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Nouvelle liste rouge des libellules

Cette page présente les résultats de l'actualisation de la liste rouge des libellules en Wallonie 20 ans après l'évaluation précédente. La révision du statut des 67 espèces de libellules wallonnes montre que, parmi les espèces évaluées, 2 des espèces sont éteintes (3,3 %), aucune espèce n'est en danger critique d'extinction, 5 sont en danger de disparition (8.3%), 10 sont vulnérables (16.7%), 4 sont quasi menacées (6.7%) et 39 ne sont actuellement pas menacées (65%). En comparaison avec la liste rouge précédente, le statut de nos espèces de libellules en Wallonie est plus favorable. Cette évolution positive pourrait cependant s'avérer incertaine à l'avenir en raison des conséquences des modifications climatiques en cours.

Théorie

Cette page synthétise la méthodologie et les résultats de la liste rouge des Libellules de Wallonie 2021.   Le texte est extrait de la publication PDF Motte, G., Dufrêne, M., Mayon, N., Goffart, Ph., Barbier, Y., Cors, R., Ghilain, B., Kever, D., Lafontaine, R.-M., Paternoster, T., Schaetzen, R. de, Schott, O., Smits, Q. & Vandevyvre, X., 2021. Liste rouge 2021 des Libellules de Wallonie. Les Naturalistes belges, 102(3) : 1-21. (PDF-1443 ko)

Une liste rouge ?

  • Une liste rouge est un outil d'aide à la décision qui permet d'identifier les espèces menacées en comparant, à l'aide de critères définis par l'Union Internationale de la Conservation de la Nature (UICN), l'évolution des populations au cours du temps.

  • Les résultats obtenus permettent ainsi d'attribuer à chaque espèce un statut de menace qui reflète sa probabilité de disparition à court et moyen terme afin d'identifier les espèces qui nécessitent des mesures prioritaires de conservation et de restauration.

Revoir la liste rouge précédente

  • La dernière évaluation de l'état de notre faune des libellules datait de 2006 (Goffart et al. 2006). Le jeu de données se composait à l'époque de 26.730 données. Durant les 20 années qui ont suivi cette évaluation, on a assisté à un engouement des observateurs pour ce groupe, ce qui a généré une croissance exponentielle du nombre de données. On dispose actuellement de plus de 300.000 données.

  • L'actualisation de la liste rouge est donc une nécessité évidente et doit permettre d'appréhender l'évolution du degré de menace sur nos espèces.

  • La liste rouge précédente comparait l'évolution des populations entre les périodes 1850-1989 et 1990-2000. Afin de permettre une comparaison avec l'évaluation précédente, on compare l'évolution des populations entre les périodes 1850-2000 et 2001-2017.

  • Afin de vérifier la robustesse des résultats, ceux-ci ont également été comparé avec des indicateurs de tendances wallons de Termaat et al. (2019) et du rapport Planète Vivante du WWF (Szczodry et al., 2020).

Catégories de menaces proposées par l'UICN

Les catégories de menaces retenues par l'UICN (IUCN, 2012) sont les suivantes :

  • RE (regionally extinct) : espèce disparue au niveau régional. Plus aucun individu n'a été retrouvé depuis 10 ans malgré des prospections ciblées

  • CR (critically endangered) : espèce en danger critique d'extinction, probabilité d'extinction très élevée en 10 ans

  • EN (endangered) : espèce en danger de disparition, probabilité d'extinction élevée en 10 ans

  • VU (vulnerable) : espèce vulnérable, probabilité d'extinction moyenne en 10 ans 

  • NT (near threatened) : espèce quasi menacée

  • LC (least concern) : préoccupation mineure, espèce non menacée

  • DD (data deficient) : données insuffisantes pour l'évaluation

  • NE (not evaluated) : espèce non évaluée. Cela concerne les espèces erratiques, migratrices ou qui se sont récemment installées.

Les espèces qui sont reprises dans la liste rouge sont celles qui sont menacées (CR, EN, VU) (Fig. 1).

IUCN

Fig. 1. Catégories de l'UICN pour la liste rouge (extrait de Dufrêne, 2017 : 3)

Critères proposés par l'UICN

Pour ventiler les espèces dans une des catégories précitées, l'UICN utilise 5 critères principaux (A, B, C, D, E) ainsi qu'une série de sous-critères.

  • Le critère A est relatif à la dynamique des populations de l'espèce. Ce critère permet d'évaluer l'évolution du nombre de populations dans le temps et de détecter (uniquement) un éventuel déclin.

  • Le critère B est relatif à la dynamique de l'aire et de la répartition de l'espèce. Ce critère permet de détecter une fragmentation de la distribution ou des espèces avec une aire de répartition réduite.
  • Le critère C est un critère de taille de population qui s'applique aux espèces dont la population présente une taille très limitée. Ce critère complète le critère B (fragmentation) en prenant en compte le facteur aggravant d'une taille très limitée de la population de l'espèce.
  • Le critère D est un critère qui s'applique pour les très petites populations qui sont également très isolées et cela quel que soit le résultat de l'évaluation des populations (critère A).

  • Le critère E est appliqué lorsque des données quantitatives de viabilité des populations d'une espèce peuvent être analysées.

Application wallonne

Optimisation des critères de l'UICN au contexte wallon

La traduction de ces critères UICN en expressions dérivées de l'utilisation des bases de données est loin d'être évidente. Certains concepts comme la réduction de l'aire de distribution, des surfaces occupées, des nombres de populations reviennent dans plusieurs indicateurs.

De plus, la faible superficie de la Wallonie implique d'adapter les seuils des critères à l'échelle du territoire. A titre d'exemple, selon l'UICN, le critère relatif à la taille des populations mentionne des catégories de menaces dont les valeurs seuil peuvent atteindre 20.000 km² alors que la superficie de la Wallonie est de 17.000 km².

Pour ces raisons, la méthode utilisée propose donc une série d'indicateurs et de seuils adaptés au contexte wallon (Dufrêne, 2017). La méthode a été mise au point pour l'élaboration de la liste rouge des papillons de jour (Fichefet et al., 2008) et mise à jour pour la présente liste rouge ainsi que pour celle des abeilles de Belgique (Drossart et al., 2019).

Résultats 2021

  • Soixante-sept espèces sont répertoriées en Wallonie. Au total 60 espèces ont été évaluées et 7 espèces n'ont pas pu l'être.

  • Sur ces 60 espèces évaluées, 2 espèces sont éteintes, aucune espèce n'est en danger critique d'extinction et 15 espèces sont considérées comme en danger ou vulnérables.

  • La liste rouge se compose donc de 15 espèces soit 25% des espèces évaluées.

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Les deux espèces considérées comme éteintes sont :

Les 5 espèces en danger de disparition sont :

Les 10 espèces vulnérables sont :

Comparaison 2006 - 2021

  • Globalement, on constate que le risque de disparition des espèces de libellules diminue depuis 2000. En effet l'évaluation de 2006 indiquait que 46% des espèces évaluées (n = 26) étaient menacées.

  • Actuellement, ce taux est de 25% (n = 15).

  • Par ailleurs, aucune espèce n'est évaluée en danger critique d'extinction alors que précédemment 11 espèces (20%) entraient dans cette catégorie.

  • Concernant la catégorie quasi menacée, précédemment, 9% (n = 5) des espèces étaient concernées contre 7% (n = 4) actuellement.

  • Enfin, 39% (n = 22) des espèces étaient considérées comme non menacées alors qu'actuellement ce taux remonte à 65% (n = 39).

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Distribution

Distribution des espèces en Wallonie

Nombre d'espèces présentes en Wallonie après 2000

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Nombre d'espèces menacées en Wallonie après 2000

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Espèces de tourbières

Depuis 2003, dans le cadre de la mise en oeuvre du réseau Natura 2000 (directives 79/409/CEE et 92/43/CEE), 6 projets Life ont contribué à la restauration des tourbières et des milieux associés sur les hauts plateaux ardennais. Au terme de ces projets, près de 6400 ha ont bénéficié d'actions de restauration actuellement complétées par de nouveaux projets financés par le Programme wallon de Développement Rural (PwDR). Ces travaux ont permis de créer près de 12.000 mares, de restaurer 150 lithalses, de neutraliser 670 km de drains, d'ennoyer près de 50 ha. Les suivis mis en place pendant et après ces projets ont déjà été mis en évidence (voir publications).

La Figure objective les effets positifs de ces projets sur l'évaluation de 9 espèces positivement impactées par les investissement de restauration.

La nouvelle évaluation de 2021 indique que le risque de disparition de ces 9 espèces est considérablement réduit en comparaison avec la période antérieure à 2000.

Une espèce « Éteinte » (Leucorrhinia pectoralis) a pu, suite à un afflux provenant d'Europe de l'est (Goffart et al., 2012), coloniser les plateaux restaurés et son évaluation actuelle est « En danger ». Les 3 espèces qui étaient « En danger critique d'extinction » sont maintenant « En danger d'extinction » (Aeshna subarctica, Leucorrhinia rubicunda) ou « Vulnérable » (Coenagrion hastulatum) et les 3 espèces qui étaient « En danger » (Orthetrum coerulescens, Somatochlora arctica) ou « Quasi menacée » (Sympetrum danae) sont actuellement évaluées, respectivement, comme « Non menacée », « Vulnérable » et « Non menacée ».

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Figure : Evolution de l'évaluation de 9 espèces de « tourbières » selon la liste rouge de 2006 et de 2021.

Espèces méridionales

Les libellules sont des bioindicateurs performants qui permettent entre autres d'observer les effets du réchauffement climatique. En Wallonie, 11 espèces peuvent être considérées comme méridionales (Aeshna affinis, Anax parthenope, Crocothemis erythraea, Gomphus pulchellus, Orthetrum brunneum, Coenagrion scitulum, Erythromma lindenii, Erythromma viridulum, Lestes barbarus, Sympetrum fonscolombii et Sympetrum meridionale).

En 2006, 7 de ces espèces ne pouvaient être évaluées en raison de leur implantation récente (Fig. 10). En 2021, sur ces 7 espèces, toutes sont évaluées comme non menacées et seule une espèce n'a pas pu être évaluée par manque de données (Sympetrum meridionale). Pour cette espèce, depuis 2017, le nombre d'observations et leur distribution sont en claire augmentation.

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Figure : Evolution de l'évaluation de 11 espèces méridionales en 2000 et en 2017.

Espèces Natura 2000

En Wallonie, 4 espèces sont reprises dans les annexes II et IV de la directive habitat 92/43/CEE. Ces espèces d'intérêt communautaire font l'objet d'une évaluation périodique (6 ans), dans nos 2 régions biogéographiques (région atlantique au nord du sillon Sambre-Meuse, région continentale au sud du sillon), de leur état de conservation dans le cadre du rapportage décrit dans l'article 17 de la directive. Ces espèces sont Coenagrion mercuriale, Oxygastra curtisii, Leucorrhinia caudalis et Leucorrhinia pectoralis.

Le tableau présente les résultats du dernier rapportage 2013-2018.

Tableau : Etat de conservation des espèces Natura 2000 en Wallonie selon le rapportage art. 17 2013-2018. FV : favorable, U1 : défavorable inadéquat, U2 : défavorable mauvais.

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Concernant Leucorrhinia caudalis, cette espèce n'est pas évaluée dans le cadre de la liste rouge en raison de sa réimplantation trop récente (2011). Son état de conservation est évalué comme défavorable mauvais car les populations sont encore réduites et leur viabilité reste incertaine sur le long terme.

Le résultat brut de la liste rouge évaluait Leucorrhinia pectoralis comme non menacée (LC) en raison d'une extension très importante de son aire de distribution suite à un afflux provenant d'Europe de l'est en 2012. Néanmoins, malgré une augmentation récente de sa distribution, confirmée par l'analyse de tendance de 2008 à 2018, les sites de reproduction restent limités, les effectifs varient d'année en année et l'intensité de la reproduction décline. Cette espèce a donc été reclassée comme en danger (EN) et son état de conservation reste défavorable inadéquat.

Concernant Coenagrion mercuriale, cette espèce est évaluée comme vulnérable (VU, réduction de l'aire de distribution, population fragmentée, faible nombre d'individus) et son état de conservation est défavorable inadéquat en raison d'un déclin récent des populations en Famenne. Néanmoins, l'analyse de tendance de 1990 à 2018 et de 2008 à 2018 montre que sa répartition est, respectivement, en augmentation (en Gaume) ou stable.

Concernant Oxygastra curtisii, le résultat brut de la liste rouge évaluait cette espèce comme non menacée. Par avis d'expert, cette espèce est reclassée comme en danger (EN) car seules 2 populations sont présentes en Wallonie et le suivi de la reproduction par comptage standardisé des exuvies indique un déclin des effectifs. Ce déclin est également confirmé par l'analyse de tendance de 2008 à 2018. Les inondations historiques de juillet 2021 pourraient avoir impacté négativement l'espèce. Son état de conservation est défavorable inadéquat.