Les étapes de l'évaluation
Définition des objectifs spécifiques de l'évaluation
Il est nécessaire de définir précisément les objectifs poursuivis par l'évaluation des services écosystémiques à son entame. De ces objectifs dépendront les objets de l'évaluation (quels écosystèmes ? quels services écosystémiques ?, quels bénéficiaires ?, etc.), les méthodes d'évaluation à mobiliser, le choix des indicateurs à considérer, etc.
En règle générale, pour toute évaluation visant à aider la prise de décision, les principes énoncés dans le cadre d'évaluation devraient être respectés :
- Transparence du processus
- Prise en compte du pluralisme des valeurs en mobilisant différentes méthodes d'évaluation
- Intégration des variabilités spatiales et temporelles de l'offre et de la demande en services écosystémiques
- Implication de l'ensemble des bénéficiaires, etc.
Néanmoins, selon les objectifs poursuivis, certains de ces principes pourront être adaptés.
Par exemple, une évaluation menée dans un objectif de sensibilisation générale pourrait se focaliser sur un seul type de valeurs ; n'ayant pas pour objectif de mener directement à une prise de décision, l'importance d'exhaustivité est moindre.
Dans la même logique, la faisabilité de mener une évaluation sociale approfondie, avec des méthodes participatives rassemblant tous les acteurs concernés, n'est pas la même pour une évaluation des services écosystémiques à une échelle nationale que pour une évaluation à une échelle très locale. Dans le premier cas, des simplifications seront certainement nécessaires (sans pour autant faire l'impasse sur l'évaluation sociale).
Identification des objets de l'évaluation
Une évaluation intégrée des services écosystémiques requiert de considérer simultanément divers objets d'évaluation : les écosystèmes, les modes de gestion, les services écosystémiques, les acteurs ainsi que le contexte socio-économique et décisionnel.

Intégration des différents domaines de valeurs
Afin de tenir compte du pluralisme des valeurs accordées aux services écosystémiques, l'évaluation intégrée de ces services requiert de combiner évaluation biophysique, sociale et, seulement si pertinent, économique.
Avant de se lancer dans l'évaluation proprement dite, il est important de réfléchir à la façon d'articuler les différents processus d'évaluation et d'intégrer les divers domaines de valeurs, tout en s'assurant du respect de la « hiérarchie » des valeurs développé dans la section « Comment ? » du cadre d'évaluation.
Cette ‘intégration' des valeurs ne constitue en effet pas une étape isolée mais se réalise tout au long de l'évaluation, en mettant en rapport les différentes valeurs et en analysant la façon dont elles s'influencent mutuellement.
Les trois types d'évaluation peuvent s'alimenter les uns les autres. A titre d'exemple, l'évaluation des synergies et antagonismes entre services écosystémiques réalisée lors de l'évaluation biophysique permet de mettre en évidence les acteurs impactés négativement (ceux qui bénéficient des services écosystémiques impactés négativement) ; ce qui incite à les considérer comme des acteurs indispensables à consulter lors de l'évaluation sociale. Inversement, l'évaluation sociale peut informer et servir de base à l'évaluation biophysique en identifiant les services écosystémiques prioritaires pour les différents acteurs qui en dépendent et en précisant les demandes.
Ici encore, les objectifs spécifiques de l'évaluation auront une influence sur la façon d'articuler les types d'évaluations. Par exemple, une évaluation à l'échelle régionale visant à cartographier l'offre de services écosystémiques développera fortement l'évaluation biophysique et limitera l'évaluation sociale à l'identification des catégories de bénéficiaires, avec une faible composante participative. Au contraire, une évaluation ayant pour objectif l'adoption d'un plan d'aménagement d'un périmètre restreint aura une forte composante sociale, en incluant les acteurs concernés dès le début de l'évaluation, notamment en réalisant une sélection participative des services écosystémiques prioritaires.
Réalisation de l'évaluation
Pour rappel, l'évaluation intégrée passe par des évaluations biophysique, sociale et éventuellement économique des services écosystémiques.
Évaluation biophysique
L'évaluation biophysique des services écosystémiques est une étape indispensable de l'évaluation intégrée car elle permet de comprendre et de définir le potentiel des écosystèmes à fournir de tels services, ainsi que leurs limites (« seuils écologiques »). Elle est également particulièrement utile pour identifier les synergies et antagonismes entre services écosystémiques, en analysant les services par « bouquets ».
L'évaluation biophysique se réalise au moyen d'indicateurs, généralement quantitatifs, qui informent sur des stocks (par exemple, volume de carbone dans les sols, volume moyen de bois par ha, ...) et/ou des flux (par exemple, quantité annuelle de céréales récoltées, volume d'eau épuré par des écosystèmes naturels, nombre de promeneurs dans une forêt, ...).
Ces indicateurs sont construits à partir de données soit déjà disponibles, soit mesurées sur le terrain, renseignées par les co-producteurs de services au moyen d'enquêtes et/ou modélisées dans le cadre de l'étude.
L'évaluation des services écosystémiques étant un champ relativement neuf, les données requises pour les indicateurs les plus pertinents sont souvent encore manquantes ou disponibles à une échelle pas toujours exploitable (par exemple, valeur moyenne pour la Wallonie). Ainsi, à défaut d'investigations de terrain menées dans le cadre de l'évaluation, il est fréquemment fait appel à des modèles, des proxies ou des transferts de valeurs depuis d'autres sites. Les simplifications posées augmentent alors souvent l'incertitude attachée à l'évaluation qui doit être prise en compte et clairement mentionnée.
Sur base de critères de qualité et des travaux menés par d'autres instances, Wal-ES propose, pour chaque service écosystémique de la typologie retenue, un ensemble d'indicateurs biophysiques. Ceux-ci sont ventilés suivant le type d'information qu'ils apportent.
La liste complète de ces indicateurs biophysiques est en cours de développement.
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Évaluation sociale
L'évaluation sociale des services écosystémiques constitue un pilier fondamental de l'évaluation intégrée. Elle permet de prendre en compte les différentes perceptions de ces services qu'ont les acteurs concernés ; perceptions par ailleurs dépendantes des contextes socio-culturel et socio-économique du site d'étude.
L'évaluation est complémentaire à son évaluation biophysique : alors que cette dernière porte principalement sur l'offre de ces services par les écosystèmes, la première renseigne sur la demande en services écosystémiques, la satisfaction ou non de cette demande, ainsi que sur la perception de l'offre.

L'évaluation sociale des services écosystémiques favorise le partage équitable des bénéfices issus de ces services. Pour cela, elle doit veiller à couvrir le point de vue de tous les acteurs concernés par ceux-ci, précédemment identifiés (co-producteurs et bénéficiaires).
En particulier, elle doit tenir compte des bénéficiaires d'éventuels services écosystémiques impactés négativement, mis en évidence par l'analyse des antagonismes réalisée lors de l'évaluation biophysique.
L'évaluation sociale se réalise au moyen de méthodes participatives, incluant questionnaires individuels et consultations de groupes, éventuellement reproduites à plusieurs moments de l'évaluation. Elle fournit des renseignements essentiellement d'ordre qualitatifs.
Ceux-ci peuvent principalement porter sur :
- la sélection des services écosystémiques jugés prioritaires, qui feront l'objet d'une évaluation biophysique approfondie ;
- le classement par ordre d'importance des services écosystémiques fournis ou potentiellement fournis par un territoire donné;
- e degré de satisfaction des acteurs quant aux services écosystémiques actuellement délivrés.
L'évaluation sociale, et les méthodes participatives utilisées, permettent généralement d'aller plus loin que la révélation des valeurs sociales stricto sensu. Elles génèrent souvent un véritable processus collectif d'apprentissage social . D'une part, les valeurs révélées par chaque catégorie d'acteurs peuvent être discutées collectivement, alimenter de nouvelles connaissances et aboutir à la formulation de nouvelles valeurs collectives ( co-construction de valeurs ). D'autre part, le processus peut s'étendre, au-delà de l'évaluation, à la prise de décision subséquente. Par exemple, une évaluation participative des services écosystémiques peut ainsi déboucher sur l'élaboration et l'adoption commune du plan de gestion d'un territoire donné ( co-gestion ).
Évaluation économique
L'évaluation économique des services écosystémiques ne constitue pas une étape indispensable de l'évaluation intégrée de ces services. Elle ne doit être envisagée, à la suite d'une évaluation biophysique et sociale, que lorsqu'elle apporte une réelle plus-value par rapport à l'objectif poursuivi, dans une perspective de développement durable.
Ce type d'évaluation peut notamment s'avérer pertinent dans le cas d'analyses coûts/bénéfices comparant différents scénarios en termes d'infrastructures (par exemple, la régulation d'inondations par le biais d'un écosystème particulier (zone humide) ou d'une infrastructure artificielle (bassin d'orage)), ou dans le cas de calcul de dédommagements suite à des dégâts environnementaux (compensations)).
L'évaluation économique se réalise au moyen d'indicateurs ayant, pour tous les services écosytémiques, une même unité : l'unité monétaire.
Elle peut être directe pour les services écosystémiques déjà associés à un marché, comme les services de production en général (par exemple, le service ‘production de bois' qui pourra être évalué par l'indicateur ‘prix de vente des grumes'). Différentes méthodes ont par ailleurs été développées afin de pouvoir également attribuer une valeur monétaire à des services écosystémiques non marchands, principalement les services de régulation et les services culturels : méthodes des fonctions de production, des préférences révélées, des préférences exprimées, etc. Ces méthodes, qui simulent un marché fictif, ne sont toutefois pas applicables à l'ensemble des services écosystémiques non marchands.
Compte tenu de leurs limites, du caractère accessoire et des risques d'effets contre-productifs de l'évaluation économique, ces méthodes n'ont pas été développées à ce stade par la plateforme Wal-ES. Celle-ci limite actuellement l'évaluation économique aux services écosystémiques faisant l'objet d'une commercialisation.
Des indicateurs économiques sont en cours de développement par la plateforme pour les services concernés.