senecio sylvaticus, etc. Une fougère peu commune, Oreopteris limbosperma, pousse ici et là le long du ruisseau, de même que Blechnum spicant, Athyrium filix-femina et Dryopteris carthusiana.
En Ardenne, il est généralement admis que les tourbières ont commencé à se former voici environ 10000 ans, à l'époque des glaciations.
L'occupation humaine de la région est attestée dès le néolithique, vers 6000 à 2500 ans avant J.C. Au cours du dernier millénaire avant J.C., durant le deuxième âge de fer, les celtes exploitèrent l'or à différents endroits de l'Ardenne centrale et y ont laissé de nombreux témoignages sous la forme de tertres d'orpaillage, tels que ceux des anciennes troufferies de Libin. Dans la vallée du ruisseau des Anomalies, on en dénombre près d'une centaine qui sont concentrés au nord de la route Recogne à St-Hubert.
Malgré l'épaisseur localement importante de la tourbe, la Fagne des Anomalies ne semble pas avoir été exploitée à cet égard.
Actuellement, les zones tourbeuses sont très morcellées par l'enrésinement massif qui a débuté dès la fin du 19e siècle.