
Le suivi des macrophytes benthiques (ou plantes aquatiques)
Les macrophytes benthiques, bien que souvent négligés au profit des poissons ou des insectes, constituent un indicateur précieux de l’état écologique des rivières wallonnes. Ils révèlent l’impact des nutriments, de l’eutrophisation et des modifications morphologiques et complètent parfaitement les suivis diatomiques, invertébrés et piscicoles. Leur suivi au moyen de l’IBMR est par ailleurs indispensable pour répondre aux exigences européennes et orienter les actions locales de restauration. En observant les plantes aquatiques, c’est toute la mémoire écologique des rivières qui se dévoile.
Pourquoi surveiller les macrophytes ?
Les macrophytes regroupent les plantes aquatiques visibles à l’œil nu vivant dans ou autour des rivières : mousses, algues filamenteuses, hépatiques, fougères aquatiques, phanérogames enracinées ou flottantes. Ils sont d’excellents indicateurs écologiques car :
- Ils sont fixes et reflètent les conditions locales sur le long terme,
- Ils réagissent aux variations de la qualité chimique (nutriments, matières organiques, métaux lourds, salinité),
- Ils intègrent les modifications hydromorphologiques (rectification, envasement, barrages, érosion des berges),
- Ils traduisent aussi les pressions liées à la lumière (ombrage par la ripisylve ou eutrophisation conduisant à des blooms d’algues).
- Les mousses aquatiques (Fontinalis antipyretica) indiquent une eau bien oxygénée et non polluée.
- Les hépatiques (comme Scapania undulata) sont sensibles aux perturbations acides et métalliques.
- Les élodées (Elodea canadensis, Elodea nuttallii), espèces exotiques envahissantes, traduisent souvent un enrichissement en nutriments et une perturbation écologique.
- Les algues filamenteuses prolifèrent lors de fortes charges organiques et d’eutrophisation.
Comment se déroule le suivi ?
Le protocole de suivi des macrophytes benthiques se déroule en trois étapes complémentaires :
Échantillonnage sur le terrain
- Les relevés sont réalisés en période de végétation maximale (printemps–été).
- On parcourt un tronçon standardisé de cours d’eau (100 m) et on recense toutes les espèces de macrophytes présentes.
- On estime l’abondance relative de chaque taxon selon une échelle semi-quantitative (rare, fréquent, abondant, dominant).
- Nombre de sites suivis : 206 stations, sur la période 2022-2027
- Périodicité des campagnes : une fois tous les 3 ans par bassin hydrographique
- Méthodologie appliquée : protocole adapté à la norme européenne EN 14184 (prélèvement et analyse de macrophytes)
- Institutions impliquées : SPW – Département de l’Étude du Milieu naturel et agricole
Identification
Les espèces sont identifiées in situ ou en laboratoire (notamment pour les bryophytes et certaines algues difficiles). Le niveau taxonomique atteint est en général l’espèce, car la sensibilité écologique peut varier au sein d’un même genre.
Calcul de l’indice IBMR
- L’Indice Biologique Macrophytique en Rivière (IBMR) attribue une note à chaque taxon en fonction de sa sensibilité à la pollution organique et à l’eutrophisation.
- Le score global (de 0 à 20) est ensuite calculé en pondérant selon l’abondance des espèces présentes.
- Plus la note est élevée, meilleure est la qualité écologique du cours d’eau.
Développé initialement en France, l’IBMR a été adapté en Wallonie pour répondre aux obligations de la Directive Cadre sur l’Eau (DCE, 2000/60/CE). Il permet de classer les masses d’eau en cinq catégories d’état : très bon, bon, moyen, médiocre, mauvais.
Quels paramètres sont étudiés ?
Le suivi macrophyte permet de documenter :
- la richesse floristique (nombre total d’espèces présentes),
- la dominance d’espèces sensibles vs espèces tolérantes,
- la présence d’espèces exotiques envahissantes (Elodea spp, Myryophyllum aquaticum, Ludwigia grandiflora, …),
- l’équilibre trophique (prolifération d’algues filamenteuses ou de plantes nitrophiles),
- la structure de la végétation aquatique (mousses, hépatiques, plantes supérieures).
Pourquoi ce suivi est-il essentiel ?
Détection des pollutions chroniques
Les macrophytes réagissent particulièrement aux nutriments (azote, phosphore). Ils sont donc de bons indicateurs de l’eutrophisation, souvent causée par les rejets agricoles ou domestiques.
Intégration morpho-hydrologique
Les communautés végétales dépendent de la vitesse du courant, de la stabilité des substrats et de la morphologie des berges. Leur suivi permet donc aussi d’évaluer les effets de la canalisation, de l’envasement ou des modifications hydrauliques.
Complémentarité avec les autres indicateurs
- Les diatomées réagissent rapidement aux changements chimiques à court terme.
- Les invertébrés intègrent les pressions sur plusieurs mois.
- Les macrophytes offrent une vision plus pluriannuelle, en intégrant la structure et l’évolution des habitats.
Répondre aux obligations européennes
La DCE impose d’évaluer l’état écologique des cours d’eau à partir de plusieurs éléments biologiques. Les macrophytes sont particulièrement mobilisés pour l’évaluation de l’eutrophisation et des impacts morphologiques.
Des données utiles à la gestion
Les résultats du suivi macrophyte alimentent :
- les rapports régionaux sur l’état des eaux,
- les rapports DCE à la Commission européenne,
- les plans de gestion visant la réduction de l’eutrophisation,
- la lutte contre les espèces exotiques envahissantes (détection précoce, suivi de leur expansion).
En savoir plus
Résultats du monitoring - Données ouvertes
Une partie des résultats du monitoring des cours d'eau est disponible, permettant aux citoyens, chercheurs et gestionnaires locaux de consulter les tendances.
Monitoring des cours d'eau
Obligations légales et indicateurs utilisés
Diatomées, macro-invertébrés et poissons
Techniques de suivi des 3 autres indicateurs de santé des cours d'eau