La rivière Ourthe est le principal affluent de la Meuse et résulte de la conjonction, à Engreux, de l'Ourthe occidentale qui prend sa source à Ourt (Libramont-Chevigny) vers 510 m d'altitude, au cœur de l'Ardenne, et de l'Ourthe orientale issue du plateau de Deiffelt (Gouvy), en Ardenne orientale près de la frontière grand-ducale, à 500 m d'altitude. L'Ourthe draine un bassin versant de 3624 km2 couvrant 3 provinces (Luxembourg, Namur et Liège) et 4 régions naturelles (Ardenne, Famenne, Calestienne et Condroz). La rivière s'étire sur une longueur totale de 181 km jusqu'à sa confluence avec la Meuse à Liège, à 63 m d'altitude.
De nombreuses informations d'ordre géologique, hydrologique, géographique ou encore biologique sont présentées dans l'Atlas de l'Ourthe (DUCHATEAU et PIRONET, 2006). Le bassin hydrographique est pris en charge par le Contrat de rivière Ourthe (https://www.cr-ourthe.be/info-ourthe/).
Le périmètre décrit ci-après concerne le tronçon condruzien de l'Ourthe situé le plus en aval de la vallée, depuis le pont de Tilff jusqu'au confluent à Liège, soit une longueur de 9575 m. Ne reprenant que le fond de vallée (hors Basses Prairies, en bas de Colonster, qui sont rattachées au Sart-Tilman), ce périmètre s'étend sur environ 113 ha et prend la forme d'un linéaire d'une largeur maximale de 380 m (au niveau de Sainval). Il inclut les quatre iles historiques que sont, de l'amont à l'aval, l'ile du Moulin, l'ile Rousseau, l'ile Campana et l'ile de Sauheid. La largeur de la rivière varie entre 30 et 70 m et sa profondeur atteint 2 m par endroit (hors période d'étiage). Sa portion finale canalisée, d'une longueur de 2650 m, présente une largeur plus constante d'environ 65 m. Dans ses dix derniers kilomètres, l'Ourthe ne reçoit que quelques rares affluents, le principal étant la Vesdre dont la confluence se situe en rive droite, à Chênée, précisément là où commence l'Ourthe canalisée. Les autres ne sont que des ruisseaux de faible importance: le ruisseau de Sainval, en rive droite, et les ruisseaux du Blanc-Gravier et de Sordeye en rive gauche.
Du point de vue biogéographique, l'Ourthe inférieure se trouve en région continentale et au sein du district mosan. Le climat est de type tempéré humide, avec une température moyenne annuelle de 9-10°C et entre 700 et 900 mm de précipitations annuelles.
L'Ourthe inférieure sous forte influence humaine
L'Ourthe inférieure est sans doute le secteur qui a été le plus artificialisé et modifié de tout le bassin. Les populations locales n'ont en effet cessé d'aménager la rivière au fil de l'histoire, afin de faciliter la navigation fluviale, exploiter sa force motrice et favoriser le développement des activités artisanales et industrielles, surtout à partir du 16ème siècle (HANSOTTE, 1955; DALEM et NELISSEN, 1973; PETIT et al., 1999). On y trouvait ainsi nombre de moulins à aubes qui alimentaient fenderies, makas, forges et autres fourneaux produisant la matière pour l'industrie cloutière.
Au 19ème siècle, florissait aussi la Société des mines et fonderies de zinc de la Vieille-Montagne dont le siège était situé à Angleur et dont les activités, révolues depuis des années, transparaissent toujours dans la végétation calaminaire présente autour de l'Ile-aux-Corsaires. D'abord sous domination hollandaise, ce siècle laborieux a vu le lancement d'un projet très ambitieux d'une jonction des vallées de la Meuse et du Rhin, afin de désenclaver des régions isolées en favorisant le transport fluvial des marchandises. Les aléas de l'histoire n'ont pas permis la réalisation complète de ce canal (qui devait s'étendre sur une longueur de 260 km!) mais des tronçons ont néanmoins été aménagés, notamment en Ardenne belge entre Buret et Bernistap. Après l'indépendance de la Belgique, un projet de canal est relancé via la vallée de l'Ourthe afin de joindre Liège à La Roche-en-Ardenne. Une première section de ce canal de l'Ourthe, d'une longueur de 2400 m, est ouverte en 1854, depuis la Meuse (au Rivage en Pot), jusqu'à Chênée face à la confluence de la Vesdre. La section suivante est inaugurée en 1859 et remonte jusque Comblain-au-Pont (DUCHATEAU et PIRONET, 2018).
Cette époque a aussi connu l'apparition de grandes infrastructures de transport et en particulier la ligne ferroviaire 43 Liège - Marloie, mise en service en 1865 en rive gauche de l'Ourthe et toujours en activité. Plus tard, entre 1902 et 1905, d'importants travaux ont menés à la rectification de l'Ourthe dans sa traversée des quartiers des Vennes et de Fétinne, avec la suppression par comblement de ses principaux bras et la canalisation de ses deux derniers kilomètres, depuis me barrage des Grosses Battes.
Un siècle après, durant les années 1980, un autre gros chantier chamboule la vallée, cette fois-ci en rive droite: il s'agit de la construction de l'autoroute E25-A26 qui a entrainé la rectification de deux méandres tout en réduisant l'étendue de la plaine alluviale, déjà particulièrement étroite à cet endroit. De plus, cette importante voie de communication entraine une coupure entre le fond de la vallée et son flanc droit couvert d'intéressantes forêts où pointent les célèbres rochers du Bout du Monde. C'est de cette époque que remonte l'apparition du bras-mort de Sainval, au pied de ces rochers, dont les eaux se déversent dans l'Ourthe via un tunnel passant sous l'autoroute.
La physionomie actuelle de la vallée de l'Ourthe inférieure est donc le fruit de tous ces travaux d'aménagement étalés sur plus de deux siècles et de cette urbanisation sans cesse croissante en périphérie de l'agglomération liégeoise.
Malgré cette situation défavorable, la qualité des eaux de l'Ourthe est, à ce niveau, considérée comme bonne à très bonne selon plusieurs paramètres physico-chimiques étudiés (voir notamment DUCHATEAU et PIRONET, 2006 et les données publiées périodiquement par l'Etat de l'Environnement Wallon). En revanche, la qualité biologique est jugée moyenne au cours des deux dernières décennies. Deux stations d'épuration collectives (STEP) permettent actuellement de collecter et traiter les eaux usées : la station d'Embourg, en rive droite au niveau de l'ile Rousseau, entrée en service en 1996 et d'une capacité de 24.300 EH; et la station des Grosses Battes, sur l'Ile-aux-Corsaires, mise en service en 2002 et d'une capacité de 53.137 EH (source : SPGE).
Ile de Sauheid (ou ile de Streupas)
Aussi appelée ile Verte, ce bout de terre de 3,2 ha est la dernière ile de l'Ourthe avant son entrée dans la ville de Liège et sa confluence avec la Meuse, à 4 km d'ici. Elle s'étend au pied du versant gauche de la vallée, sur lequel est juchée la lande de Streupas. Sa forme triangulaire caractéristique est acquise vers 1860 et s'étire sur 360 m dans l'axe ouest-est, pour une largeur maximale de 150 m. Un chemin fait le tour complet de l'ile laquelle est reliée au Quai Saint-Paul de Sincay, en rive gauche de l'Ourthe, par un ponton de retenue, à son extrémité aval. Le plateau de l'ile se situe à 70 m d'altitude, soit en moyenne 4-5 m au-dessus de l'Ourthe lors des basses eaux.
L'ile de Sauheid est constituée essentiellement d'un amas de cailloux roulés issus de la fragmentation des roches du lit de la rivière. La plupart de ces cailloux sont constitués de grès et de quartzite, et parfois même de quartz pur (EK et al., 2004). Leur aspect émoussé s'explique par une abrasion progressive lors des mouvements engendrés par les crues, un phénomène qui dure depuis des milliers d'années et qui agit toujours malgré les importantes modifications du milieu engendrées par les activités humaines. Dans l'Ourthe inférieure, ces galets subissent un déplacement conséquent pendant une vingtaine de jours par an et leur taille peut dépasser les 15 cm lors de crues importantes (PETIT et al., 1999).
La rive nord de l'ile, à peu près rectiligne, est endiguée par de la maçonnerie et des enrochements. Elle est longée par un chemin en dur. A ce niveau, le bras nord de l'Ourthe (ancien bief de fonderie) atteint 20 m de largeur. La pointe amont, à l'extrémité ouest, est consolidée par un mur de moellons et une esplanade en tarmac (appelée Panê-Cou Plage à partir des années 1930). La berge sud, talutée et au contour elliptique, a un aspect nettement plus naturel. Elle se prolonge par des plages de galets d'une étendue variable selon le niveau de la rivière mais couvrant en moyenne 15-20 ares (ces grèves apparaissent également vers l'amont, en période d'étiage). La rive droite de l'Ourthe se trouve à 40 m plus au sud, en contrebas de l'autoroute E25. La rive orientale, à peu près rectiligne, fait face au quartier industriel de Beaufraipont. A ce niveau, l'Ourthe est barrée par un ilot de galets d'une dizaine d'ares et deux petites presqu'iles, reliquat d'un ancien barrage.
Si elle est actuellement en grande partie boisée, l'ile de Sauheid avait un tout autre aspect jusque dans les années 1970 puisqu'elle était couverte alors par des étendues herbeuses et occupée partiellement par des installations touristiques.
Ile Campana
Cette étroite bande de terre longe la rive gauche de l'Ourthe, en contrebas du versant forestier du Sart-Tilman, entre l'ile Rousseau et l'ile de Sauheid, à respectivement 1000 m en aval de la première et 350 m en amont de la seconde. Couvrant approximativement 0,8 ha, elle s'étire dans l'axe sud-ouest/nord-est sur 400 m de longueur pour une largeur de 7 à 33 m. L'ile est séparée de la rive de l'Ourthe et de l'ancien halage (actuellement aménagé en RAVeL) par un tronçon complet du canal de l'Ourthe, d'une largeur maximale de 10 m. Le sas de l'écluse n°4 (Sauheid) y est toujours visible, ainsi que les bornes - fortement dégradées - soutenant autrefois la lisse en métal (DUCHATEAU et PIRONET, 2018). Deux pontons permettent de franchir le bief, l'un dans la partie sud de l'ile occupée par les installations du Royal Mava Club (dédiées à la pratique du canoë-kayak), l'autre à la portion nord laissée en friche et accessible aux promeneurs.
L'ile Campana est située à la même altitude que l'ile de Sauheid et est plate comme elle. Ses rives sont consolidées presque partout par des enrochements et des maçonneries (particulièrement au niveau du club de kayak et du canal). A son niveau, l'Ourthe a une largeur comprise entre 45 et 60 m et dessine une légère courbe vers le nord-est. La rivière y est barrée par une digue oblique en bêton longue de 130 m, rattachée à la berge droite juste au pied de l'autoroute près du lieu-dit Joba, mais se terminant 4 m avant la rive sud-est de l'ile.
En dehors des bâtiments du kayak club, l'ile est couverte par une friche herbeuse tandis que ses rives sont occupées par une frange arborée.
Ile Rousseau
En face du vallon du Blanc Gravier, à la sortie du méandre de Colonster et en contrebas de la colline d'Embourg, s'étend l'ile Rousseau, à l'origine très ancienne. Ses dimensions et sa situation ont néanmoins quelque peu évolué depuis le 17ème siècle en rapport avec les aménagements de la vallée de l'Ourthe pour en faciliter la navigation fluviale. Cet ilot de 2,6 ha acquiert son aspect fusiforme définitif durant les années 1980, lors de la construction de l'autoroute E25 en rive droite de l'Ourthe.
S'étalant à présent sur quelque 415 m de long dans l'axe sud-est/nord-ouest, l'ile atteint une largeur maximale de 95 m dans son quart amont avant de rétrécir progressivement en direction de l'aval (vers le nord). L'ile est séparée de la berge gauche de l'Ourthe (où se trouve un parking et le RAVeL) par un canal subrectiligne d'à peine 25 m de largeur. La rive droite de la rivière est légèrement plus distante. Les rives sont en grande partie enrochées ou terreuses, avec des portions érodées, exception faite de la section aval du site où elles sont consolidées par des ouvrages maçonnés. A cet endroit passe la voirie de desserte qui joint la rue de Tilff (en rive gauche) à la station d'épuration d'Embourg, inaugurée en 1996 et nichée entre la rive droite et l'autoroute. En outre, la pointe sud de l'ile se prolonge par une digue bétonnée de 130 m de long coupant l'Ourthe en deux. Des plages de galets y apparaissent en régime d'étiage de la rivière.
Principalement boisée, l'ile Rousseau comporte cependant une petite clairière dans sa partie amont, une bande en friche tout le long de sa bordure occidentale ainsi qu'une zone de gazon dans sa pointe nord. Le site été fortement impacté lors des inondations catastrophiques de juillet 2021.
Ile du Moulin
Localisée juste en aval du pont de Tilff, cette petite ile d'environ 1,5 ha est la plus en amont du périmètre étudié, étant distante de 9300 m de la confluence Ourthe-Meuse. Elle est de forme plutôt allongée dans l'axe ouest-est et atteint une longueur maximale de 370 m pour une largeur d'une cinquantaine de m. D'origine très ancienne, son aspect a varié au fil des siècles mais son état actuel ressemble davantage à une presqu'ile. En effet, l'ile du Moulin est reliée à la berge gauche de l'Ourthe par une digue d'une centaine de m qui barre le bras nord de l'Ourthe tout en favorisant un certain atterrissement par accumulation de sédiments (galets et limons) et de débris divers (bois mort e.a.). Il est ainsi généralement aisé de rejoindre l'ile depuis le parking situé à proximité de la maison éclusière n°7.
Les rives de l'ile sont maçonnées ou enrochées selon les secteurs. C'est plus particulièrement le cas de la berge sud et de la pointe amont qui sont soutenues par un perré maçonné de près de 2 m de hauteur. Juste en amont de l'ile, l'Ourthe présente une largeur de 70 m. Les deux bras qui l'enserrent sont larges de 28-30 m.
L'ile du Moulin est essentiellement boisée et présente un aspect de vieux parc.
Le site considéré ici comprend le fond de la vallée de l'Ourthe depuis le pont de Tilff, en amont, jusqu'à la confluence avec la Meuse à Liège, dans le quartier de Fetinne. Il englobe les trois iles historiques que sont l'Ile du Moulin, l'Ile Rousseau et l'Ile de Streupas.
Ce tronçon de près de 10 km est sans doute celui qui a été le plus artificialisé car de nombreuses activités industrielles s'y sont succédées depuis le 16ème siècle jusqu'à nos jours. HANSOTTE (1955) écrivait ainsi «Le voyageur qui, au début du 18ème siècle, se rendait de Chênée à Tilff par la vallée de l'Ourthe devait traverser une des régions industrielles les plus actives du pays de Liège». Cette localisation était due à la situation à proximité de l'importante agglomération liégeoise et aussi à la rivière et à sa force motrice valorisée par des moulins à aube. Celle-ci alimentait fenderies, makas, forges et autres fourneaux produisant la matière pour l'industrie cloutière. Plus tard, il y eu également la Société des mines et fonderies de zinc de la Vieille-Montagne dont le siège était situé à Angleur et dont les activités, révolues depuis des années, transparaissent toujours dans la végétation calaminaire présente autour de l'Ile-aux-Corsaires.
Au fil du temps, le cours de la rivière a donc été modifié à des degrés divers en fonction des besoins et de l'occupation humaine. Des biefs ont été creusés en plusieurs endroits, des barrages ont été surélevés en d'autres, des berges ont été consolidées, des ponts ont été bâtis, etc. Jusqu'au milieu du 19ème siècle, seules quelques chemins parcouraient la vallée en faisant la jonction entre les villages et les hameaux, mais en 1865 est mise en service la ligne ferroviaire 43 Liège - Marloie, première infrastructure d'importance qui va modifier la physionomie de la rive de la rive gauche de l'Ourthe. Un siècle plus tard, un autre gros chantier chamboule cette fois-ci la vallée en rive droite, à savoir la construction de l'autoroute A26 durant les années 1980, entrainant la rectification de deux méandres tout en réduisant l'étendue de la plaine alluviale déjà particulièrement étroite.
Totalement cernée de parcelles urbanisées, de zones industrielles et d'infrastructures routières et ferroviaires, l'Ourthe se fraye tant bien que mal à travers ce paysage encombré où la nature a de moins en moins de place pour s'exprimer librement. En dépit de ce contexte peu réjouissant, on s'étonnera d'y rencontrer encore des animaux sauvages et farouches aussi emblématiques que le castor d'Europe (Castor fiber) ou le martin-pêcheur (Alcedo atthis), ou des plantes aussi singulières et rares que la lathrée écailleuse (Lathraea squamaria).