Le suivi du chat forestier
La chat forestier ou chat sylvestre (Felis silvestris silvestris), est un mammifère au rythme de vie essentiellement nocturne. Il évolue sur de grands domaines vitaux et apprécie la quiétude des zones forestières, principalement au sud du sillon sambro-mosan. C’est une espèce bien représentée en Région wallonne.
Elle est cependant particulièrement menacée par la fragmentation de l’habitat. Plus préoccupant encore, le risque d’hybridation avec les chats d’origine domestique (Felis silvestris catus) menace l’intégrité génétique du chat forestier. Ceci est d’autant plus vrai en marge de son aire de répartition, comme c’est le cas dans le Hainaut et au nord de la province de Liège.
Classé à l’annexe IV de la Directive Faune Flore Habitats et à l’annexe II de la convention de Berne, le chat forestier est intégralement protégé en Wallonie. Depuis 2015, les chats domestiques de particuliers doivent être stérilisés pour limiter la propagation de populations férales et réduire le risque d’hybridation avec le chat sylvestre.

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Photo de bandeau © Eric Dropsy
Suivi par recherche d’indices de présence
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Rechercher des indices de présence sur des parcours échantillons de plusieurs kilomètres dans des habitats forestiers permet de collecter quelques informations de présence sur l’espèce. Ce sont surtout des empreintes de pas caractéristiques qui peuvent être rencontrées car le chat sylvestre recouvre généralement ses laissées, ce qui réduit fortement la possibilité de les détecter.
Cette méthode est donc moyennement fructueuse pour le chat forestier mais elle et est surtout utile pour inventorier les mustélidés comme la martre et le putois et c’est plutôt à l’occasion de parcours « mustélidés » que la découverte opportuniste d’indices de présence de chat sylvestre a lieu. Les informations encodées dans différentes bases de données sont ensuite validées par le Département de l'Etude du Milieu Naturel et Agricole (DEMNA).
Suivi par caméra infrarouge
L’utilisation de caméras infrarouges pour détecter la présence de mammifères est mise en œuvre dans plusieurs massifs forestiers afin d’œuvrer à différents suivis (raton laveur, ongulés...). Cette technique est très profitable pour détecter le chat sylvestre qui est régulièrement observé sur les clichés obtenus. Au départ de ces détections, différentes modélisations peuvent être réalisées pour obtenir de l’information plus fine sur la dynamique populationnelle de l’espèce.

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Comptage par indice nocturne d’abondance (INA)
Le suivi par indice nocturne d’abondance a été développé pour évaluer les populations d’ongulés, en particulier le cerf qui fait l’objet d’un plan de gestion en Région wallonne. La méthodologie appliquée permet ainsi de collecter de très nombreuses données sur le chat forestier qui est souvent rencontré lors de ces comptages nocturnes. L’exercice est particulièrement positif dans les massifs forestiers situés au sud de l’axe sambro-mosan.
Suivi par radiopistage

Entre 2009 et 2010, quelques individus de chats sylvestres ont été capturés dans l’Hertogenwald afin d’étudier leurs domaines vitaux, leur rythme d’activité et le recouvrement de leurs territoires avec ceux de chats harets d’origine domestique. Des domaines vitaux de plus de 700 ha et jusqu’à 1500 ha ont été identifiés, démontrant l’importance de la connectivité des habitats et les risques liés à la fragmentation des massifs boisés. Le recouvrement de territoires entre chats forestiers et domestiques survenait essentiellement en périphérie du massif de l’Hertogenwald, appuyant la nécessité de stériliser ces derniers au profit de l’espèce sauvage indigène.
Analyse de l’hybridation génétique
En Région wallonne, les petits mammifères protégés trouvés morts (essentiellement des victimes de collision avec des véhicules) sont régulièrement ramassés par les agents du Département de la Nature et des Forêts et transmis pour analyse sanitaire et collecte d’échantillons vers le réseau de suivi sanitaire de la faune sauvage de l’Université de Liège.
Le DEMNA profite de la collecte de ces animaux morts pour prélever certains échantillons et notamment des échantillons de tissus qui pourront être analysés génétiquement. Ceux-ci sont particulièrement précieux pour l’étude du chat sylvestre car ils permettent de déterminer un taux d’hybridation entre les sous-espèces sauvage et domestique.
Différents travaux ont été menés à cet égard et différents protocoles d’analyse ont été employés (analyses par microsatellites, SNPs). Une étude lancée en 2016 par analyse SNPs a donné lieu à une collaboration avec le Luxembourg, les Pays-Bas et le laboratoire de référence de l’Institut Senckenberg en Allemagne. Elle a mis en évidence des niveaux d’hybridation relativement faibles pour le Benelux (3 à 5 %), comparativement à d’autres régions européennes. Vu l’intérêt d’assurer l’intégrité génétique de la population de chat sylvestre, il est utile de continuer à collecter des échantillons de chat sylvestre pour assurer un suivi de cette problématique.
A noter que le DEMNA profite également des autopsies sur cette espèce pour relever de nombreux critères et mesures morphométriques permettant partiellement d’identifier les hybrides de chat forestier x chat domestique des chats forestiers « purs ».
Publications
- Libois R. (2006) - L’érosion de la biodiversité : les mammifères. Partim « Les mammifères non volants ». Dossier scientifique réalisé dans le cadre de l’élaboration du Rapport analytique 2006 sur l’État de l’Environnement wallon. Université de Liège. 127p.
- Tiesmeyer A., Ramos L., Lucas JM., Steyer K., Alves PC., Astaras C., Brix M., Cragnolini M., Domokos C., Hegyeli Z., Janssen R., Kitchener AC., Lambinet C., Mestdagh X., Migli D., Monterroso P., Mulder JL., Schockert V., Youlatos D., Pfenninger M. & Nowak C. (2020). Range‑wide patterns of human‑mediated hybridisation in European wildcats. Conservation Genetics 21:247–260.
- von Thaden A, Nowak C, Tiesmeyer A, Reiners TE, Alves PC, Lyons LA, Mattucci F, Randi E, Cragnolini, Galian J., M., Kitchener AC., Lambinet C., Canovas JM., Mölich T., Ramos L., Schockert V et Cocchiararo B. (2020) Applying genomic data in wildlife monitoring: Development guidelines for genotyping degraded samples with reduced single nucleotide polymorphism panels. Mol Ecol Resour.; 20(3):662-680.